Argent et consommation
Comment gérer ses dettes?
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Connaissez-vous quelqu’un qui a payé sa maison comptant? Difficile à imaginer. Avoir une hypothèque fait plus ou moins partie de la norme. Sans cela, il serait difficile de «s’installer» dans la vie. L’hypothèque est généralement considérée comme une «bonne» dette. Notre maison fait partie de notre patrimoine. Mais des «bonnes» dettes, il n’en existe pas vraiment d’autres.
Insouciance ou dépendance?
Pourtant, plusieurs d'entre nous arrivent à normaliser l'endettement. Pourquoi nous engourdissons-nous ainsi face à nos dettes? Pourquoi acceptons-nous de voir le total augmenter sans broncher? Pour certains, c'est par manque de connaissances et d'information. L'école ne nous apprend pas à faire un budget. Et si nos parents n'ont jamais évoqué la question, il faut faire soi-même l'effort de s'informer et développer une discipline personnelle. Pas évident.
À cela s'ajoute le dilemme que nous vivons tous entre le principe de plaisir et le principe de réalité, explique le psychologue Sylvain Lapointe. Certains le vivent de façon plus prononcée que d'autres. «Pour se sortir de ce dilemme, on relativise, ajoute-t-il. Plutôt que de se priver du plaisir associé à nos achats, on préfère relativiser notre problème d'endettement.» Tant que nos dettes se comparent à celles de la moyenne des autres Québécois, on se dit que ça va. Et puis, si on se situe un peu au-dessus, ce n'est pas si pire...
Connaître des besoins, des envies, des désirs fait partie de la vie. Tout le monde en a. Cela pose problème lorsqu'on en est dépendant. Lorsqu'on n'arrive pas à anticiper les conséquences négatives associées à la satisfaction de notre désir. «La personne mature, ou non carencée, sait que, si elle répond à certaines envies, l'effet à moyen terme ne sera pas plaisant, explique le psychologue. Celle qui est blessée et ne se soigne pas doit s'engourdir pour ne pas sentir la douleur.» Ainsi s'installe un cercle vicieux. On consomme pour combler un certain vide, anesthésier de vieilles blessures. Notre besoin doit être satisfait immédiatement. Nos dettes augmentent, mais on se sent mieux. Et seul ce sentiment compte. L'effet nocif de notre comportement, l'endettement qui augmente, on le relativise. Bof!
Docteur, j'ai des dettes
Comment s'en sortir? Il importe de distinguer le problème de consommation issu d'un manque d'éducation ou de discipline financière de celui né d'un problème psychologique. Dans les deux cas, une visite auprès d'un conseiller financier s'impose. Pour mettre de l'ordre et acquérir des connaissances et une discipline financière. Mais cette démarche ne suffira pas pour celles qui consomment de manière compulsive. «Le conseiller financier peut aider en servant de principe de réalité, mais ce n'est pas son mandat d'aider son client à intégrer ce principe dans tous les éléments de sa vie quotidienne», souligne Sylvain Lapointe.
La consommation compulsive est rarement un comportement isolé, insiste le psychologue. Ceux qui en souffrent ont généralement maille à partir avec l'autocontrôle dans plusieurs sphères de leur vie. «Dans un tel cas, la discipline financière seule ne suffit pas, prévient-il. Il faut comprendre la pulsion derrière notre comportement nocif. Parce que, au final, qu'il s'agisse d'endettement, de jeu, d'infidélité, il n'existe que deux voies: ou vous relativisez et justifiez, ou vous vous en sortez.»