Psychologie
Souffrez-vous d'écoanxiété?
Photographe : Marie-Ève Tremblay | colagene.com
Le réchauffement climatique engendre une foule de réactions, dont la peur, le découragement et l’anxiété. Comment rester conscientisée sans affecter sa santé mentale?
«Ark, pas du plastique non compostable!» «Elles viennent d’où, ces fraises, en plein hiver?» «Ma tante, elle utilise du papier de toilette lavable. Pourquoi pas nous?»
Depuis le printemps dernier, à l’heure du souper, les discussions portent souvent sur l’écologie. À la blague, je dis que c’est de «l’écochialage» mais, au fond, les préoccupations de mes trois petits militants de coin de table reflètent bien l’inquiétude générale. Devant l’ampleur de la catastrophe qu’on nous annonce, n’est-il pas normal de se préoccuper vivement du sort de la planète?
«Depuis quelques années, des psychologues s’intéressent à l’effet des changements climatiques sur la santé mentale. Des recherches montrent qu’ils agissent comme un facteur de stress pouvant causer des symptômes dépressifs et de l’anxiété, notamment», explique Nadine Tremblay, psychologue. Toutefois, même si le terme d’écoanxiété est sur toutes les lèvres, il ne figure pas dans la bible des troubles mentaux, le DSM-5.
Et pourtant, pour Valérie, 34 ans, le malaise est bien réel. La nouvelle maman d’un bambin de deux ans me confie que tout a commencé lorsqu’elle a su qu’elle serait mère. «J’avais déjà adopté certaines habitudes de vie pour réduire mon empreinte environnementale, comme le compostage ou l’achat local, mais je n’en faisais pas une obsession», explique-t-elle.
Puis, peu à peu, les réflexions sur le sort de la planète sont devenues envahissantes. «Je pense aux couches lavables, à l’allaitement, aux jouets usagés. J’accorde beaucoup d’importance à l’avenir de mon enfant et au monde dans lequel il vivra.» Pour Valérie, il n’y avait pas de compromis à faire. Impossible, donc, pour elle, de s’imaginer agir autrement.
Mais la vie avec les enfants regorge d’imprévus... pas toujours écologiques. «J’ai déjà manqué de couches lavables lors d’une sortie, nous apprend-elle. Je n’arrêtais pas de penser à la couche jetable que je devais utiliser. Je la voyais ensevelie pendant toutes ces années alors qu’elle n’allait servir qu’une heure.»
Pour Valérie, chaque geste devenait source d’anxiété: «Si je n’agissais pas dans l’intérêt de la planète et de mon enfant, je me sentais coupable.» Comme si la charge mentale s’alourdissait... Tout le poids de la Terre sur les épaules d’une mère...
«À partir du moment où ces questionnements causent une détresse significative ou que le temps consacré à la préoccupation devient excessif, on devrait consulter un psychologue», conseille Nadine Tremblay. Et c’est exactement ce que Valérie a fait.
Le psychologue l’a aidée à trouver des solutions pour refaire surface. Au fil des discussions, elle a aussi réalisé que tout son entourage ne pensait pas nécessairement comme elle. «Mon conjoint n’a pas vécu cette prise de conscience environnementale aussi intensément que moi», explique-t-elle, avant de préciser que tous les deux font des compromis et qu’elle se concentre dorénavant sur ce qui est dans les limites de son pouvoir.
En somme, il faut avoir des ambitions écologiques réalistes, afin de ne pas se sentir écrasée par l’ampleur de la tâche. «Il est possible de diminuer son anxiété en posant des gestes à notre portée qui vont nous permettre de retrouver un certain sentiment de contrôle au quotidien», ajoute la psychologue.
S’entourer de personnes ayant à cœur la protection de l’environnement et qui s’impliquent dans la communauté, par exemple, peut également avoir un effet apaisant.
Encore aujourd’hui, Valérie trimballe des collations maison aux cours de natation: «Oui, c’est plus compliqué, ça me demande plus de temps que de ramasser rapidement une compote et un fromage à effilocher dans son emballage de plastique.»
Et elle rêve de fabriquer ses propres cosmétiques, produits corporels et produits ménagers. Mais elle se déplace encore en voiture (son conjoint utilise les transports en commun) et prend encore l’avion. «Parfois, je lâche prise au sujet de la provenance des vêtements que j’achète. C’est triste, mais il arrive que le facteur économique prenne le dessus sur les valeurs environnementales», admet-elle.
Et, surtout, si elle veut sensibiliser son garçon aux questions environnementales, elle ne veut pas non plus que cela l’angoisse trop. Un équilibre à sauvegarder aussi fragile... que celui de la nature!