Travail
Trouble psychologique au travail: comment réagir?
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Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le niveau de stress au travail a doublé en 10 ans. Selon Santé Canada, une personne sur cinq souffrira d'une maladie mentale au cours de sa vie. Et plus de 35 % des absences au travail seraient liées à des problèmes de santé mentale. Ces derniers peuvent prendre plusieurs formes, mais ceux les plus fréquemment observés en milieu de travail sont:
- les dépendances: alcool, drogues, etc.;
- les troubles de l'humeur, surtout la dépression;
- les troubles anxieux, dont le trouble panique;
- les troubles de l'adaptation.
Des maladies généralement associées à l'épuisement professionnel.
Santé mentale: des signes à surveiller
De l'avis de la psychologue et professeure à HEC Montréal Estelle Morin, certains signes permettent de reconnaître les problèmes de santé mentale. La dépression, par exemple, est le trouble affectif le plus fréquent. Elle est caractérisée, au travail, par une baisse d'énergie, une humeur dépressive, une perte d'intérêt généralisée, des difficultés de concentration, etc.
Notre collègue est plutôt inquiet? Il imagine toujours les pires scénarios, envisage le futur avec appréhension et se plaint souvent de maux dans la poitrine ou de nausées, voire de problèmes cardiaques? Il est possible qu'il souffre d'un trouble anxieux.
Enfin, le trouble de l'adaptation est en général associé à un événement particulier. Par exemple, une réorganisation complète du travail pourrait provoquer chez une personne qui en souffre de la nervosité, de l'agitation et même de l'agressivité. Cet individu aura alors des comportements inappropriés: violation des règles, manque de respect, etc. Ça pourrait même aller jusqu'à l'agression, explique la spécialiste.
Jean-Pierre Brun est expert-conseil en bien-être et efficacité organisationnelle. Son expérience lui a permis de remarquer qu'il existe certains signes précurseurs des troubles psychologiques. L'isolement, la démotivation et l'irritabilité en font partie. «On parle de problème lorsqu'il y a un changement dans le comportement ainsi qu'une durabilité et une détérioration de la situation», note l'expert.
Tabous et préjugés
Malheureusement, malgré les campagnes de sensibilisation, les problèmes de santé mentale au travail demeurent tabous. «Ceux qui en souffrent ne vont pas chercher d'aide, d'autant moins s'il s'agit de cadres ou de patrons. Il y a encore énormément de préjugés. On comprend mieux aujourd'hui qu'une personne puisse être en dépression, mais il y a encore du chemin à faire», observe Estelle Morin. Un avis que partage Jean-Pierre Brun: «On a l'habitude de juger plutôt que d'aider. Beaucoup croient encore qu'un congé de maladie équivaut à des vacances!» déplore-t-il.
Aide et soutien
Comment peut-on aider un collègue qui souffre d'un problème de santé mentale? «D'abord et avant tout, en le traitant avec respect», affirme Estelle Morin. Selon elle, mieux vaut éviter de donner des conseils. L'écoute reste la meilleure solution. «On évite de rapporter ça à soi - "Moi aussi, j'ai déjà vécu ça..." - et, surtout, on ne banalise pas ce qu'il vit - "Tu vas voir, ça va passer!"» La psychologue recommande de faire preuve de patience, de bienveillance et de se montrer positif. On peut aussi parler à notre collègue des ressources d'aide disponibles dans notre milieu de travail ou des associations de soutien. Dans les cas plus graves, par exemple lorsqu'on décèle chez la personne des intentions suicidaires, on a le devoir de faire part de la situation aux ressources humaines ou au patron de l'entreprise, estime Jean-Pierre Brun.
Retour au travail
Qu'en est-il lorsque notre collègue revient au travail après un congé de maladie pour un problème psychologique? Idéalement, explique Jean-Pierre Brun, il faudrait maintenir un lien avec la personne pendant son absence, de façon à ce que celle-ci ne soit pas complètement déconnectée à son retour. Bien sûr, le contact sera maintenu dans la mesure où notre collègue le veut bien.
Le spécialiste suggère de préparer le retour de l'employé à l'avance. «Par exemple, on s'organise pour que son bureau ne soit pas occupé par quelqu'un d'autre le jour de son arrivée!» Estelle Morin conseille pour sa part de respecter les limites de la personne et de lui laisser le temps de reprendre le rythme. «À son retour, on lui manifeste notre soutien. Les petits gestes sont importants. L'idée, ce n'est pas de préparer une banderole, mais de faire savoir à notre collègue qu'on est là pour lui», ajoute Jean-Pierre Brun.
Saviez-vous que
Selon les estimations de l'Organisation mondiale de la Santé, la dépression pourrait bien devenir, dès 2020, la deuxième cause d'invalidité dans le monde?
Ressources
Fédération des familles et amis de la personne atteinte de maladie mentale: 1 800 323-0474
Association canadienne pour la santé mentale: 514 849-3291
Suggestions de lecture
Trois fascicules de la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail
Les sept pièces manquantes du management, Jean-Pierre Brun, Transcontinental