Santé

3 pistes pour soulager la douleur chronique

3 pistes pour soulager la douleur chronique

  Photographe : Steve Adams

Avoir mal tout le temps, c’est le lot d’une personne sur cinq au Québec. Comment fait-on pour réduire ses souffrances, garder le moral et vivre malgré (et avec) la douleur?

Il existe des cliniques de la douleur qui donnent un bon coup de main à leurs patients, mais l’attente avant d’y être traité est d’environ deux ans. «Notre médecin de famille est tout à fait apte à nous aider, assure Aline Boulanger, anesthésiste et directrice de la clinique antidouleur du CHUM. De plus en plus d’efforts sont déployés pour aider les médecins de famille à traiter la douleur chronique.» Hélas, il n’y a pas de remède miracle, mais la combinaison de plusieurs des approches suivantes permet de mieux gérer le mal.

1. Les médicaments

L’acétaminophène, l’ibuprofène et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont notamment utilisés pour atténuer les douleurs liées à l’inflammation. Les antidouleurs opioïdes peuvent aussi être utiles pour soulager les douleurs plus sévères, car ils agissent sur le système nerveux pour bloquer la sensation de douleur. «On les offre toutefois en deuxième ou troisième option, lorsque les autres traitements ne fonctionnent pas ou ne suffisent pas», mentionne la Dre Boulanger. Ces médicaments sont prescrits avec prudence en raison du risque de développer une dépendance psychologique aux antidouleurs. Mais, selon la Dre Boulanger, ce phénomène est assez rare dans les cas de douleur chronique. «Seulement 2% des patients continuent à prendre des opioïdes, les autres arrêtent parce qu’ils ne supportent pas les effets indésirables liés à la prise de ces médicaments [ex.: constipation, nausées et somnolence]. » Les relaxants musculaires et les infiltrations médicamenteuses représentent d’autres options, tout comme les antidépresseurs et les anticonvulsivants, qui ont le pouvoir d’agir sur les nerfs pour ralentir la transmission des messages de douleur. Enfin, le cannabis thérapeutique constitue une autre option, mais il n’est pas encore très utilisé par les patients atteints de douleur chronique. «On le prescrit en dernier recours», précise la Dre Boulanger.

Il n’est toutefois pas facile de trouver la bonne combinaison de médicaments, souligne Phillipe Sarret, neurophysiologiste et professeur-chercheur dans le domaine de la douleur au Centre de recherche du CHUS. 

«Le phénomène de la douleur est complexe, et les gens ne réagissent pas tous de la même façon aux médicaments. De plus, le soulagement de la douleur n’est jamais total. Et, parfois, le patient trouve le médicament qui l’apaise, mais il cesse de le prendre en raison de ses effets secondaires.»

M. Sarret a néanmoins espoir que les choses s’améliorent. Il travaille actuellement à l’élaboration d’une nouvelle classe d’analgésiques aussi efficaces, sinon plus, que les opioïdes et qui présenteraient moins d’effets indésirables. «Toutefois, on est encore au stade de la recherche, précise-t-il. Il faudra au moins une douzaine d’années avant que ce nouveau traitement soit commercialisé.»

2. L’activité physique

La réadaptation physique est également primordiale dans le traitement de la douleur chronique. Même si l’on a le réflexe d’arrêter de bouger quand on a mal, il faut rester actif pour limiter les pertes de mobilité. Des séances avec un physiothérapeute ou un kinésiologue sont conseillées afin de découvrir des exercices appropriés. Julie, 37 ans, qui souffre de spondylarthrite ankylosante, une forme d'arthrite qui touche la colonne vertébrale, consulte un physiothérapeute une fois tous les deux mois. «Il m’apprend à faire des exercices adaptés à ma condition que je répète chez moi, dit-elle. C’est ce qui me permet de préserver ma masse musculaire et de continuer à me déplacer.» Johanne, 46 ans, atteinte du lupus, une maladie auto-immune chronique, a, de son côté, sollicité un kinésiologue. «Il m’a préparé un programme d’exercices pour m’aider à recommencer à bouger. Quand j’ai arrêté de travailler en 2013, je marchais une minute et je devais m’asseoir une minute avant de repartir. Aujourd’hui, je peux marcher pendant une demi-heure!»

Julie a aussi fait appel aux services à domicile offerts par son CLSC pour obtenir l’aide d’un ergothérapeute. «Grâce à lui, ma maison a été adaptée pour que je puisse me déplacer facilement et rester autonome. J’ai, par exemple, des barres et un banc dans la douche, des appuie-bras de chaque côté de la toilette et une barrière pour me lever du lit.»

3. Les approches psychologiques

Les psychologues peuvent aussi aider à gérer la douleur chronique et à améliorer la qualité de vie des personnes atteintes. Frédérick Dionne, professeur de psychologie à l'UQTR et auteur du livre Libérez-vous de votre douleur par la méditation et l'ACT (Éditions Payot, 2014), utilise la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT). «Cette approche remet les gens en action, en lien avec des choses importantes pour eux, explique-t-il. On clarifie leurs valeurs et on les encourage à accepter d’avoir mal. Ainsi, ils arrivent à faire des choses qui leur tiennent à coeur.» Par exemple, au lieu de penser qu’il faut absolument éliminer ou contrôler sa douleur avant de faire quelque chose, on accepte d’emmener sa douleur avec soi pour faire une activité qu’on aime, comme aller dîner avec une amie. «On met l’accent sur la vie plutôt que sur la douleur, dit M. Dionne. À force de réinvestir dans sa vie et de demeurer actif, on se rend compte que l’humeur s’améliore et que la douleur peut être moins fortement ressentie.»

La méditation de pleine conscience est une autre approche utile qui fait partie des techniques d’ACT.

«La détente peut atténuer la sensation de douleur. Elle peut aussi réduire les sentiments de dépression et d’anxiété. À force d’être conscient de l’instant présent et des pensées qui nous habitent, on peut plus facilement profiter des bons moments et décider de ne pas s’enliser dans les idées négatives.» Frédérick Dionne.

Julie, qui pratique le yoga adapté sur chaise, dit profiter de ses aspects méditatifs. «Cela m’aide à reconnaître mes limites et à les accepter, dit-elle. Les respirations abdominales m’aident aussi à me détendre quand j’ai trop mal. Le yoga, quant à lui, me permet de corriger ma posture, car quand on a mal, on compense en adoptant de mauvaises positions.» La massothérapie lui fait aussi beaucoup de bien et l’aide à détendre ses muscles crispés par la douleur. «On ne peut pas guérir, alors il faut combiner les astuces pour soulager la douleur, dit Julie. J’utilise aussi un appareil de neurostimulation transcutanée (TENS) qui crée des sensations de fourmillement grâce à des électrodes placées autour de mes points douloureux. Cela déjoue mon cerveau: pendant qu’il se concentre sur ces sensations, il perçoit moins la douleur.»

«On peut aussi se concentrer sur autre chose que notre douleur en explorant de nouveaux plaisirs, ajoute Mwasi, 55 ans qui souffre depuis 2011 de fibromyalgie et d'encéphalomyélite myalgique, deux maladies qui affectent les systèmes nerveux, hormonal et immunitaire. J’ai ressorti ma tablette à dessin, j’ai repris le tricot et, depuis deux ans, j’écris un blogue sur l’encéphalomyélite myalgique (vivreavecem.blogspot.ca). J’avais besoin de parler de ma situation, mais cette activité est en plus devenue une expérience valorisante, parce que mes textes aident d’autres personnes. Je fréquente aussi un groupe d’entraide pour échanger avec des gens.»

«Même si l’on a mal, on peut exploiter notre potentiel autrement, soutient Julie, qui s’investit beaucoup dans un groupe de soutien arthrite-arthrose qu’elle a fondé. La meilleure façon de vivre avec la douleur chronique, c’est de l’accepter et de s’adapter. » Selon elle, sa vie n’est pas moins belle qu’avant. «Elle est juste différente!» Johanne, qui s’investit aussi au sein d’un groupe de soutien pour lequel elle anime des ateliers de gestion de la douleur, est d’accord pour dire que la douleur chronique force à vivre différemment. «Il faut ménager son énergie, accepter ses limites et profiter des bonnes journées. Je n’ai pas encore complètement accepté ma condition… mais je chemine!»

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