Psychologie
Témoignage: J'ai souffert d'un burnout parental
Photographe : Anne Villeneuve
Les devoirs qui virent au drame, les sollicitations permanentes, la charge mentale écrasante, la liste de corvées qui ne se termine jamais... Je n’en pouvais plus. Un jour, j’ai pris mon baluchon et je suis partie.
Mon mal-être s’est glissé en douce, sur la pointe des pieds. Il a débuté par une vague lassitude passée sous le radar. Depuis la naissance de mes deux adorables (mais agitées) créatures, la fatigue est mon mode par défaut. Rien pour alerter le médecin, donc.
Puis j’ai eu l’impression que ma vie de famille siphonnait toute mon énergie. Chaque départ pour la garderie me paraissait comme une montagne infranchissable. Chaque consigne boudée me faisait grincer des dents.
Je faisais le strict minimum. Pourquoi cuisiner un repas maison? Ils réclameraient une pizza surgelée. Pourquoi organiser une sortie spéciale? Ils se chicaneraient tout le long du trajet. De toute façon, je m’en sentais incapable. J’étais dans un état d’apnée permanent, avec tout juste assez d’oxygène pour traverser la journée.
Quand mes enfants me proposaient une activité, je refusais en prétextant une urgence pour le boulot, un mal de tête, une veille d’orage violent. Dans les faits, je n’en avais juste pas envie. Je m’économisais. Moi, la bombe d’énergie...
Pourtant, au boulot, aucun problème! Je me sentais efficace, compétente, épanouie. Un vrai bulldozer en descente. Puis la journée se terminait, et j’appréhendais les retrouvailles. Pas une sensation qu’on attribue normalement aux parents dévoués et aimants...
La culpabilité me rongeait. J’aime mes enfants, mais j’avais l’impression que le mandat dépassait mes compétences. Comment faisaient-ils, ces parents toujours souriants qui organisaient des chasses au trésor éducatives dans leur maison bien rangée? Qu’est-ce qui clochait chez moi?
«Le burnout parental touche de 5 à 7 % des parents, me rassure la Dre Cynthia Turcotte, psychologue. Comme pour un épuisement professionnel, on observe chez ceux qui en souffrent un stress chronique, avec des taux de cortisol très élevés. Le syndrome se manifeste quand les facteurs de risque (monoparentalité, enfant ayant des besoins particuliers, attentes élevées...) ne sont plus compensés par les facteurs de protection (aide des grands-parents, sécurité d’emploi, partage équitable des tâches et de la charge mentale...).»
Un jour, après une levée de boucliers de mes héritiers (j’avais osé demander un brossage de dents), j’ai capitulé. J’ai emprunté le chalet d’un ami et j’ai fait ce que j’aurais dû faire bien avant: je me suis sauvée. Au sens propre comme au sens figuré.
J’ai profité de mon week-end en solo pour faire le bilan. J’ai pris conscience de mes attentes, sans doute irréalistes. J’ai accepté mes défauts, comme ceux de mes enfants. J’ai demandé de l’aide pour alléger mon quotidien – les grands-parents seraient mis à contribution un souper par semaine.
Petit à petit, j’ai remonté la pente. J’ai fait de petites choses avec plaisir et non par obligation – une recette de biscuits, une sortie au parc, un dessin... J’ai surtout remis de l’humour dans mon quotidien. L’autodérision est devenue ma meilleure arme.
«La première étape est de dresser le bilan de nos stresseurs et de nos protecteurs, conseille la Dre Turcotte. On ne peut pas démissionner de notre rôle de parent, mais on doit trouver de nouveaux aménagements pour s’y sentir bien, en fonction de notre réalité familiale. Est-ce nécessaire que les enfants s’adonnent à plusieurs activités parascolaires? Est-ce grave s’ils ne rangent pas leur chambre? Et on met la culpabilité sur pause! L’empathie et le don de soi sont de belles qualités, mais on en oublie parfois que nos besoins comptent aussi...»