Nutrition

Les allergies alimentaires chez les enfants

Les allergies alimentaires chez les enfants

  Photographe : iStock

Le nombre d’enfants aux prises avec des allergies alimentaires est en constante augmentation.

Pourquoi? Malgré plusieurs pistes de réponse, on avance encore à tâtons. Ce que l’on sait, en revanche, c’est que les allergologues ne suffisent pas à la demande et que les soins de désensibilisation qui pourraient amoindrir ou faire disparaître l’allergie s’en trouvent retardés. Explications. 

 

Isabelle D. Lecours a découvert que son garçon était allergique aux œufs alors qu’il avait huit mois: «Après en avoir mangé, des boutons et des rougeurs se sont formés autour de sa bouche. Peu de temps après, il a eu la même réaction aux arachides et aux crevettes.» Chez les jeunes enfants, on reconnaît une allergie alimentaire par des paupières qui se gonflent, une démangeaison urticarienne, des nausées, des maux de ventre, une difficulté à respirer et de l’asthme. Si l’on détecte un de ces symptômes, on n’hésite pas à consulter un médecin de famille, un pédiatre et un allergologue, afin de mettre le doigt sur la source du problème.

Santé Canada a recensé 10 «allergènes alimentaires prioritaires» étant responsables de plus de 90% des réactions allergiques sévères, soit les arachides, le blé et le triticale, les crustacés et les mollusques, le lait, la moutarde, les noix, les œufs, le poisson, le sésame et le soya. Dans les faits, les recherches montrent que plus de 160 aliments peuvent causer des réactions allergiques.

En mangeant des aliments contre-indiqués pour eux, plus de 3500 Canadiens subissent un choc anaphylactique chaque année... et beaucoup en meurent. Rappelons qu’il n’y a toujours pas de traitement curatif, tel qu’un vaccin, pour guérir d’une allergie alimentaire, même si des recherches sont en cours en ce sens. Les médecins conseillent le plus souvent aux patients d’éviter l’aliment allergène et d’avoir à portée de main un auto-injecteur en cas de crise grave.

 

Des causes multifactorielles

Selon Allergies Québec, environ 300 000 personnes ont des allergies alimentaires dans la Belle Province, soit 4% de la population. La polyallergie (être allergique à de multiples aliments) touche le tiers de ce groupe. Depuis 10 ans, les allergies alimentaires sont en hausse, affirme le Dr Philippe Bégin, allergologue au CHU Sainte-Justine et au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). «Ce n’est pas seulement dû au fait qu’on les rapporte davantage, il y en a vraiment plus qu’avant», précise-t-il.

Comme plusieurs facteurs génétiques et environnementaux sont en cause, il est difficile de pointer précisément le coupable. Parmi les pistes d’explication, on note: nos milieux de vie plus aseptisés grâce aux produits de nettoyage «antigermes», la présence d’antibiotiques dans notre pharmacopée et dans l’industrie agroalimentaire, l’environnement urbain qui diminue nos contacts avec les animaux de ferme et la césarienne qui empêche le bébé d’être exposé à la flore microbienne vaginale, à la naissance. Contrairement aux générations précédentes, les jeunes enfants entrent donc moins en contact avec des microorganismes qui pourraient stimuler leur système immunitaire.

Un autre facteur de la croissance des cas d’allergies alimentaires serait celui de l’amplification générationnelle, comme l’explique le Dr Bégin: «Outre la génétique (l’ADN), qui ne change pas de génération en génération, la mère peut transmettre son épigénétique, soit les instructions pour lire le code génétique. Ainsi, une femme allergique donne naissance à un enfant ayant une prédisposition à développer des allergies. Cet enfant sera donc plus allergique que sa mère.

À son tour, il donnera naissance à des enfants avec une prédisposition encore plus grande aux allergies, et ainsi de suite.» Les allergologues indiquent aussi que les aliments allergisants sont plus répandus et se déclinent en divers formats. Selon Marie-Josée Bettez, fondatrice et directrice générale de l’organisme Déjouer les allergies, le mythe voulant que les enfants d’aujourd’hui soient «trop sensibles» ou «surprotégés», comme on a pu l’entendre au cours des dernières décennies, est à déboulonner. «C’est le mythe le plus persistant.

Pour certaines personnes, les allergies alimentaires ne sont que des caprices de parents poules. On l’entend encore et c’est agaçant. Heureusement, la sensibilisation fait son chemin. J’ai l’impression que les gens commencent à mieux comprendre cette réalité», remarque Mme Bettez, elle-même mère d’un garçon polyallergique depuis la petite enfance et qui est maintenant dans la jeune vingtaine.»

 

À fleur de peau

En bas âge, la présence d’eczéma est le facteur de risque principal du développement d’une allergie alimentaire. Une peau brisée, asséchée et peu perméable permet aux allergènes présents dans l’air d’y pénétrer. «La protéine de l’arachide peut entrer sous la peau, par exemple. Le corps réagit, pensant qu’un parasite s’y trouve. Il cherche à le rejeter en armant les cellules de l’organisme d’anticorps pour le détruire. La prochaine fois que cet aliment entrera dans la bouche, il y aura une réaction du système immunitaire», explique le Dr Bégin.

C’est de cette façon que Caroline Aubry a découvert que son garçon était polyallergique: «Comme il avait de l’urticaire de la tête aux pieds, on nous a expliqué que les graines de citrouille, de chia et de tournesol que nous mangions laissaient des traces sur nos mains et que ça entrait directement dans son corps, par la peau. À neuf mois, après une visite à l’urgence, on a été chanceux de rencontrer une dermatologue allumée qui nous a rapidement confiés aux soins d’un allergologue. À un an, notre garçon a pu passer ses tests cutanés et avoir des prises de sang. On a connu rapidement les aliments qu’il fallait éviter. Puis on a commencé le traitement de désensibilisation en milieu hospitalier pour contrôler ses nombreuses allergies», témoigne-t-elle.

Le Dr Bégin recommande – surtout pour les très jeunes enfants qui font de l’eczéma et qui ont des membres de la famille ayant des allergies – de traiter la peau le plus vite possible. «La pierre angulaire, c’est l’application d’une crème hydratante, une couche de corps gras pour sceller la peau. On évite aussi de savonner trop souvent son enfant pour ne pas enlever l’huile naturelle protectrice sur sa peau. Et si l’on a à le faire, on utilise un savon doux», indique l’allergologue.

 

Prévenir au lieu de réagir

Jusqu’à récemment, on recommandait aux parents d’attendre que les enfants aient près de cinq ans avant de leur offrir des aliments susceptibles de causer des allergies (ex.: blanc d’œuf, poisson ou arachides). Or, depuis la publication en 2015 de l’étude LEAP, dans le New England Journal of Medicine, la Société canadienne de pédiatrie recommande de faire tout le contraire. «Le tube digestif a son propre système immunitaire. Il est programmé pour comprendre ce qui est réellement dangereux. C’est pourquoi, pour prévenir les allergies chez un enfant à risque, il faut introduire les aliments allergènes le plus tôt possible après l’âge de six mois. Il faut parler à un médecin si l’on n’est pas à l’aise de le faire chez soi», indique le Dr Bégin.

 

consultation médecin

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Des soins carencés

Il y a quelques cliniques spécialisées en matière d’allergies au Québec. Des centaines d’enfants y sont traités chaque année en immunothérapie orale, afin de les désensibiliser aux aliments allergènes. Or, en raison du manque d’accès aux allergologues, il est impossible d’offrir ce service à tous les patients qui en ont besoin. «L’allergie peut disparaître lorsque la désensibilisation est faite tôt dans la vie de l’enfant. C’est pourquoi l’accès difficile à un allergologue est extrêmement problématique», avoue le Dr Bégin.

En effet, les 75 allergologues du Québec ne fournissent pas à la demande. Conséquence: il y a des dizaines de milliers de consultations en attente. «Et si l’on a la chance de rencontrer un allergologue, il ne faut pas se gêner de lui poser des questions, surtout sur les nouveaux traitements offerts ou en développement, conseille Caroline Aubry. C’est ainsi que nous avons trouvé le dupilumab, miraculeux pour calmer les graves épisodes d’eczéma de notre garçon. Avec ce traitement, il semble tolérer aussi un peu mieux les traces d’allergènes.»

 

L'importance de se fier à la science

Un rapport publié par l'Université Dalhousie, en collaboration avec Allergies Alimentaires Canada, a révélé que 36% des 10 000 personnes sondées lors d’une enquête sur les allergies et intolérances alimentaires ont déclaré avoir diagnostiqué elles-mêmes leur état, sans consulter un professionnel de la santé.

Comme une mauvaise réaction à un aliment peut être liée à une intolérance, une allergie ou une intoxication alimentaire, il est important de subir les tests adéquats avant de supprimer inutilement des aliments de notre menu. Si l’allergie est confirmée, un expert pourra nous aider à reconnaître les signes du choc anaphylactique et nous montrer comment manier l’auto-injecteur. 

 

arachides

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Allergie c. intolérance

Les allergies et les intolérances sont des hypersensibilités alimentaires, mais des différences nettes les distinguent. Les voici.

Intolérance: C’est l’incapacité de digérer ou d’absorber certains aliments. L’intolérance au lactose en est le meilleur exemple. La personne qui en souffre ne possède pas suffisamment d’une enzyme précise pour décomposer le lactose contenu dans les produits laitiers. Cela peut causer des symptômes, tel de l’inconfort au niveau gastro-intestinal, mais ils ne mettent généralement pas la vie en danger.

Allergie: Croyant avoir affaire à un envahisseur à éliminer, le système immunitaire produit une réponse allergique pour combattre la fausse menace... dans ce cas-ci, la protéine inoffensive d’un aliment. L’organisme tente de se protéger en libérant un produit chimique, l’histamine, qui provoque de l’inflammation et une panoplie de symptômes dont certains peuvent mettre la vie en danger. 

 

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