Entrepreneuriat
Devenir son propre patron
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L’idée de nous lancer à notre compte nous habite? Le travail autonome comporte certes plusieurs avantages, mais il présente aussi son lot de défis.
Voici des conseils et des témoignages pour alimenter notre réflexion.
Après 25 ans comme adjointe administrative, Sabine Canel n’était plus heureuse en entreprise. «J’avais l’impression d’être dans une case. Mon potentiel n’était pas exploité pleinement. Comme j’ai toujours eu envie d’avoir ma propre entreprise, je me suis lancée.» En 2019, elle créait ADMIN’ Comme Sabine, un service d’adjointe administrative virtuelle pour professionnels et petites entreprises. Elle a plongé dans l’aventure sans avoir encore de clients, mais avec une bonne dose de confiance et des économies pour tenir un certain temps.
La nouvelle travailleuse autonome avait à peine mis son profil LinkedIn à jour qu’un premier client lui confiait un mandat. Un coup de chance, reconnaît-elle. «Trouver d’autres contrats m’a demandé beaucoup plus d’efforts. J’ai dû apprendre à cibler des clients, à présenter mes services, à faire des soumissions. Tout ce qu’il faut pour être entrepreneure, je l’ai appris au fur et à mesure.»
Au contraire d’un emploi où l’on est rémunéré dès le premier jour, il faut du temps et de l’énergie avant de pouvoir vivre d’un travail indépendant. Lorsque Chantal Poirier a fondé OUT. outils et accessoires, sa petite entreprise d’objets utilitaires de cuir et de textile, l’artisane a dû conserver un emploi à temps partiel pendant quatre ans. «À l’époque, je vendais mes créations seulement dans des marchés et des salons. Je n’étais pas très douée pour la vente», explique-t-elle. Une aptitude qu’elle a développée depuis, elle dont les pochettes porte-outils et les étuis pour mouches à pêche se trouvent maintenant sur le site de la Fabrique 1840, de Simons.
À savoir avant de faire le saut
La soif d’indépendance est ce qui en motive plusieurs à prendre la voie du travail autonome. C’est le cas de Chantal Poirier. «J’ai un grand désir de liberté depuis toujours. Quand je crois à une idée, je n’accepte pas de me faire dire non. Et je n’aime pas qu’on me dise quoi faire.» Maintenant, l’artisane mène sa barque comme elle l’entend. «Un client m’a déjà demandé de lui fabriquer un étui pour son pistolet, donne-t-elle en exemple. J’ai refusé, parce que ça ne correspond pas à mes valeurs. Alors que si on a un patron, c’est lui qui décide.» Décider de son horaire de travail, choisir ses clients, fabriquer les objets de son choix... Tous les avantages qu’elle voit au travail autonome tournent autour de la liberté.
Si on rêve de dire «bye-bye boss» pour travailler en solo, on doit cependant être consciente que notre perception ne reflète pas toujours la réalité. «Il est vrai qu’être sa propre patronne permet plus de souplesse dans l’organisation du travail, dit Simon Chartier, directeur du Centre d’entrepreneuriat et PME de l’Université Laval. C’est génial de cueillir notre enfant à l’école à 15h15 ou d’aller chez le dentiste en après-midi, mais on devra peut-être travailler en soirée pour compenser.»
En fait, les entrepreneurs solos sont nombreux à travailler davantage que s’ils étaient employés. Car en plus de servir leurs clients, ils doivent accomplir les tâches administratives liées à leur entreprise individuelle (comptabilité, marketing, site Web, etc.). De plus, ils n’ont peut-être pas de patron, mais ils ont des clients. «Et des clients, c’est exigeant, relève Simon Chartier. C’est un peu comme si on doit satisfaire plusieurs patrons à la fois.»
L’irrégularité des rentrées d’argent est un autre élément à considérer. Pour composer avec l’incertitude, Sabine Canel met de côté un pourcentage de ses revenus. Elle se constitue ainsi un coussin de sécurité. «Je prospecte aussi constamment de nouveaux clients, indique-t-elle. J’évite cependant d’avoir un ou deux clients qui occupent la majeure partie de mon temps, car si j’en perdais un, c’est une grosse part de mes revenus que je perdrais.»
Être à son compte signifie également qu’on renonce aux avantages d’un salarié, comme les assurances collectives, le fonds de pension, les vacances et les congés de maladie payés. On n’a pas droit non plus à l’assurance-emploi lors de périodes creuses.
Est-on prête à assumer les inconvénients du statut de travailleuse indépendante? «Il est important de bien y réfléchir avant de se lancer, insiste Susana Diaz. On a avantage aussi à en discuter avec notre famille, car on sera peut-être moins disponible pour elle, du moins au début.»
Bien s’entourer
Les deux aspects qui posent le plus de défis aux travailleurs indépendants sont la gestion et le développement de leur entreprise, selon la coach Sophie Audet. «Il faut aller chercher des ressources, de l’aide, des formations. On peut faire partie d’un groupe d’entrepreneurs pour discuter de nos idées et se faire aider dans notre développement. On peut échanger des services. Il est bon aussi de se constituer un réseau de collaborateurs qui nous prêteront main-forte en cas de besoin. La clé, c’est d’être bien entourée pour ne pas être seule à notre bureau avec nos problèmes.»
C’est ce qu’ont fait Sabine Canel et Chantal Poirier en suivant des formations à l’École des entrepreneurs du Québec. «Ça m’a vraiment aidée», confirme la propriétaire de OUT. outils et accessoires, qui a aussi fait du codéveloppement avec d’autres artisans grâce à l’organisme Quartier Artisan, de Lac-Mégantic. «Comme j’ai un parcours en arts, je pouvais trouver des solutions à des problèmes créatifs, ajoute-t-elle. Mais au début, j’avais bien peu de notions en gestion et en entrepreneuriat.»
De son côté, Sabine Canel a établi des partenariats avec des experts ayant des compétences complémentaires aux siennes, comme la traduction, la gestion des réseaux sociaux ou le design graphique. «Je peux ainsi offrir toute une gamme de services à mes clients», se réjouit l’adjointe virtuelle.
Depuis qu’elle est à son compte, elle n’a pas regretté sa décision une seule seconde. «Je travaille plus qu’avant, mais je me sens épanouie. Je constate que mon travail facilite la vie de mes clients, améliore leur efficacité et leur permet d’atteindre leurs objectifs. Cela donne du sens à ce que je fais.»
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Les qualités à cultiver
Le travail autonome, est-ce pour nous? «Ce n’est pas pour tout le monde, répond la conseillère en ressources humaines agréée Susana Diaz, formatrice à l’École des entrepreneurs du Québec. Cependant, on ne naît pas entrepreneur. On le devient.» Cela dit, les travailleurs autonomes ont souvent certaines qualités en commun:
Détermination et persévérance
Ne pas se laisser abattre par les difficultés est essentiel. «Au lieu de voir des portes fermées, on voit des fenêtres qu’on peut ouvrir, illustre Susana Diaz. Et lorsqu’il y a des problèmes, on voit des solutions, ce qui nécessite aussi de la créativité.»
Confiance en soi
Pour trouver des clients et traverser des périodes sombres, il faut avoir confiance en ses capacités. Cette assurance est aussi nécessaire lorsqu’il s’agit de prendre des risques calculés.
Tolérance à l’incertitude
«Quand on est dans les affaires, on a souvent à prendre des décisions sans avoir toute l’information requise, poursuit Susana Diaz. La capacité à gérer son stress est donc très importante.»
Discipline
Fini la paie automatique aux deux semaines. Pour réussir comme entrepreneure solo, on doit pouvoir se motiver seule et être capable de se mettre à l’ouvrage même quand on n’en a pas envie.
Passion
«Ça demande de l’énergie et de la passion pour être travailleuse indépendante», souligne la coach Sophie Audet, qui offre du coaching de groupe aux entrepreneures solos. «On ne s’établit pas à son compte quand notre seule motivation est d’avoir un horaire plus souple. C’est trop d’efforts.»
Si on n’a pas toutes ces qualités, devrait-on oublier le travail autonome? Pas nécessairement. «On peut très bien garder son emploi et travailler à son compte dans ses temps libres, estime Simon Chartier, directeur du Centre d’entrepreneuriat et PME de l’Université Laval. Et ça n’a pas à être obligatoirement notre métier. Un passe-temps peut se transformer en revenu d’appoint.» Une façon de goûter au travail autonome sans risquer de perdre sa chemise.