Travail
Êtes-vous victime de harcèlement psychologique au travail?
Istockphoto.com Photographe : Istockphoto.com
La Loi telle qu'elle existe depuis le 1er juin 2004 au Québec est claire: le harcèlement psychologique au travail est une conduite vexatoire qui se manifeste par des comportements, des paroles ou des gestes répétés. « Ceux-ci sont non-désirés, portent atteinte à la dignité ou à l'intégrité et ont pour conséquence de rendre le milieu de travail néfaste pour la personne qui en est victime », explique la conseillère spécialisée en matière de harcèlement psychologique à la Commission des normes du travail, Carole Dupéré.
« Une seule conduite grave peut être considérée comme du harcèlement psychologique si elle nuit sérieusement à l'individu, c'est-à-dire qu'elle a un effet nocif continu sur la personne et qu'elle porte atteinte à sa santé. Le harcèlement sexuel et les agressions physiques peuvent entrer dans cette catégorie », ajoute la spécialiste.
Cela dit, le harcèlement psychologique au travail peut se produire autant entre deux collègues qu'entre un patron et un employé. Une personne en position d'autorité peut harceler ses employés, tout comme l'inverse est aussi vrai.
Du harcèlement ou pas?
Sur son site Web, la Commission des normes du travail propose des capsules vidéo pour aider les salariés à différencier ce qui est du harcèlement psychologique de ce qui n'en est pas. Carole Dupéré donne en exemple ce cas: « Une serveuse rabaisse une de ses collègues à répétition. Elle la discrédite sur son travail d'abord, puis sur son apparence. Elle essaie de lui nuire pour la rendre moins compétente et lui faire perdre des pourboires. Il s'agirait d'un cas de harcèlement psychologique au travail », note-t-elle.
Le harcèlement psychologique peut se manifester de différentes façons, souvent sournoises, mais presque toujours répétées. En voici quelques-unes :
- ridiculiser une personne pour l'un ou l'autre des motifs énumérés dans la Charte des droits et libertés tels que le sexe, l'âge, la nationalité, l'orientation sexuelle, les convictions politiques, etc.;
- isoler volontairement une personne ou l'empêcher de s'exprimer;
- harceler sexuellement un salarié;
- agresser verbalement ou physiquement une personne;
- répandre des rumeurs sur quelqu'un;
- nuire volontairement au travail d'une personne.
Facteurs de risques
Carole Dupéré affirme qu'il est possible d'identifier des facteurs de risque. « Les manques de respect, les conflits non gérés, les problèmes de communication et d'organisation du travail et la compétitivité excessive sont des terreaux fertiles au harcèlement psychologique au travail », remarque-t-elle.
Lorsque la situation s'envenime, le harcèlement psychologique peut avoir de graves conséquences : congédiements injustifiés, problèmes de santé - par exemple, dépression ou anxiété -, atteinte à la réputation si des rumeurs ont été propagées, etc. « C'est pour toutes ces raisons qu'il ne faut pas attendre trop avant de dénoncer une telle situation », insiste la spécialiste.
Comment s'en sortir?
Selon la Loi, l'employeur a l'obligation de faire cesser le harcèlement psychologique dès qu'il a connaissance de la situation. Pour le salarié qui en est victime, deux recours sont possibles. Ceux-ci diffèrent selon qu'on soit un salarié syndiqué ou un salarié non syndiqué, cadre ou cadre supérieur.
Les salariés syndiqués doivent faire un grief - procédure habituellement comprise dans la convention collective - via leur syndicat. Si une entente n'est pas possible, un arbitre nommé par les deux parties tranchera. S'il conclut qu'il y a eu harcèlement, l'employeur devra prouver qu'il a pris les moyens raisonnables pour le prévenir et l'empêcher. L'arbitre peut ordonner à l'employeur le paiement de dommages au salarié lorsqu'il a omis de respecter ses obligations en vertu de la Loi et peut lui ordonner de prendre les moyens raisonnables pour faire cesser le harcèlement.
Quant aux salariés non syndiqués, cadres et cadres supérieurs, ils ont 90 jours après la dernière manifestation de harcèlement pour porter plainte à la Commission des normes du travail. Celle-ci peut se faire en ligne, par téléphone ou par courrier. « Une enquête préalable est réalisée afin de voir s'il y a matière à poursuivre le traitement de la plainte. Dans l'affirmative, l'enquêteur rencontrera l'employeur, la ou les personnes en cause et les témoins. Si l'enquête révèle que la plainte mérite une décision du tribunal, elle sera portée devant la Commission des relations du travail. Le salarié devra alors faire la preuve qu'il a subi du harcèlement psychologique. La Commission des normes du travail peut offrir gratuitement les services d'un avocat lorsque l'enquêteur défère une plainte au tribunal. Dans le cas contraire, le salarié doit demander que sa plainte soit transférée au tribunal et assumer lui-même ses frais d'avocat », explique Carole Dupéré. Celle-ci précise qu'en tout temps, la médiation est offerte.
« Il faut éviter de rester seul(e) devant une situation de harcèlement psychologique au travail. Il faut en parler avec des gens de confiance, aller chercher du soutien psychologique et, surtout, ne pas s'isoler », conclut la conseillère.
Saviez-vous que
Depuis cinq ans, la Commission des normes du travail a reçu 10 095 plaintes de salariés non syndiqués, cadres et cadres supérieurs pour harcèlement psychologique? 63 % des plaignants étaient des femmes.
Voir aussi: Mes conseils en cas de harcèlement