Psychologie

Témoignage: Sois forte et tais-toi!

Témoignage: Sois forte et tais-toi!

  Photographe : Marie-Ève Tremblay | colagene.com

Trop souvent, quand j’éteins la lumière avant de me coucher, je ressens un frisson perturbant. J’ai peur. Pas des monstres sous le lit. Pas d’ombres sur le mur. Ce qui m’effraie, c’est de ne pas pouvoir être forte encore demain.

C'est la nuit que les doutes m’assaillent et que les masques tombent. Parfois, je n’en peux juste plus d’être forte. De jongler avec les tâches, les projets, les défis, les responsabilités, la job, alouette.

De dire «ça va» par habitude, alors que ça ne va pas du tout. D’essayer de me comparer à pire pour continuer à avancer, pour ne pas flancher. D’encaisser sans rien dire, parce que d’autres vivent des situations plus douloureuses que moi. De ne pas savoir quoi faire avec les émotions qui me tordent le cœur. Et si demain, je n’y parvenais plus?

Je m’endors finalement au bout de mon insomnie, me réveille et me secoue. Je ne peux pas montrer ce côté chancelant de moi. Je rechausse les mêmes souliers que la veille. Sans seulement remarquer que j’enfile un déguisement. Jour après jour.

«On reste souvent très en surface avec les autres. Avec soi aussi. En portant des masques, parfois pendant des années, on ne sait même plus qui on est. Et ça peut nous faire peur», explique Benoit Chalifoux, spécialiste des habiletés relationnelles et auteur d’Être à son meilleur – L’incroyable pouvoir des habiletés relationnelles.

Pour se «retrouver» et être pleinement soi, il faut d’abord se permettre d’être authentique et cesser de faire semblant. Tout un contrat! Car, habituellement, on ne craque que lorsqu’on est seule. Moi, en tête à tête avec mon insomnie.

Geneviève aussi le fait à l’abri des regards: «Des fois, je parle toute seule en voiture. Je fais des genres de monologues de ce que j’aimerais dire aux gens. Autrement, je n’arrive pas à le dire quand ça va mal. Parfois, quand j’ai un trop-plein, j’écris. Pis je braille. Parfois, au bon moment et avec la bonne personne, je parle. Mais c’est rare.»

 

Sois forte

© Unsplash | Mitchell Orr

 

On se permet de relâcher la pression quand on sait que personne ne nous voit. «Je cache cette facette, parce que j’ai une image de femme forte, en contrôle. Je suis plutôt celle à qui on se confie. Si je montre une faiblesse, j’ai peur de troubler mes proches, qui ne sont pas habitués à me voir ainsi», poursuit Geneviève.

Pourtant, montrer sa vulnérabilité a du bon. Particulièrement avec nos enfants. «Maman a eu une journée difficile. Elle pleure. Puis elle suggère que toute la famille sorte marcher pour se changer les idées avant le souper. Montrer comment rebondir après un coup dur, affronter l’adversité et trouver des solutions ou des stratégies de résilience outille les enfants. C’est très formateur», constate Pascale Brillon, psychologue et auteure d’Entretenir ma vitalité d’aidant.

Tout cela implique d’être davantage à l’écoute de notre petite voix intérieure qui nous aide à mettre nos limites, sauf que cette dernière est trop souvent étouffée par les «il faut que...», «je dois...», «j’aurais dû...», etc. C’est un entraînement à suivre composé de divers exercices: l’humilité de demander de l’aide pour certaines tâches, des gestes bienveillants et une attitude compatissante envers soi- même, l’utilisation de l’expression «j’aimerais que» au lieu de «il faudrait que» et le courage d’exprimer ses émotions.

Reste que ce retour à l’authenticité m’effraie et m’attire à la fois. J’ai l’impression d’abandonner les autres, mais je suis épuisée de me cacher de moi-même. J’ai peur de les voir s’éloigner si je me montre au grand jour, mais j’ai encore plus peur de ne plus me retrouver. «Se rendre vulnérable nous rapproche des autres et les invite à l’être à leur tour. On ouvre la porte à l’art de la vraie discussion, on se permet finalement d’entrer en relation avec les autres et avec qui on est vraiment», estime Benoit Chalifoux.

Même si je tremble un peu, demain matin, promis, je laisserai ma cape de Wonderwoman et mes masques en tas sur le lit. Je prendrai le pari d’être un peu plus moi... authentiquement moi. Parfois forte, parfois faible. Et c’est très bien ainsi.

 

 

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