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Détox: miracle ou mirage?

Détox: miracle ou mirage?

Shutterstock Photographe : Shutterstock Auteur : Coup de Pouce

Cure de Jouvence ou charlatanisme des temps modernes? La vitalité passe-t-elle par ce qui passe ou ne passe pas par nos lèvres? Des experts nous aident à rendre le concept plus digeste.

Jus verts, cures au citron, préparations aux herbes, irrigation du côlon... la détox a la cote en Occident, portée par une petite armée de vedettes hollywoodiennes qui en vantent les mérites à tout vent. En tête de liste, l'actrice Gwyneth Paltrow, icône de la détox grâce à de nombreux billets sur son blogue (goop.com) et grâce à sa beauté, qu'elle attribue à son régime de vie, composé de montagnes de légumes, de séances marathoniennes d'exercice et de cures régulières.

La tendance n'est pas en reste au Québec, où les cures de style détox se multiplient dans les boutiques de produits naturels, en ligne et dans certains centres de santé, cliniques privées, spas et studios de yoga. La popularité du juicing est telle que d'innombrables bars à jus ont maintenant pignon sur rue et que plusieurs entreprises mettent en marché des cures au jus qui peuvent même être livrées à domicile. Mais d'où vient un tel engouement?

Plus qu'une mode passagère

Jean-Pierre Lemasson, professeur associé à l'UQAM spécialisé en histoire et en sociologie de l'alimentation, souligne que le principe de purifier son corps n'a rien de nouveau. Déjà dans la Grèce antique, on procédait à des jeûnes et à des lavements pour soulager divers maux et maladies, dont la fatigue, les intoxications alimentaires et les maladies mentales. Au Moyen-Âge, les moines faisaient des monodiètes au jus de raisin pendant un mois entier pour se purifier. Des pratiques qui ont perduré, puisque les purges (provoquant l'évacuation intestinale) et les saignées (évacuant une quantité de sang à des fins thérapeutiques) étaient encore pratiquées par les médecins québécois au 19e siècle. Les grandes religions du monde recommandent également certaines formes de privation alimentaire dans un but d'élévation spirituelle, comme le ramadan des musulmans, les jeûnes de Yom Kippour et de Tisha Beav du peuple juif et le carême des catholiques.

Aujourd'hui, les détox seraient moins poussées par le culte religieux et davantage motivées par un culte du corps, tant question apparence que santé. «Notre époque se caractérise par une survalorisation du corps, donc d'une volonté de se le réapproprier, comme en témoigne l'engouement pour les sports extrêmes ou la gastronomie, par exemple. Dans ce contexte, les cures de style détox sont attirantes parce qu'elles vendent l'idée de pureté, de retour à la jeunesse et de bien-être physique», souligne Jean- Pierre Lemasson.

Reste qu'il est difficile de dresser un portrait-type de l'amateur de détox: certains désirent nettoyer leur métabolisme, d'autres cherchent une façon de calmer maux et malaises variés (fatigue, migraines, troubles digestifs, allergies saisonnières et alimentaires, anxiété, insomnie, acné, eczéma, douleurs musculaires et inflammations), d'autres les incluent dans une démarche de santé globale, d'autres encore y voient une façon de maigrir à une ère où maintes études ont prouvé l'échec des régimes.

Toxines, vous dites?

«Toxines» est le mot vedette lorsqu'on parle de détox: on cherche à les éliminer, à les expulser, à les excréter... Mais c'est à tort que ce terme est associé à l'univers des cures, puisque les toxines sont essentiellement des substances produites par certains organismes vivants, comme le venin du serpent ou du scorpion, la sève de l'herbe à puce et la bactérie qui cause le botulisme. «Au fil des ans, on en est venu à utiliser le mot "toxines" pour décrire les substances chimiques présentes dans l'environnement qui polluent notre organisme. Puis, on a encore étendu le sens du mot en y incluant nos excès alimentaires et d'alcool. Aujourd'hui, ce terme galvaudé est même utilisé par certaines entreprises pour vendre l'idée aux consommateurs que leurs produits les aideront à purifier leur organisme», explique le toxicologue et professeur associé au département de santé environnementale et de santé au travail de l'Université de Montréal Claude Viau.  

Le besoin de se purifier

Il faut tout d'abord savoir que la détoxification est un processus que l'organisme effectue déjà de façon naturelle. Claude Viau explique que les organes émonctoires (foie, poumons, reins, intestins) servent à éliminer les déchets organiques que le corps produit, tels l'urée et le dioxyde de carbone. Ils excrètent de plus les substances toxiques présentes dans l'environnement qu'il a absorbées, comme les métaux lourds, les pesticides, les médicaments et les contaminants chimiques - ce qu'on appelle à tort les «toxines».

Malgré tout, de plus en plus de gens ressentent le besoin de faire une détox pour aider leur organisme à se purifier, à se nettoyer. Serait-ce dû à la hausse constante de la pollution environnementale? Dans le cadre de son documentaire sur la contamination chimique des Canadiens intitulé Homo toxicus (paru en 2008), la cinéaste québécoise Carole Poliquin fait analyser son propre sang. Son bilan sanguin révèle la présence de plus de 100 substances chimiques, dont de l'arsenic, des BPC, des dioxines, du mercure, des pesticides et du plomb. Même si les toxicologues nous répètent que c'est la dose qui fait le poison, la documentariste rappelle qu'aucune étude scientifique ne porte sur les effets à long terme de l'absorption de ces métaux lourds, pesticides et autres perturbateurs endocriniens sur l'organisme.

«Les substances toxiques qui s'accumulent dans notre corps sont l'une des causes de certains cancers et maladies chroniques, des problèmes d'infertilité, des allergies infantiles, de l'asthme, des troubles de la concentration et des problèmes neurologiques entre autres», avance la naturopathe agréée Marie-Hélène Lessard, pour qui la détox demeure un outil important en naturopathie. «Elle comporte deux facettes: d'abord, accélérer l'excrétion des déchets métaboliques et des substances toxiques en stimulant les organes émonctoires avec des plantes médicinales, des aliments ou des vitamines; puis réduire les surcharges dans l'organisme grâce à l'adoption d'une saine hygiène de vie», poursuit-elle.

Parce qu'il serait peut-être là, le noeud du problème: notre mode de vie moderne en amène plus d'un à s'alimenter mal et à des heures irrégulières, à faire des excès alimentaires et d'alcool et à se sédentariser. Lorsqu'ils sentent leur organisme surchargé, plusieurs se tournent donc vers les détox. «Les gens font toutes sortes d'abus, et il arrive un moment où ils se sentent coupables et désirent remettre leur métabolisme à zéro. Beaucoup de régimes et de produits de type détox vendent cette idée de pureté et de rédemption, mais ce n'est qu'une stratégie marketing. Ces solutions clé en main ne permettent pas de trouver la véritable source du problème et la thérapie appropriée à ce problème», commente Jean- Pierre Lemasson.

À lire: Détox: 6 cures populaires

Cinq jours de remède pour un an d'excès?

Cette idée qu'on s'intoxique au quotidien et cette volonté de nettoyer son corps font toutefois sourciller plusieurs représentants des milieux scientifique et médical. Ces derniers soulignent à grands traits l'inexistence d'essais cliniques et d'études sérieuses validant les bienfaits physiques de ces cures. Une association britannique de jeunes chercheurs en sciences (VoYS) a d'ailleurs publié en janvier 2009 une étude sur les détox qui concluait que «le terme "détox", tel qu'utilisé pour la mise en marché de produits, est un mythe, que plusieurs affirmations à propos du fonctionnement du corps humain sont fausses et que, dans certains cas, les remèdes suggérés sont potentiellement dangereux».

Stéphanie Côté, nutritionniste chez Extenso, le centre de référence en nutrition de l'Université de Montréal, est elle aussi sceptique. «Les cures miracle n'existent pas, dit-elle. On ne peut pas augmenter l'efficacité du foie ou des reins. Ces organes fonctionnent très bien chez les gens en santé et, si ce n'était pas le cas, on n'aurait pas seulement un problème de toxines, c'est notre vie qui serait en danger.» Elle ajoute: «On n'a pas encore réussi à prouver scientifiquement les bienfaits physiques des détox. Quant aux bienfaits psychologiques, on peut parler d'un effet placebo.» Autrement dit, l'idée qu'on puisse malmener notre corps à longueur d'année en mangeant mal, en ne bougeant pas assez ou en buvant trop pour ensuite tout effacer en ingérant quelques plantes médicinales ou en coupant le café pendant cinq jours n'est pas soutenue par la science.

Pour Jacqueline Lagacé, professeure en microbiologie et immunologie retraitée de l'Université de Montréal, auteure du bestseller Comment j'ai vaincu la douleur et l'inflammation chronique par l'alimentation et avocate d'une alimentation dite hypotoxique, l'approche alimentaire promet un véritable mieux-être à long terme... à condition de l'adopter à long terme! «La meilleure façon de détoxifier son organisme, c'est de changer ses mauvaises habitudes alimentaires de façon durable et de faire de l'exercice physique régulièrement. Notre diète occidentale est basée principalement sur des aliments transformés par l'industrie agroalimentaire: il s'agit d'une diète pro-inflammatoire qui contient trop de sucre et de sel raffinés, de gras trans, de gluten, de produits laitiers, de protéines animales cuites à des températures trop élevées, d'agents de conservation, de pesticides, de colorants, etc.», soutient la chercheuse.

Vers de meilleures habitudes de vie

Mélanie, 38 ans, est une adepte des détox de toutes sortes depuis presque 20 ans. Elle n'en démord pas. «Même si on prouvait scientifiquement qu'il n'y a aucun bénéfice aux détox, il reste que, lorsque j'en fais une, je contribue à mon bien-être et je vois la différence après: l'éclat de mon teint, la texture de ma peau et de mes cheveux, le blanc de mes yeux, ma langue, mes selles, mes sécrétions, mon odeur; tout change!» Les «curistes» évoquent également un grand sentiment de bien-être, une sensation de légèreté, une meilleure capacité de concentration, une meilleure gestion du stress et une vitalité retrouvée.

«On vend les détox comme une panacée pour se débarrasser des prétendues toxines. Mais, au fond, elles ne font que permettre à l'organisme de retrouver son fonctionnement normal après une période d'excès, souligne Claude Viau. Je suis plutôt partisan d'un mode de vie sain au quotidien, qui peut comprendre quelques excès à l'occasion.»

En d'autres mots, les cures n'offrent pas de solution miracle pour corriger un mode de vie malsain. «Ce sont souvent de mauvaises habitudes de vie, comme une mauvaise alimentation, le manque d'exercice ou le stress, qui entraînent des malaises et amènent certaines personnes à ressentir le besoin de faire une détox, tempère Jacqueline Lagacé. Selon des témoignages reçus, des personnes qui ont amélioré leur alimentation de façon substantielle [en entreprenant une diète hypotoxique pendant au moins un mois] ont constaté avec des analyses sanguines des baisses significatives de leur taux de cholestérol, de triglycérides ainsi qu'une amélioration des paramètres en lien avec le diabète de type 2, entre autres. Mais ce n'est pas en faisant une petite détox d'une semaine qu'on peut se sentir mieux à long terme.  

 

 

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