Santé
Mal de ventre: causes et symptômes
Photographe : Stocksy
Quand on n’arrive pas à identifier la cause exacte de nos douleurs abdominales, il n’est pas rare qu’on se laisse envahir par les pires scénarios. Et si on apprenait à mieux connaître notre ventre?
Plusieurs problèmes de santé — parfois bénins, parfois graves — peuvent entraîner des maux de ventre. Les douleurs abdominales sont donc un motif fréquent de consultation en clinique et à l’urgence.
«Diagnostiquer un mal de ventre peut être très complexe, parce que beaucoup d’organes y sont rassemblés, explique le Dr Jean-Daniel Baillargeon, gastroentérologue et chef du service de gastroentérologie du CIUSSS de l’Estrie — CHUS.
On y retrouve l’appareil digestif (estomac, intestins, appendice, pancréas, foie), le système urinaire (reins, vessie, conduits urinaires) et les organes génitaux internes chez la femme (ovaires, trompes de Fallope, utérus). Chaque organe peut être atteint de divers problèmes: infection, inflammation, blocage, ulcère, cancer...»
Mais le «contenu» du ventre n’est pas le seul à pouvoir faire mal, le «contenant» peut aussi causer des douleurs abdominales, comme un nerf coincé ou un muscle endolori. Puis, pour compliquer les choses, des organes situés à l’extérieur de l’abdomen occasionnent parfois des douleurs irradiantes, de sorte que celles-ci peuvent être interprétées comme des maux de ventre: l’infarctus, le pneumothorax, la pleurésie et la hernie à l’aine en sont des exemples.
Quand l’alimentation est en cause
Beaucoup de gens se plaignent d’intolérances alimentaires. Contrairement à l’allergie, qui entraîne une réaction immunologique (des symptômes gastro-intestinaux, mais aussi des irritations cutanées, de l’enflure au visage, des difficultés respiratoires et des chocs anaphylactiques), l’intolérance provoque des malaises gastro-intestinaux désagréables, mais pas dangereux (douleurs abdominales, diarrhée, constipation, crampes, ballonnements, etc.).
Parmi les cas d’intolérances alimentaires, le lactose (sucre du lait) se trouve en tête de liste des responsables. Les personnes intolérantes au lactose peuvent couper les produits laitiers de leur alimentation, opter pour des versions sans lactose ou prendre des suppléments d’enzyme lactase (Lactaid) pour faciliter leur digestion.
Quant au gluten, mis à part le 1% de la population qui souffre de la maladie cœliaque, plusieurs personnes s’en disent intolérantes. «Il serait plus exact de parler d’intolérance au blé, aussi appelée hypersensibilité non cœliaque au gluten, explique Julie Delorme, nutritionniste française spécialisée dans les troubles digestifs, les intolérances et les allergies alimentaires.
Les dernières études scientifiques montrent en effet que la réduction des symptômes de ces personnes serait due non pas à l’éviction de la protéine du gluten, comme on a pu le croire toutes ces années, mais à l’éviction d’autres composés du blé, tels que ses fructanes et ses autres protéines.»
Une équipe de chercheurs australiens a récemment découvert que beaucoup de gens qui se croient intolérants au lactose ou au blé pourraient en fait être intolérants aux FODMAP. Cet acronyme, provenant de l’anglais, désigne plusieurs types de glucides: les oligosaccharides (fructanes et galactans), les disaccharides (lactose), les monosaccharides (fructose et excès de glucose) et les polyols (maltitol, sorbitol, mannitol, etc.).
On retrouve les FODMAP dans une foule d’aliments: blé, orge, oignon, ail, lait, pomme, miel, etc. La mauvaise digestion de ces glucides entraîne leur fermentation dans l’intestin, ce qui cause de nombreux symptômes gastro-intestinaux tels que des douleurs abdominales, des ballonnements et des gaz excessifs.
«Pour confirmer une intolérance aux FODMAP, on conseille de réduire la consommation d’aliments qui en sont riches pendant environ un mois. Si les symptômes diminuent, on peut conclure à une intolérance.
Ensuite, il est recommandé de faire un test de réintroduction avec chacun des types de glucides pour départager ceux qui provoquent des symptômes de ceux qui sont tolérés, et ainsi diminuer au minimum le nombre d’aliments à éviter», explique Julie Delorme, qui a été formée auprès de l’équipe australienne. Il a été prouvé qu’une alimentation pauvre en FODMAP soulage dans une grande proportion des cas les symptômes du syndrome de l’intestin irritable et de la maladie inflammatoire de l’intestin. Puisque la diète requiert des changements importants dans l’alimentation, l’idéal est de consulter une nutritionniste pour obtenir de l’aide.
Par ailleurs, plusieurs autres intolérances ou sensibilités alimentaires sont possibles. «Certaines personnes constatent qu’elles ont de la difficulté à digérer un aliment plus qu’un autre. Elles peuvent alors l’exclure de leur alimentation sans trop de conséquences», souligne le Dr Jean-Daniel Baillargeon. «Là où ça devient dangereux, c’est lorsque les gens se mettent à cumuler les évictions sans tenter de réintroduire les aliments après quelques semaines pour valider le retour des symptômes. Cela peut mener à des diètes déséquilibrées et à des carences alimentaires», ajoute Julie Delorme.
Et si c’était psychologique?
On sait maintenant que le cerveau et les intestins sont reliés par le nerf vague et qu’ils communiquent en permanence grâce aux neurotransmetteurs. Ce qui affecte l’un touche donc l’autre, et vice-versa. «De nombreuses études établissent la preuve d’un lien entre les événements stressants de la vie ou le stress chronique et l’intensité des symptômes des troubles gastro-intestinaux fonctionnels», rapporte la Société canadienne de recherche intestinale sur son site Web (mauxdeventre.org).
Quand on parle de troubles fonctionnels, ce sont ceux qui, contrairement aux maladies organiques, se manifestent sans cause physique ou physiologique apparente, comme la dyspepsie fonctionnelle et le syndrome de l’intestin irritable (SII). Aucun test médical ne peut les déceler, et ils ne peuvent être guéris par des médicaments ou une opération. Mais la douleur, elle, est bien réelle...
Pour diminuer les symptômes, il importe de mieux gérer son stress, que ce soit grâce à une meilleure gestion de son temps, à l’exercice physique, à des changements dans son hygiène de vie ou à des techniques de relaxation (méditation, yoga, taï-chi, qi gong, etc.) et de respiration abdominale.
Dans le cas du SII, des études ont montré l’efficacité des traitements en psychologie, en psychothérapie et en hypnothérapie dans l’amélioration de la gestion de la maladie et de la qualité de vie. On consulte le site Web de l’Ordre des psychologues du Québec (ordrepsy.qc.ca) pour trouver un psychologue ou un psychothérapeute qualifié.
Le Dr Ghislain Devroede, spécialiste en chirurgie colorectale du CIUSSS de l’Estrie — CHUS, professeur titulaire à la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke et auteur des livres Ce que les maux de ventre disent de notre passé et Chacun peut guérir (Éditions Payot), va plus loin: «Les maux de ventre parlent souvent d’une souffrance psychologique ou d’un traumatisme. Comme le corps et l’esprit sont intimement liés, les symptômes physiques et les émotions sont des vases communicants. Les gens qui souffrent de troubles gastro-intestinaux fonctionnels doivent donc s’interroger sur leur passé pour arriver à nommer ce qu’ils ont refoulé ou dénié. Lorsqu’une prise de conscience est faite, c’est souvent le début de la guérison.»
Un mal de ventre apparaît?
En présence d’une douleur soudaine, aiguë et insoutenable, on se rend évidemment à l’urgence, surtout si notre état général se détériore. Certaines douleurs abdominales requièrent en effet une intervention d’urgence comme l’appendicite, la grossesse ectopique ou l’occlusion intestinale. «Toutefois, certaines douleurs moins vives peuvent cacher une cause grave; c’est pourquoi il est recommandé de consulter quand elles sont persistantes, récurrentes ou inhabituelles», précise le Dr Jean-Daniel Baillargeon.
Cela dit, inutile de paniquer au moindre mal de ventre. En présence d’une douleur légère ou modérée, on peut tout d’abord vérifier si elle est attribuable à l’alimentation (trop grasse, trop riche en fibres, etc.) ou à des aliments en particulier (produits laitiers, alcool, caféine, etc.). On peut également prendre des analgésiques (p. ex.: Tylenol, Advil) ou des antiacides (p. ex.: Gaviscon) pour tenter de faire diminuer la douleur.
Puis, comme le stress est la cause de bien des maux de ventre, on peut essayer des techniques de gestion de stress, de relaxation (yoga, méditation), de respiration abdominale et d’automassage de l’abdomen.
Si les maux de ventre perdurent plusieurs semaines, il est recommandé de consigner les facteurs suivants pour aider le médecin à orienter son diagnostic:
- La localisation de la douleur. Est-elle plutôt en haut ou en bas du nombril? À droite, au centre ou à gauche? Cela permet de cibler des organes en particulier.
- Le type de douleur. Est-elle diffuse ou localisée? Subite ou chronique? Modérée ou vive? Ressent-on une brûlure, un pincement, des crampes, des contractions?
- L’«horaire» de la douleur. Apparaît-elle tous les jours? Se manifeste-t-elle surtout le jour ou la nuit? Empire-t-elle après les repas ou quand on a le ventre creux, ou lorsqu’on va à la selle ou qu’on urine?
- L’évolution de la douleur depuis son apparition. Quand est-elle apparue exactement? Va-t-elle en augmentant ou en diminuant depuis son apparition? Est-elle constante, intermittente ou cyclique?
- Les facteurs qui diminuent ou augmentent la douleur (prise d’antiacides, compresses froides, positions particulières, stress, etc.).
- Les symptômes associés. Par exemple: fièvre, constipation, nausée, urticaire, douleurs articulaires, fluctuations de poids, perte d’appétit, fatigue, etc.
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Les symptômes à ne pas négliger
- Douleurs abdominales inhabituelles, persistantes ou récurrentes
- Sang dans les selles ou selles noires comme du goudron
- Diarrhée durant plus d’une semaine
- Saignements vaginaux autres que menstruels, pertes vaginales inhabituelles
- Douleurs abdominales survenant surtout la nuit
Douleurs abdominales accompagnées de:
- une grande fatigue, une perte d’appétit persistante ou une perte de poids importante
- une fièvre inexpliquée ou élevée et persistante (plus de 48 heures)
- vomissements persistants (plus de 48 heures), surtout s’il y a une incapacité à bien s’hydrater ou à s’alimenter
- une jaunisse
- sang dans les urines ou une sensation de brûlure en urinant
- un important retard menstruel
- une bosse palpable dans le ventre
Les causes gynécologiques
Plusieurs troubles gynécologiques peuvent causer des douleurs qui se situent surtout dans la région pelvienne, mais qui irradient parfois dans l’abdomen et le bas du dos. La Dre Amélie Bertrand, gynécologue-obstétricienne et professeure adjointe à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke, en relève quelques-uns.
Les fibromes utérins: Située sur la paroi de l’utérus, cette tumeur non cancéreuse est la plus courante chez les femmes en âge de procréer. Environ le tiers des fibromes peuvent causer des saignements entre les règles, des règles longues et abondantes, des douleurs dans le bas du ventre et du dos, des gonflements du bas-ventre, des douleurs durant les relations sexuelles, etc.
Les kystes ovariens: Chez les femmes qui ont des menstruations, les kystes ovariens sont courants et disparaissent généralement de façon spontanée. Par contre, de 10% à 15% des kystes se rompent ou entraînent une torsion de l’ovaire, ce qui peut causer des douleurs dans le bas-ventre.
La maladie inflammatoire pelvienne: L’infection des organes reproducteurs de la femme peut être causée par les bactéries de certaines infections transmises sexuellement (gonorrhée et chlamydia) ou lors d’une intervention à l’intérieur de l’utérus (traitement de fertilité, biopsie de l’endomètre et hystéroscopie). Elle provoque surtout des douleurs dans le bas du ventre et du dos, des mictions et des rapports sexuels douloureux, ainsi que des pertes vaginales anormales. On estime que les deux tiers des cas ne sont pas traités. Les complications possibles sont pourtant sérieuses: douleurs pelviennes chroniques et problèmes de fertilité.
L’endométriose: Elle se caractérise par la présence de tissus de l’endomètre (la muqueuse utérine) en dehors de l’utérus, que ce soit sur les ovaires, les trompes de Fallope, les intestins, la vessie ou ailleurs. Cette affection, qui touche environ 11% des femmes en âge de procréer, cause principalement des douleurs chroniques et des problèmes de fertilité.
Le cancer de l’ovaire: Ses symptômes (changements digestifs, dont l’enflure et la constipation, sensation de pression ou douleur dans le bas-ventre, masse palpable dans la région pelvienne ou abdominale, douleurs lors des rapports sexuels, etc.) apparaissent habituellement à un stade avancé de la maladie. C’est pourquoi il importe de consulter un médecin dès leur apparition, surtout si l’on a des antécédents familiaux de cancer de l’ovaire.
Le cancer du col de l’utérus: Le dépistage à l’aide du test Pap a permis de réduire de manière significative le taux de mortalité lié à ce cancer. On consulte tout de même un médecin sans tarder dès l’apparition des symptômes suivants: pertes ou saignements vaginaux anormaux, menstruations longues et abondantes, douleurs lors des relations sexuelles, ou douleurs pelviennes ou dans le bas du dos.
Quant aux femmes enceintes, les maux de ventre bénins (brûlures d’estomac, reflux gastro-oesophagien, constipation, etc.) sont très fréquents, puisque les organes se compressent à mesure que le fœtus prend de la place dans le ventre. «On doit consulter dans les plus brefs délais si, en début de grossesse, on éprouve de fortes crampes abdominales ou des douleurs abdominales aiguës, accompagnées de saignements; ces symptômes sont souvent liés à une fausse couche ou à une grossesse ectopique», explique la gynécologue-obstétricienne.
Les maladies gastro-intestinales
Les intestins et l’estomac occupent une énorme partie de notre ventre. Pas étonnant qu’ils soient responsables de plusieurs de nos inconforts abdominaux! Zoom sur les maladies gastro-intestinales les plus communes.
Dyspepsie fonctionnelle: Ce trouble chronique rend la digestion pénible et douloureuse (brûlures d’estomac, satiété précoce, ballonnements, goût acide dans la bouche, rots excessifs, nausées, etc.). On croit que de 20% à 45% des Canadiens souffrent de dyspepsie fonctionnelle, mais peu de gens consultent à ce sujet.
Maladie inflammatoire de l’intestin: Il s’agit d’une inflammation chronique du tube digestif, qui comprend la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse. Elle cause principalement des douleurs abdominales, des crampes, de la diarrhée, des selles souvent sanglantes, une perte de poids et de l’anémie.
Syndrome de l’intestin irritable: Ce trouble, que l’on appelle aussi colopathie fonctionnelle, cause entre autres des douleurs abdominales, des ballonnements ainsi qu’une alternance de constipation et de diarrhée. Chez les Canadiens, le risque d’en être atteint s’élève à 30%. Il touche majoritairement les femmes.
Maladie cœliaque: Chez certaines personnes, l’ingestion de gluten (protéine que l’on retrouve dans le blé, le seigle et l’orge) cause une réaction auto-immune qui entraîne une malabsorption des nutriments par l’organisme. Les symptômes digestifs les plus fréquents incluent les crampes, les ballonnements, la diarrhée et la perte de poids.
Mais la maladie cause également une augmentation des risques d’anémie, d’infertilité, d’ostéoporose et de cancer, entre autres. L’autodiagnostic est fortement déconseillé, car la diète sans gluten est ultrarestrictive et à vie. On peut régler la question en obtenant un diagnostic avec une simple prise de sang, à la condition qu’elle soit faite avant qu’on arrête de manger du gluten.
Diverticulose colique: Marquée par la présence de diverticules (des excroissances sur la paroi externe du côlon), elle est souvent asymptomatique. Quand ils sont présents, les symptômes ressemblent à ceux du syndrome de l’intestin irritable, tels que l’alternance entre les épisodes de diarrhée et de constipation. La prévalence augmente avec l’âge, touchant 50% des personnes de 50 ans et plus, et 75% des personnes de 79 ans et plus.
Cancer colorectal: Le cancer colorectal peut être asymptomatique aux premiers stades de la maladie. Ses symptômes (sang dans les selles, changement dans les habitudes intestinales — comme une constipation soudaine —, perte de poids inexpliquée avec ou sans perte d’appétit) peuvent aussi être confondus avec ceux d’autres maladies; c’est pourquoi il importe de consulter un médecin dès leur apparition. Il s’agit de la deuxième cause de mortalité par cancer au Canada.