Psychologie
Témoignage: J'ai renoncé à l'alcool et je ne suis vraiment pas plate!
Photographe : Marie-Eve Tremblay | Colagene.com
Mojito sur la terrasse, bière autour de la piscine, rosé bien frais pour accompagner le barbecue du voisin... Durant la belle saison, nombreuses sont les occasions de lever le coude. Pourtant, je persiste à nager à contre-courant: je ne veux plus trinquer, au nom de mon bien-être.
À 40 ans, je n’ai jamais été une grande fan d’alcool. Si bien que depuis trois ans, je n’en bois plus une goutte, pas même exceptionnellement, lors d’une occasion spéciale ou un party entre amis. Ce n’est ni un deuil ni même une résolution. Pour moi, le vin et la bière sont des breuvages comme les autres. J’aime mieux boire autre chose, tout simplement. La tentation n’est pas là, ça ne me manque pas du tout.
Avant, il me suffisait de siroter quelques gorgées pour ressentir le contrecoup de l’alcool. J’avais l’impression d’être trop étourdie, j’avais rapidement mal au cœur... Ce n’était pas agréable. Et moins on boit, moins notre corps est habitué, alors il réagit davantage. Un prix trop cher payé pour le peu (ou pas) de plaisir retiré, selon moi.
En arrêtant de boire, les avantages de la sobriété se sont manifestés graduellement – moins de maux de tête, moins de reflux gastriques, moins de douleurs au foie... Pour d’autres, c’est le bonheur d’en finir avec la gueule de bois et la petite déprime des lendemains de veille.
Les bienfaits varient toutefois selon notre consommation, explique le Dr Jean-Pierre Chiasson, de la clinique Nouveau Départ. «Chez les gens qui boivent selon les normes recommandées, arrêter l’alcool procure une hausse d’énergie et un meilleur sommeil. Si l’on boit un peu au-delà des normes, les bienfaits de la sobriété se font sentir au bout de quelques semaines – meilleure concentration, moins de fatigue, tonus musculaire...»
Même si j’assume pleinement mon choix, je reconnais que ma non-consommation provoque immanquablement des réactions. «Quoi? Même pas un p’tit verre?!» Ben non! «As-tu déjà eu des problèmes de consommation?» Non plus. Lorsque je sors avec des gens que je connais moins, je dois systématiquement m’expliquer. Et je sens le jugement. J’ai même entendu un homme dire qu’il serait incapable d’être en couple avec une femme qui ne boit pas. Quelle réflexion étrange... Je ne vois pas en quoi le fait de ne pas boire brimerait mon conjoint!
Pastilles de goût, sommeliers vedettes, cours de dégustation... L’alcool évoque maintenant un art de vivre, un hédonisme qui rassemble autour d’un même langage, avec ses codes et ses tendances. À la télé, rares sont les plateaux où les invités ne sirotent pas un petit verre. Moins d’alcool, moins de plaisir? C’est le message que j’entends souvent comme non-consommatrice. Un homme m’a déjà dit que je devais être plate, parce que je ne buvais pas. J’ai trouvé ça réducteur... pour lui!
Même son de cloche chez Patricia Guertin, 38 ans, qui ne boit plus depuis presque cinq ans: «Je vois bien que ma décision dérange. Je me fais regarder comme si je n’étais pas normale, on me demande sans cesse de me justifier. C’est arrivé encore la fin de semaine passée, à la soirée d’anniversaire de mon frère. Chaque fois, j’explique que je ne me sens simplement pas bien quand je bois, même en petite quantité. Aux yeux de certains, l’excuse ne semble pas suffisante. Pourtant, c’est loin de m’empêcher d’avoir du fun!»
Selon le Dr Chiasson, l’alcool est devenu un lubrifiant social: «Il s’inscrit dans nos rituels, dans notre modèle sociétal. En lui- même, l’alcool est un sujet de discussion, une façon de rentrer en relation. On partage la découverte d’un vin, on évoque le beau vignoble italien... C’est un défi d’aller à contre-courant.»
Refuser des invitations au prix de sa vie sociale, que ce soit pour éviter les tentations ou ne pas se sentir comme un extraterrestre? Pas nécessaire! Oui, les questions me fatiguent, mais j’explique et on passe vite à un autre sujet. Et puis, ceux qui ont besoin d’alcool pour se désinhiber et aller vers les autres, ne serait-ce pas eux qui ont un problème? Parce que, moi, mon plaisir ne s’est pas arrêté la journée où j’ai rangé la bouteille.