Travail
Travailleurs agricoles migrants: quels recours ?
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Quelque 5400 travailleurs agricoles migrants ont été embauchés par plus de 400 fermes québécoises en 2007, dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers des Antilles et du Mexique et d'une entente avec le Guatemala. Ces travailleurs ont droit à l'assurance maladie, à l'assurance accident et aux prestations parentales. En plus d'un salaire horaire de 8,52$, leur logement est fourni par l'employeur. En principe, ils jouissent des mêmes droits que les travailleurs agricoles québécois.
En réalité, comme ils ne maîtrisent souvent que l'espagnol, il leur est très difficile de porter plainte à la Commission des normes du travail en cas d'abus. Leur unique recours reste les agents de liaison des Caraïbes et le personnel consulaire du Mexique. Toutefois, bien que ces derniers agissent à titre de représentants des travailleurs, leur rôle consiste aussi à garantir le bon fonctionnement du Programme pour le «bienfait mutuel» des employeurs et des travailleurs.
Du fait de cette représentation ambiguë, les patrons ont souvent plus de poids dans la balance lors de plaintes ou de congédiements, selon Roberto Nieto, ex-coordonnateur du Centre d'appui pour les travailleurs agricoles migrants. «Il devrait y avoir un arbitre indépendant qui évalue les dossiers. Le consulat mexicain n'est pas une entité indépendante. Il travaille main dans la main avec la Fondation des entreprises en recrutement de main-d'oeuvre agricole étrangère(FERME).»
Une clause du Programme stipule que l'employeur peut demander le rapatriement d'un travailleur si ce dernier ne respecte pas le contrat, refuse de travailler ou «pour toute autre raison valable». C'est pourquoi plusieurs employés maltraités gardent le silence, de peur de perdre leur gagne-pain. Certains craignent même de réclamer des soins lorsqu'ils sont malades ou qu'ils se blessent, selon le rapport intitulé Situation des travailleurs agricoles migrants au Canada 2006-2007 du Syndicat des travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC) dans lequel de nombreux cas de mauvais traitements sont cités.
Le directeur général de FERME, René Mantha, souligne toutefois que 75% d'entre eux reviennent travailler au Québec chaque année. «Le travailleur a toujours le choix de ne pas revenir. Il peut aussi demander d'aller travailler dans une autre ferme», précise-t-il. «Je ne peux pas vous dire que tous nos employeurs sont des modèles, ils ne sont pas différents de ceux de tout autre secteur d'activité. On en a des très bons et des pas bons. Nous, les pas bons, on veut les sortir [du Programme]». Ainsi, deux employeurs ont été exclus du Programme l'année dernière.
Le problème, selon François Crépeau, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit international des migrations de l'Université de Montréal, est que le Programme est très peu surveillé. «Mais plus on renforce les contrôles, plus on augmente les coûts pour le fermier. Cela signifie à terme l'augmentation du coût du produit, donc des problèmes de compétitivité. Est-ce qu'on est prêt à acheter la fraise du Québec à 10$ du casseau? , demande François Crépeau.