Psychologie

Vivre la fin d'une amitié

Vivre la fin d'une amitié

  Photographe : Lucila Perini | agoodson.com

Dernièrement, je me suis fait larguer.

Pas par un amoureux, mais par un ami. Et étrangement, je suis assez sereine. Bien sûr, je trouve dommage que cette amitié de longue date se soit brisée, mais j’accepte d’avoir été mise à l’écart.

La pente est devenue glissante un soir de pandémie, alors que tout le monde avait le mal à l’âme et les émotions à fleur de peau. L’état d’esprit qui nous habite tous depuis deux ans, quoi!

Nous étions dans un flou de zonage couleur vert-orangé. Rappelez-vous cette période où la couleur de notre région déterminait le nombre de convives qu’il était permis de recevoir à l’intérieur... J’avais lancé les invitations pour mon souper de fête lorsque le zonage était couleur espoir. 

Quelques jours avant le jour J, Montréal et les alentours ont viré à l’orange. Nous dépasserions de quelques têtes le nombre de personnes autorisées. Un de mes amis a alors évoqué les possibles amendes et autres «stresseurs» potentiels. Comme le confinement, le déconfinement et le possible reconfinement m’avaient mis les nerfs en boule, j’ai répondu bêtement que chacun était maître de ses angoisses et que s’il voulait se retirer, cela nous permettrait de respecter le ratio permis.

Ma réaction a été super plate, et j’ai reconnu mon erreur. Plusieurs jours plus tard, j’ai pris le téléphone et nous nous sommes expliqués. Ce n’était plus un ami que je côtoyais fréquemment, mais je trouvais important de me réconcilier avec lui. Quelques minutes après cet échange verbal, cet ami m’a écrit qu’il était très heureux de ce dénouement et que nous avions bien fait de nous parler. Comme quoi la communication peut parfois être bénéfique! C’était donc de l’histoire ancienne.

Imaginez mon incompréhension quand près d’un an plus tard, invitant tous les amis à un barbecue festif (et respectant les mesures sanitaires en vigueur), je n’ai pas reçu de réponse de sa part. Il y avait si longtemps que je n’avais pas eu de ses nouvelles! Je lui avais écrit à sa fête pour le féliciter pour son nouveau projet musical. Texto pour lequel j’avais obtenu une réponse positive, émoji de sourire à l’appui, mais sans plus. Était-il déçu que je n’aie pas pris plus souvent de ses nouvelles? En même temps, la pandémie faisait en sorte que j’avais été discrète avec pas mal tout le monde...

«Ici, il aurait pu y avoir des vérificateurs de perception, explique la psychologue Josée Jacques. Ça se fait en trois étapes très simples: on décrit les faits (je t’ai envoyé un message et je n’ai pas eu de réponse), on propose deux interprétations (es-tu encore fâché ou n’as-tu pas vu mon message parce que tu es trop occupé?) et l’on vérifie ce qui en est. Le fait de vérifier évite qu’on reste avec de fausses interprétations.»

Peu de temps après le lancement des invitations, une amie est allée souper avec l’amoureuse de cet ami devenu muet. Et c’est comme ça que j’ai appris que notre chicanette, qui dans ma tête était une affaire classée, ne l’était finalement pas. Que cet ami m’avait rayée de sa vie. Mon premier réflexe, même si j’étais en colère, a été de vouloir régler ça. Mais je me suis ravisée. Qu’y avait-il à régler? Tout n’avait-il pas déjà été dit? Que s’était-il passé durant cette année où nous nous étions à peine parlé pour que les choses s’enveniment ainsi?

«La question, c’est toujours: À qui appartient le problème? Si le problème ne m’appartient pas, je n’ai pas à le régler. Cela dit, une grande ambiguïté peut causer de la rumination. Si l’on tient à la relation, on vérifie sans jugement: “Je remarque que tu es froid. Est-ce parce que tu es fâché ou bien parce que tu as envie de prendre tes distances?” C ’est l’idéal, mais des fois, on ne tient pas tant que ça à la relation. Et si l’autre non plus ne semble pas y tenir ou ne la valorise pas, ça se peut qu’elle meure d’elle-même. On ne sait pas... Peut-être y aura-t-il des retrouvailles un jour», indique la psychologue.

J’ai compris entre les lignes que cet épisode était peut-être le prétexte que cet ami attendait pour me donner mon 4 %. Et j’ai compris que mon inaction ou mon absence de volonté à tenter de le convaincre du contraire était aussi un signe que notre amitié était arrivée au bout de sa vie.

 

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