Travail
Témoignages: « Ce que l’échec m’a appris. »
Se planter au boulot, ça peut arriver à n’importe qui. Mais tout le monde n’a pas forcément envie de se confier sur cette période d’instabilité et de doute. Voici trois témoignages de femmes qui ont su rebondir avec panache.
La thérapie par l'action
Cath Laporte, 35 ans, directrice artistique et illustratrice.
Lorsqu’elle demande à son patron de l’envoyer travailler à l’étranger pour relever un nouveau défi, Cath Laporte est loin de se douter que c’est de l’autre côté de l’océan qu’elle vivra son premier échec professionnel. «Ç’a été le coup de pied au cul que j’attendais», dit l’artiste, qui a profité de la tempête pour faire le point sur ce qu’elle voulait vraiment dans la vie.
Embauchée par une grosse agence de publicité dès la fin de ses études, la jeune femme aime ce milieu où les choses bougent vite et où il faut prendre sa place. Après cinq années dans cette boîte, elle accepte un poste de directrice artistique au bureau de l’entreprise à Amsterdam, ville qu’elle adore. Trois ans plus tard, lorsque son patron lui annonce qu’elle est mise à pied, c’est le choc. C’est à son tour de vivre le moment surréel de marcher devant ses collègues avec sa boîte d’objets personnels dans les mains. Et comme un malheur arrive rarement seul, son copain la quitte peu de temps après. Elle se retrouve seule chez elle, sans travail et en peine d’amour, à broyer du noir.
Dans un premier temps, Cath plonge dans une profonde introspection par l’entremise de thérapies alternatives. Dans l’adversité, elle décide de se remettre en question et de s’attaquer à «ses pelures d’oignon», c’est-à-dire ses peurs et ses mauvaises habitudes. Sa route croise alors celle d’une femme inspirante, Joyce Oliver, qui s’apprête à ouvrir à Amsterdam un café communautaire qui fonctionne sur le principe “paie comme tu le sens”. Quelques semaines après avoir perdu son emploi, Cath saisit cette chance de sortir de chez elle et embarque dans ce projet bien loin de l’univers de la pub.
Au Café Trust, elle s’offre une véritable thérapie par l’action. En développant l’identité visuelle des lieux et en gérant au quotidien une équipe de bénévoles. «C’était confrontant, mais l’aventure m’a permis de me reconnecter avec moi-même. Je me suis déconstruite pour mieux me reconstruire», se souvient-elle. Son expérience au café l’a aidée à changer sa perception de la vie, du travail et de l’argent: «C’est dur de perdre ses repères. L’être humain s’attache à son travail, à ses petites affaires. J’ai finalement compris que moins on s’attache aux choses extérieures, plus la vie est facile.»
Son échec, elle le voit aujourd’hui comme un cadeau lui ayant permis d’enfin croire en elle. Depuis, l’artiste est de retour à Montréal, où elle développe des projets personnels et collabore avec de grandes marques, en plus d’enseigner la créativité aux jeunes. «On se met constamment des limites, mais c’est infini, ce qu’on peut faire», dit-elle.
Son conseil: Être patiente et prendre soin de soi, pour développer une vision claire de ce qu’on veut faire.
Rebondir grâce à une passion
Katherine-Lune Rollet, 42 ans, chroniqueuse et blogueuse gastronomique.
Découverte dans les années 1990 dans l’émission jeunesse Watatatow, Katerine-Lune Rollet brille sur les plateaux de télévision comme comédienne et animatrice pendant 16 ans sans jamais manquer de travail. Jusqu’à ce que la dure réalité du métier la rattrape et qu’elle se retrouve sans contrat. Cette traversée du désert, elle la surmontera en effectuant un virage réussi sur le web.
Quand le téléphone arrête de sonner, Katerine-Lune se sent rejetée du milieu qui l’a vue grandir. La trentenaire vient de s’acheter son premier condo et, subitement, son salaire est divisé par 10. Sa première réaction: fuir la situation en partant en Inde. «Je suis partie sur un coup de tête, je n’étais pas préparée, et j’ai détesté mon voyage», se rappelle-t-elle. Katerine-Lune entame alors, sans le savoir, un deuil professionnel qui durera un an et demi. Au début, elle refuse de lâcher le morceau et s’active à relancer sa carrière d’animatrice. Elle rencontre des directeurs de programmation en télévision, en vain. «Je ne savais rien faire d’autre que de parler à une caméra», se souvient-elle avec lucidité. Grâce à l’aide d’une amie chasseuse de têtes qui lui prête de la documentation, Katerine-Lune décide finalement de se réorienter en transférant ses connaissances vers un nouveau métier dans le domaine des communications, où elle avait étudié.
Puisqu’elle connaît Montréal comme le fond de sa poche et qu’elle aime le contact avec le public, elle décide finalement de se tourner vers l’industrie du tourisme et devient concierge dans un grand hôtel. «J’ai aimé ça, mais ça m’a demandé beaucoup d’humilité. J’avais une étiquette et des horaires instables. Ç’a été dur pour l’ego», dit-elle. En 2009, Katerine-Lune est embauchée comme blogueuse bouffe par Tourisme Montréal, où elle développe une expertise très demandée. En parallèle, elle crée son propre blogue pour construire son identité virtuelle autour de sa passion pour l’alimentation. Finalement, quelques années plus tard, alors qu’elle s’y attend le moins, un producteur télé l’appelle pour lui proposer l’animation d’une émission quotidienne. Surprise! La communicatrice retrouve avec bonheur les caméras, tout en sachant désormais que, «[sa] vie, ce n’est pas la télé».
Aujourd’hui, elle réussit toujours à diversifier ses activités et à se démarquer dans le milieu pourtant saturé des chroniqueurs et blogueurs gastronomiques. «Je suis passée au travers, et ça m’a rendue plus forte», dit Katerine-Lune Rollet, qui cultive son indépendance et qui a appris, par la force des choses, à ne plus paniquer quand les contrats se font plus rares.
Son conseil: Un échec professionnel, c’est comme une peine d’amour: il faut prendre le temps d’encaisser la nouvelle.Persister en affaires malgré les embûches
Véronique Verreault, 30 ans, entrepreneure et PDG de Miss VV's Mystery.
En fondant sa première entreprise, Véronique Verreault s’est cassé la gueule plusieurs fois. Propriété intellectuelle, recherche de financement, développement de produit: les défis ont été plus grands qu’elle l’aurait cru. Mais qui n’ose rien n’a rien, estime l’entrepreneure, qui a résolu chaque problème en restant positive.
Commercialiser un vibrateur connecté que les femmes pourraient utiliser à la fois pour tonifier leurs muscles pelviens et avoir des orgasmes à distance avec leur partenaire: Véronique sait que son idée est bonne, mais elle vient de terminer ses études et elle manque d’expérience. «J’avais peur de me lancer en affaires, peur de me planter, peur de mes concurrents», se souvient-elle. Faisant fi de tout cela, la jeune femme incorpore son entreprise en 2014. Dès le départ, elle se heurte au défi du financement. Aucune institution bancaire n’accepte de lui prêter de l’argent, car son invention fait partie du trio «sexe, alcool et restauration», qui suscite la méfiance. Mais, grâce à des dons privés, elle peut aller plus loin et cherche des centaines de milliers de dollars pour commercialiser son produit.
Elle décide donc de faire une campagne de sociofinancement. Pour ne pas effrayer les donateurs, elle fixe son objectif à 40 000 $, sûre de l’atteindre. Elle voit déjà son produit, le Miss on the Go, encensé dans les médias! Deux mois plus tard, la campagne est terminée, et elle n’a pas recueilli la moitié de la somme affichée. Véronique est stupéfaite, et son stress grimpe en flèche. Cet échec la tourmente et la rend vulnérable, mais la jeune femme refuse d’en rester là. Pour se délester de ses pensées négatives, Véronique va se défouler au gym, bouquine et écoute des conférences de motivateurs.
Convaincue que l’échec fait partie intégrante du succès, elle dresse une liste des choses qui ont bien été pendant la campagne. C’est l’idée d’un de ses modèles, la femme d’affaires Danièle Henkel. En faisant cet exercice, Véronique réalise que cette étape lui a permis de faire connaître son produit et d’attirer l’attention de ses concurrents. Encore mieux: quelques semaines plus tard, un couple d’investisseurs se manifeste. Ils ont découvert sa création grâce à sa campagne sur internet et lui proposent de l’aider. Véronique croit rêver. Après une rencontre concluante, la confiance s’installe et le Miss on the Go pourra enfin être offert au public.
Aujourd’hui, elle continue à voir grand pour son entreprise, mais reste consciente que des attentes irréalistes peuvent entraîner de grandes déceptions. Elle savoure chaque petite victoire, comme le premier anniversaire de la mise en marché de son jouet sexuel, qu’elle a vendu jusqu’en Asie. «L’échec total, ç’aurait été d’abandonner en chemin», considère-t-elle.
Son conseil: Il faut se faire confiance, s’entourer de gens positifs et savoir se pardonner lorsqu’on fait des erreurs.