Psychologie

Syndrome de l'imposteur: qu'est-ce que c'est?

Syndrome de l'imposteur: qu'est-ce que c'est?

  Photographe : Getty Images

Au travail, il nous arrive de ne pas nous sentir à la hauteur des mandats qui nous sont confiés. Mais pour certaines d’entre nous, ce sentiment d’incompétence prend toute la place. Bienvenue dans l’univers du syndrome de l’imposteur...

Aux yeux de bien des gens, Charlène, 45 ans, est une battante qui accumule les succès professionnels. Cette gestionnaire a évolué dans les hautes sphères d’entreprises renommées, grimpant les échelons à chaque changement d’employeur. En dépit de cette réussite apparente, elle démissionne systématiquement au bout de trois ou quatre ans. Mais grâce à son impressionnant CV, les chasseurs de têtes se l’arrachent et elle décroche rapidement un autre poste.

«De l’extérieur, on pourrait croire que je suis sans cesse à la recherche de nouveaux défis. Dans les faits, c’est plutôt parce que je ne me sens pas à la hauteur, je crains que l’on finisse par me démasquer. Alors je fuis avant que quelqu’un ne se rende compte que je suis un imposteur!», confie-t-elle.

Charlène explique que dans les débuts d’un nouvel emploi, elle travaille très fort pour s’intégrer à l’équipe, se familiariser avec la culture d’entreprise et remplir ses tâches. Jusque-là, tout va bien. «Les choses commencent à déraper dès que j’entre dans une certaine zone de confort et que mes supérieurs reconnaissent mes mérites de gestionnaire. Je suis incapable de recevoir de compliments et de bons commentaires sur mes performances. J’ai l’impression qu’ils ne s’adressent pas vraiment à moi, qu’il y a erreur sur la personne», raconte-t-elle.

Résultat: son sentiment d’inconfort de plus en plus marqué la pousse vers la porte de sortie... «Mes réussites et mes bons coups? Simplement une question de chance et d’occasions à saisir. Je me dénigre constamment. Parfois, j’éprouve une certaine forme de paranoïa vis-à-vis de mes collègues. Je les observe et je me dis: quelqu’un va finir par découvrir la vérité et se rendre compte que je n’ai rien à faire là...», témoigne-t-elle.

Au bout du compte, le malaise est tel qu’elle préfère démissionner et repartir à zéro dans une autre entreprise où personne ne la connaît. Mais rapidement, elle retombe dans le même cercle vicieux.

Je ne suis pas à ma place

Les années passent sans que Charlène se rende compte qu’elle répète le même schéma. «On finit par se persuader soi-même que le problème vient de l’extérieur: le poste ne nous convient pas, on manque de défis... On se raconte des histoires pour justifier cette fuite en avant», analyse-t-elle.

À ce régime, la gestionnaire finit par faire un burnout. Détresse et épuisement professionnel conjugués à des problèmes dans sa vie personnelle la conduisent à consulter une psychologue. Le diagnostic tombe: syndrome de l’imposteur. «Curieusement, cela m’a soulagée de l’apprendre. Le fait de pouvoir mettre un nom sur mon malaise m’a permis de prendre du recul et de chercher des solutions. Aujourd’hui, je suis sur la bonne voie, du moins j’espère», déclare-t-elle en soupirant.

Charlène est loin d’être une exception. En fait, près de 70 % de la population aurait douté au moins une fois de la légitimité de son statut ou de sa position, selon les recherches de Pauline Rose Clance, auteure d’un ouvrage de référence sur le sujet et qui a parlé pour la première fois du «complexe d’imposture» à la fin des années 1970.

Comment reconnaître le syndrôme

Par ses symptômes systématiques: le sentiment de tromper les autres, la propension à sous-estimer ses compétences et, enfin, la peur d’être démasqué. «La personne nie constamment ses mérites et ses succès. Elle affirme qu’elle a eu de la chance, qu’elle était au bon endroit au bon moment. À cela s’ajoute l’angoisse que quelqu’un se rende compte qu’elle n’est pas capable d’assumer ses fonctions», énumère Médina Cayer, CRHA, consultante en développement organisationnel et cofondatrice et associée de la firme Iceberg Management. Mme Cayer remarque que le syndrome est fréquent chez les femmes qui cumulent plusieurs d’années d’expérience. «Elles vivent une forte anxiété de performance. Elles vont se plonger dans une frénésie de travail, afin de montrer qu’elles peuvent relever le défi mais, dans le fond, elles manquent cruellement de confiance en elles», illustre la consultante.

«Ce syndrome se manifeste aussi chez celles qui obtiennent une promotion et décrochent un poste de gestionnaire. Elles se trouvent alors en situation d’autorité par rapport à leurs collègues, une position inconfortable», précise Isabelle Bédard, CRHA et PDG de la firme CIB Développement organisationnel.

Des stratégies pour se protéger

Au bout du compte, la personne ressent une angoisse si forte qu’elle démissionne et change régulièrement d’emploi, quand elle ne se retrouve pas en situation de détresse psychologique et d’épuisement professionnel, comme Charlène.

Mais avant d’en arriver là, bien des travailleuses ont développé des stratégies avec le temps. Dans ce qu’il décrit comme le cycle de l’imposteur dans son ouvrage Cessez de vous déprécier! Se libérer du syndrome de l’imposteur, le psychologue Kevin Chassangre explique que pour surmonter son anxiété, on aura tendance à travailler d’arrache-pied dans la réalisation de ses tâches ou que, au contraire, on fera preuve de procrastination en négligeant la préparation des dossiers. Dans le premier cas, le succès sera attribué à ce surcroît d’effort plutôt qu’au talent, tandis que dans le deuxième, c’est la chance qui sera alors invoquée. Certains individus vont même éviter comme la peste les situations où ils seraient susceptibles de se mettre en valeur – présentation d’un projet, conférence, etc. – ce qui, selon eux, ferait la preuve de leur incompétence et révélerait l’imposture aux yeux de tous.

Fatalement, il faudra payer le prix de ces comportements dysfonctionnels. «Si la personne n’est pas capable de rebondir ou de prendre du recul, si elle ressent constamment de l’inconfort, elle finira par s’éteindre professionnellement. Ultimement, les gestionnaires qui lui ont confié ce poste seront déçus, car ils avaient vu en elle un potentiel qui ne s’est pas concrétisé», estime Isabelle Bédard. C’est alors que l’échec tant redouté va finir par se produire.

J'ai surmonté (ou presque) le syndrôme de l'imposteur

À la suite de son burnout, Charlène a décidé de suivre une psychothérapie, ce qui lui a permis de comprendre que le syndrome de l’imposteur était la cause de son malaise persistant au travail. Grâce à plusieurs lectures et à l’aide de sa psychologue, elle a réussi à mettre sur pied une stratégie pour se libérer de ce fardeau. Depuis quelques mois, elle réintègre progressivement ses fonctions et mesure déjà les progrès accomplis: «Je me sens moins angoissée et je réussis à résister à l’envie de tout plaquer et de démissionner!», dit-elle en riant. «Ce qui m’a le plus aidée est d’avoir progressivement recadré et modifié mes schémas de pensée, poursuit-elle. Au lieu de me dire “je ne serai pas capable’’ ou “ils vont finir par se rendre compte de mon incompétence’’, je me répète “je vais réussir, j’ai toutes les compétences pour y parvenir’’. C’est un long travail d’acceptation de soi. Il faut faire un petit pas à la fois et ne pas se décourager...»

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