Psychologie
D’où viennent nos pensées négatives?
Photographe : Stocksy
Elle part sans préavis pour nous dire des choses pas très gentilles, notre fameuse cassette de critiques et de vieilles rancoeurs. Heureusement, on n’est pas obligée de l’écouter.
Quand Véronique regarde en arrière, elle ne peut s’empêcher d’avoir quelques regrets. Elle regrette notamment de ne pas avoir postulé un certain emploi, il y a quatre ans. «Pourtant, cet emploi m’allumait vraiment, relate la femme de 42 ans. Mais je me suis dit que je n’avais pas ce qu’il fallait, que des personnes bien meilleures que moi allaient le faire et que, par conséquent, ça ne servait à rien.»
Ce genre de messages éteignoirs, Véronique en a l’habitude. «Chaque fois que quelque chose de “trop beau” se présente, que ce soit un emploi, une opportunité intéressante ou une nouvelle rencontre amoureuse, la cassette part: tu n’es pas assez bonne, tu ne seras pas à la hauteur, etc. C’est plus fort que moi, c’est un automatisme.»
Pourquoi se dit-on de telles choses?
«Tu es une incapable», «tu aurais pu faire mieux», «tu rates toujours tout»… Cette cassette qui démarre dans notre tête devant certaines situations a commencé à se construire alors qu’on n’avait même pas encore l’âge de raison. «Des critiques formulées par nos parents, des moqueries de la part d’autres enfants, de mauvaises expériences qui nous ont marquées… Les messages négatifs qu’on se dit à soi-même peuvent être issus d’un peu tout ça à la fois, remarque Lisa Firestone, psychologue et auteure du livre Conquer Your Critical Inner Voice (Paperback, 2002).»
«Les recherches que j’ai faites ont aussi démontré qu’on se répétait souvent les mêmes messages négatifs que nos parents s’adressaient à eux-mêmes.» Lisa Firestone, psychologue.
Pour sa part, Véronique est persuadée que sa cassette à elle est, en grande partie, le produit du discours de sa mère disant qu’on doive se contenter de ce qu’on a, que de vouloir davantage était mal. «Je ne la blâme pas, dit Véronique, c’est ainsi qu’elle-même a été élevée. Mais comme j’en ai pris conscience, j’essaie de faire attention aux messages que j’envoie à mes propres enfants et qui pourraient alimenter leur cassette à eux plus tard.»
Pour Monique Soucy, coach en gestion de carrière, les messages négatifs qui se mettent à rouler dans notre tête sont aussi rattachés à nos peurs: peur d’échouer, de se faire juger, etc. «Cette cassette qui s’enclenche devant certaines situations constitue une façon de se protéger, de se surprotéger plutôt », estime-t-elle. Mais quel effet protecteur peut bien avoir le fait de se répéter que ça ne vaut même pas la peine d’essayer, qu’on n’y parviendra pas ou qu’on n’est pas assez aimable pour qu’une personne s’intéresse sincèrement à nous? «Cela nous évite de devoir plonger dans l’inconnu, de prendre des risques, dont celui d’échouer», avance Monique Soucy. Ainsi, aucun risque d’égratigner notre estime de soi ni de se faire rejeter, refuser quelque chose ou ridiculiser. On reste dans notre zone de confort.
Des conséquences importantes
Parfois, c’est bon de rester dans sa zone de confort. Pourquoi pas, après tout! Peut-être qu’effectivement on n’a pas tout ce qu’il faut pour accepter cette promotion ou que cette fois, on est responsable de ce qui arrive. Toutefois, si notre cassette nous empêche de faire ce qu’au fond de nous on rêve de faire (tomber en amour, se faire de nouveaux amis, réaliser un projet, etc.), un conseil: on agrippe un bon marteau et on la réduit en miettes!
On s’en doute, ce n’est pas si simple. Catherine, 37 ans, a une bonne idée de la raison pour laquelle elle a tendance à prendre sur elle des choses dont elle n’est pourtant pas responsable. «C’est de ma faute», se dira-t-elle d’un travail d’équipe imparfait, d’une mésentente conjugale, du reproche d’un de ses enfants…«Je suis la plus vieille de quatre enfants, et mon père avait l’habitude de me rendre responsable de tout", raconte-t-elle.
«Quand je voulais me tenir debout et me défendre, souvent la situation empirait. J’en ai donc déduit, sans doute inconsciemment, qu’il était plus simple de prendre la responsabilité et j’ai fini par intérioriser ce comportement.» Catherine, 37 ans.
Une confiance minée, de la difficulté à s’affirmer et une tendance à éviter à tout prix les conflits résultent de ces quelques mots: «C’est de ma faute.» C’est cher payé pour des mots qui en principe ne devraient plus peser si lourd, puisqu’ils appartiennent à un passé éloigné. «Malheureusement, les messages négatifs forgés très tôt dans la vie s’incrustent profondément, déplore la psychologue Melanie Greenberg, qui a écrit plusieurs articles sur cette question. Et l’un des plus grands dangers de ces messages négatifs qu’on s’adresse est qu’ils deviennent réels. C’est-à-dire qu’à force de se répéter quelque chose, on en vient à agir en conséquence.» Des exemples? À force de dire qu’on est responsable de ci et de ça, les gens autour de nous finissent par le croire aussi. Si on se martèle l’idée qu’on ne vaut pas la peine d’être aimée, on peut finir par s’isoler et ne plus faire valoir notre côté aimable. «Ça peut devenir un véritable cercle vicieux, reconnaît Melanie Greenberg. Mais, quelles que soient les paroles négatives qui nous tournent dans la tête, on peut arriver à leur faire perdre de leur force et à passer par-dessus.»