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Conciliation travail-famille: témoignages

Conciliation travail-famille: témoignages

Shutterstock Photographe : Shutterstock Auteur : Coup de Pouce

On se démène toutes pour arriver à concilier travail et famille, mais est-ce même réaliste? Fait-on fausse route? Oui, disent nos experts.

Martine Huot

Fondatrice de famillesdaujourdhui.com et maman de 3 enfants, âgés de 10, 12 et 18 ans.

«On doit réaliser qu'on est quand même bien au Québec! C'est sûr qu'il y a encore beaucoup de place à l'amélioration, mais je pense que le principal travail qu'on doit faire, c'est sur nous-mêmes. On veut tout faire! Alors que c'est impossible et même inutile! Que notre enfant soit habillé comme une carte de mode, qu'il soit tout le temps stimulé, qu'il y ait zéro poussière dans la maison, qu'on siège sur trois comités en même temps... Tout ça pour quoi? Nos enfants ne réussiront pas mieux, et on finira par s'épuiser. Il y en a qui réussissent bien à combiner mille choses à la fois et qui sont très heureuses là-dedans, et c'est tant mieux. Mais il faut y aller selon notre personnalité, nos valeurs et l'énergie dont on dispose. On doit laisser tomber tout ce qui n'est pas essentiel et focaliser sur ce qui est vraiment important pour nous, sans se soucier du regard d'autrui. Par exemple, les femmes qui décident de rester à la maison, c'est très bien. Il y a des femmes pour qui c'est important, et leur choix est tout à fait légitime. On doit prendre le temps de se poser des questions et cesser de vouloir à tout prix rentrer dans un moule. Le modèle parfait? Il n'existe pas! On commence à réaliser que les filles dans les publicités font partie d'une minorité et qu'elles sont souvent retouchées. Il faudrait faire cette même prise de conscience en ce qui concerne la conciliation travail-famille: la super femme d'affaires-maman-amie-amante, elle n'est pas réelle! Peut-être qu'en apparence, elle l'est, mais derrière les apparences... elle est peut-être en train de faire une dépression!»

Jean-François Quessy

Papa de deux enfants d'un an et demi et de trois ans, et auteur du blogue Un gars, un père.

«Je ne me sens pas moins concerné par la conciliation travail-famille que ma conjointe, au contraire. Dès que j'ai eu mon premier enfant, il était clair que ma famille serait ma priorité. J'ai donc quitté mon emploi dans le secteur de la vente pour un travail qui me permettrait plus de flexibilité. Je peux m'absenter pour des raisons familiales et consacrer le temps que je souhaite à mes enfants. Heureusement, car j'ai un enfant malade, alors je ne sais pas comment j'aurais pu faire autrement. Mais, comme j'aime beaucoup mon travail, il est bien intégré à ma vie. C'est-à-dire que je peux répondre à des courriels à 22 h, et ça ne me dérange pas. Pour moi, travail et famille ne sont pas vraiment séparés. Par ailleurs, ma conjointe et moi formons une équipe égalitaire, où même les tâches domestiques sont réparties 50-50. Cela dit, les femmes ont aussi un rôle à jouer, soit celui d'exprimer leurs besoins, de le dire quand elles trouvent qu'elles en font trop. Si, par exemple, elles prennent toujours en charge les devoirs des enfants, les hommes les laisseront aller! Autrement, je crois que de plus en plus d'entreprises sont soucieuses de faciliter la conciliation à leurs employés. Il ne faut pas toujours blâmer les employeurs. C'est aussi aux travailleurs d'exprimer leurs besoins et de trouver des solutions créatives à proposer.»

Carole Henry

Porte-parole de l'organisme Au bas de l'échelle.

«Je ne sais pas si la conciliation travail-famille est plus difficile aujourd'hui, mais elle n'est certainement pas plus facile! Qu'il s'agisse de jeunes enfants ou d'enfants plus vieux avec des besoins spéciaux, ou encore de parents âgés dont on doit prendre soin, la famille repose encore beaucoup sur les épaules des femmes. De plus, cela fait 12 ans que la Loi sur les normes du travail n'a connu aucune réforme, et celle-ci ne facilite pas la conciliation: peu de temps de pause, peu de vacances, des journées de congé parental mais pas payées, l'obligation de faire des heures supplémentaires... Les emplois précaires et non syndiqués sont encore majoritairement occupés par des femmes. Sans parler des milieux de travail où les employés reçoivent leur horaire de travail la veille, dans les hôpitaux ou les usines, par exemple. Comment arriver à concilier travail et famille? Bien sûr, il y a des milieux de travail où on est plus souple, où on peut arriver à concilier plus facilement travail et famille, mais c'est loin d'être tous les milieux. Est-ce que la conciliation est une affaire de choix? Pas pour tout le monde. Rester à la maison ou changer d'emploi n'est pas possible pour toutes les femmes. De plus, il est très légitime de vouloir travailler. Mais notre société devra faire des changements en offrant aux femmes davantage de mesures facilitant la conciliation. C'est un changement de mentalité que ça prend.»

Annie Cloutier

Maman de 3 enfants de 11, 13 et 18 ans et auteure de Aimer, materner, jubiler.

«Il est évidemment important qu'il y ait des mesures de conciliation, mais celles-ci ne répondent pas à la détresse de celles qui ne cadrent pas dans ce système qui valorise et priorise le travail rémunéré. Elles ne représentent peut-être pas la majorité, mais il y a de nombreuses femmes qui aimeraient pouvoir rester à la maison avec leurs enfants et s'impliquer autrement dans la société, par le bénévolat par exemple. Je souhaiterais qu'il y ait une reconnaissance sociale pour ce choix ainsi que des mesures financières adéquates, par exemple sur le plan des impôts. Que chacune ait un choix véritable, celui d'opter pour ce qui a le plus de sens dans sa vie. Il est important pour plusieurs femmes de continuer à travailler, et c'est très bien ainsi, mais que celles qui ne le souhaitent pas soient autant valorisées, ce serait vraiment bien. Par exemple, ce serait important qu'il y ait des mesures pour le retour au travail des femmes qui ont arrêté de travailler pendant 5 ou 10 ans et que les compétences qu'elles ont acquises en élevant leurs enfants, en faisant du bénévolat, etc., soient reconnues. Bref, qu'elles n'aient pas à justifier un «trou» dans leur CV. Bien sûr, il importe aussi d'être lucide dans ses choix et, si on opte pour rester à la maison, les conjoints de fait qui ont des enfants devraient envisager de signer un contrat. Il faut vraiment se défaire de l'idée que la femme qui reste à la maison dépend de son conjoint. C'est archifaux. Le couple est une équipe et l'apport des femmes à la maison est aussi valable que celui du conjoint qui a un travail rémunéré. Les politiques de conciliation à l'heure actuelle prônent le travail, car c'est bénéfique pour l'État que les femmes travaillent. Mais ces politiques sont une sorte de carcan pour certaines femmes qui n'adhèrent pas à ces valeurs. On devrait toutes pouvoir faire le choix qui nous convient vraiment et se sentir valorisées, quel que soit ce choix.»

Pascale Pageau

39 ans, maman de 4 enfants de 4 à 11 ans.

«Je suis ambitieuse et j'ai besoin de m'accomplir dans mon travail. Avant d'avoir des enfants, j'étais avocate dans un grand cabinet et je travaillais des heures de fou! Et j'aimais ça! Quand j'ai eu mon premier enfant, il y a 11 ans, je n'avais pas vraiment réfléchi à l'impact que ça allait avoir sur ma carrière. Les premiers temps, ç'a été difficile. J'ai dû engager quelqu'un pour aller chercher ma fille à la garderie et je ne la voyais qu'une heure le soir. Mais, dans mon domaine, parler de conciliation n'est pas bien vu. Ça a une connotation péjorative, comme si, en essayant de concilier travail et famille, j'allais être moins efficace. Le monde du travail a vraiment été façonné par les hommes! Pendant mon deuxième congé de maternité, j'ai beaucoup réfléchi à ce que je voulais. Ma conclusion: je voulais tout! Un travail avec des défis et une famille pour qui je serais présente. Et puisque mon ancien travail ne me permettait aucune flexibilité, j'ai créé mon propre cabinet. Depuis, j'arrive à concilier les deux. Je peux souper avec mes enfants, les aider à faire leurs devoirs, être présente. Puis, souvent, quand tout le monde est couché, je travaille encore un peu. Mon conjoint est aussi très impliqué et présent, ce qui est essentiel pour réussir. Ce n'est pas toujours facile, mais c'est possible. Je crois sincèrement qu'on peut tout avoir, mais "tout avoir" est très personnel et ne signifie pas la même chose pour tout le monde.»

 

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