Psychologie

Vivre avec un trouble de la personnalité limite

Vivre avec un trouble de la personnalité limite

  Photographe : iStock

Explosions de colère, relations difficiles, dépendance à diverses substances, idées suicidaires: le trouble de la personnalité limite est un problème de santé mentale qui entraîne beaucoup de souffrance. 

Heureusement, il y a de l’espoir, grâce à des traitements qui permettent d’aller mieux.

 

D’aussi loin qu’elle se souvienne, Mélanie-Karine Dubé a souffert d’un vide existentiel. «C’est un sentiment de manque constant tellement grand que ça fait mal physiquement, décrit-elle. C’est comme quand on apprend une mauvaise nouvelle et que le cœur nous “sillonne” de douleur. Pour moi, ce mal était constant.» En 2015, Mélanie-Karine n’en pouvait plus de souffrir. Elle s’est rendue à l’hôpital, parce qu’elle n’avait qu’une idée en tête: mourir. C’est à ce moment qu’elle a été suivie en psychiatrie et qu’elle a appris qu’elle souffrait d’un trouble de la personnalité limite (TPL). Elle avait 42 ans.

«Sur le coup, ç’a été un choc d’apprendre que j’avais un problème de santé mentale, dit-elle. Une fois la poussière retombée, j’ai compris que ma souffrance pouvait s’expliquer et, surtout, qu’il y avait des choses à faire pour aller mieux.»

 

Obtenir un diagnostic

On estime que de 1 à 5 % de la population vit avec un trouble de la personnalité limite. Au Québec, ce sont les médecins (psychiatres) et les psychologues qui posent ce diagnostic. Pas question de le faire soi-même en consultant le Web. «C’est un diagnostic sérieux, avertit Monique Bessette, psychologue spécialisée dans le traitement des troubles de la personnalité et directrice de l’Institut Victoria. C’est le seul trouble de la personnalité qui est associé à un risque de décès par suicide. Avoir ce diagnostic dans son dossier médical peut abîmer l’employabilité des gens. Cela ne devrait pas s’établir en 15 minutes à l’urgence. Il faut voir la personne plus qu’une fois et faire le tour de la question pour poser un diagnostic dans les règles de l’art.»

Le trouble de la personnalité limite est un problème de santé mentale complexe qui se caractérise par des difficultés à gérer ses émotions, à avoir une bonne estime de soi, à construire son identité et à avoir des relations avec les autres. «La personne qui a un TPL est envahie plus souvent et plus fortement que la population générale par des émotions d’angoisse, de rage, de peine, de désespoir et de honte, explique Monique Bessette. Cela entraîne de fortes fluctuations d’humeur, disproportionnées par rapport à la situation.»

Par exemple, la personne tombe sur un répondeur en appelant ses assurances et elle éclate de colère en criant que personne ne s’occupe jamais d’elle. «La plupart des gens arrivent à tolérer une frustration, poursuit la psychologue. Pour la personne TPL, un simple incident peut déclencher une spirale d’émotions intenses et négatives qui restent pendant des heures et même des jours.» Au quotidien, cela peut nuire aux relations avec les autres et se manifester par de la violence verbale et physique, par exemple avec son partenaire ou ses enfants.

 

Le sentiment de vide

La personne TPL a également de la difficulté à réguler son estime de soi. «Avec ce trouble, il y a comme un défaut dans la construction de l’identité», précise Julie Desrosiers, ergothérapeute et auteure principale du livre Mieux vivre avec la personnalité limite. «La personne ne sait pas très bien ce qu’elle veut et ce qu’elle aime.»
L’image de soi est donc souvent mauvaise. La personne peut avoir l’impression qu’elle n’existe pas du tout et éprouver un grand sentiment de vide. «C’est un sentiment déchirant qui vient avec des émotions douloureuses, indique Julie Desrosiers. La personne a peur d’être seule, abandonnée ou rejetée.» Ce sentiment crée des difficultés dans les relations, car la personne TPL est très sensible à la critique et au rejet. «Elle va être fusionnelle dans ses relations et rapidement déçue, parce que ses attentes sont élevées, précise l’ergothérapeute. L’autre passe rapidement d’un être idéalisé à un être dévalorisé.»

Il est important de préciser que tous ces symptômes doivent entraver considérablement le fonctionnement au quotidien ou entraîner une souffrance importante pour être liés au TPL.

Les comportements dangereux et autodestructeurs font aussi partie des manifestations du trouble. «Il y a eu de l’automutilation et des épisodes de consommation à des moments forts de ma vie», raconte Mélanie-Karine. Elle avoue avoir aussi entretenu des relations malsaines pour combler son vide. «Les personnes souffrant d’un TPL n’ont pas la capacité de s’apaiser comme la majorité des gens, explique la psychologue Monique Bessette. Pour arrêter leur souffrance, plusieurs l’anesthésient. Il y a de nombreux problèmes de drogue et d’alcool associés au trouble de la personnalité limite.» L’automutilation, les comportements sexuels à risque et les comportements compulsifs (boulimie, achats impulsifs, dépendance aux jeux vidéo ou aux jeux de hasard et d’argent, etc.) sont aussi fréquents. Et, malheureusement, cela peut aller jusqu’aux gestes suicidaires. Environ 10 % des personnes ayant un TPL se donnent la mort. 

 

personnalité limite

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Les causes du TPL

Il n’y a pas de cause unique. Plusieurs facteurs peuvent être à l’origine du trouble. Les recherches en neuroscience ont toutefois montré que le cerveau des personnes TPL comporte des caractéristiques pouvant expliquer les difficultés à gérer les émotions, l’impulsivité et le sentiment d’abandon. Grâce à l’imagerie médicale, on voit que, chez les personnes TPL, certaines zones du cerveau liées aux émotions, à l’estime de soi et aux comportements sociaux sont moins bien développées. «À la naissance, le cerveau est immature», indique Monique Bessette. Pour que ses structures se développent complètement et de façon solide, l’enfant a besoin d’affection et d’échanges émotifs avec au moins une personne qui prend soin de lui de façon cohérente et continue.

Ainsi, vivre dans un milieu familial où un lien d’attachement fort n’a pas pu s’établir, qu’il soit instable, négligent, stressant ou violent, constitue un facteur de risque pour développer un trouble de personnalité limite. Vivre à un jeune âge un abandon ou des stress de séparation (déménagements fréquents, hospitalisation prolongée, etc.) font aussi partie des facteurs. Le tempérament de l’enfant peut également y être pour quelque chose. Monique Bessette mentionne par exemple qu’un enfant naturellement optimiste et sociable qui vit dans un milieu blessant va mieux s’en sortir qu’un autre au tempérament impulsif ou hypersensible. Des traumatismes, comme des abus physiques ou sexuels, constituent aussi des facteurs de risque.

 

Des traitements qui donnent de l’espoir

Les trois personnes interrogées sont unanimes: il y a de l’espoir. «Ça peut changer, ça peut s’améliorer, affirme Julie Desrosiers. Des connexions peuvent se rétablir entre le cortex frontal du cerveau, responsable du  raisonnement, et le système limbique lié à la gestion des émotions, même chez les adultes.»

La psychothérapie représente le principal traitement du TPL. «Il est toutefois important de se tourner vers un psychologue ou un psychothérapeute spécialisé en TPL, nous apprend Monique Bessette. Autrement, on tourne en rond, car les difficultés relationnelles vont se répéter avec le thérapeute. C’est très éprouvant pour les thérapeutes qui doivent pouvoir encaisser les émotions fortes et désagréables que le patient va leur faire vivre.»

La psychothérapie aide les personnes à reconnaître et à gérer leurs émotions, de même qu’à réduire la fréquence et l’intensité des comportements autodestructeurs. Cela peut se faire de manière individuelle ou en groupe, avec des personnes qui vivent la même situation. «Le rétablissement n’est pas automatique, prévient la psychologue. Ça prend du temps, et chaque cas est différent. On ne vise pas à guérir le TPL, mais à amoindrir ses manifestations.» De la médication peut parfois être utilisée pour soigner certains problèmes indirects liés, comme la dépression, l’anxiété ou l’insomnie.

 

D’autres approches

En santé mentale, on a aussi parfois recours à l’ergothérapie pour aider les personnes à mieux fonctionner au quotidien. Mélanie-Karine, qui a suivi une psychothérapie pendant deux ans, a d’ailleurs trouvé en ergothérapie des outils concrets pour aller mieux au jour le jour. «Avant, si je me sentais seule un vendredi soir, j’essayais de combler mon vide à tout prix avec n’importe qui, en sollicitant des rendez-vous, avec tout ce qui peut s’ensuivre...» Aujourd’hui, elle arrive à tolérer sa solitude. «Si je commence à sentir le vide, ma stratégie, c’est de me tourner vers un projet, comme peindre ou arroser mes fleurs. Je me nourris de quelque chose de positif qui vient de moi pour apaiser le vide.»

En suivant la méthode de la pleine conscience, elle utilise aussi ses cinq sens pour se ramener dans le moment présent et empêcher ainsi une émotion négative de prendre trop de place. «M’attarder à ce que je vois, à ce que je goûte ou à ce que je sens m’aide à défaire une émotion négative, dit-elle. Par exemple, si une crise se pointe, je peux me faire du pop-corn ou sortir prendre des photos esthétiques.»

Quand elle sent qu’elle ne maîtrise plus la situation ou qu’elle pourrait se faire du mal, Mélanie-Karine appelle à l’aide. «J’ai un filet de sécurité formé de gens de confiance que je peux appeler. Je garde aussi pas loin les coordonnées de services, comme le Centre de prévention du suicide et Tel-Aide.» Si l’on se sent en détresse, «il ne faut pas rester seule», insiste-t-elle. Il faut demander de l’aide: parler à des proches ou à un professionnel de la santé – comme un médecin ou un psychologue –, chercher des ressources en santé mentale, appeler un centre de crise. Des solutions existent.

 

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