Psychologie
Surmonter le deuil de son animal
Photographe : Marie-Eve Tremblay / Colagene.com
Le deuil d’un animal peut être banalisé par l’entourage, or pour celle qui le vit, il s’agit bel et bien d’une perte douloureuse et difficile à surmonter. Notre journaliste l’a vécu, et nous partage son histoire.
J’ai toujours rêvé d’avoir un chien. Et un jour, j’ai croisé Titan, un beau labrador blond de cinq ans. Du bonheur à la tonne, de l’amour inconditionnel.
Puis, un matin, comme ça, il a fallu décider de l’euthanasier. Coincée avec mes larmes dans un minuscule bureau de vétérinaire, j’ai vécu une tristesse à laquelle je n’étais pas préparée. Du tout.
Le deuil d’un animal, ce n’est pas nécessairement plus simple – ou plus aisé! – que la perte d’une personne qui nous est chère. «Une des différences avec le deuil humain, c’est que, la plupart du temps, c’est nous qui choisissons le moment du décès de l’animal. Et cet aspect peut devenir très, très culpabilisant», selon Annique Lavergne, psychologue qui a étudié le deuil animalier. Dans un moment ésotérique, qui a bouleversé la journaliste rationnelle que je suis, j’ai même demandé à mon chien de me faire signe quand il en aurait assez. Et il l’a fait, en s’appuyant tout contre moi, tranquillement. Ce matin-là, je l’ai porté jusqu’à la voiture. Dans mes bras, le corps chaud d’un ami, fatigué de sa vie.
Vous dire la peine que j’ai eue pendant ces semaines où j’ai remisé, un à un, ses bols, ses jouets, son coussin serait futile. Soit vous avez connu ce type de deuil et vous comprenez, soit vous n’êtes pas un ami des animaux et vous trouvez ridicule de pleurer la mort d’un chien «qui était presque vieux, de toute façon».
Johanne Mongeau, 61 ans, comprend tout à fait. Elle qui a vécu ce type de deuil plusieurs fois n’hésite jamais à offrir un peu de réconfort à ceux qui en ont besoin. «Quand j’ai des amis qui s’apprêtent à vivre ça, j’offre de les accompagner chez le vétérinaire et je les écoute, sans jugement.»
«Il faut avoir eu des animaux dans sa vie pour comprendre la douleur que peuvent vivre ceux qui doivent leur dire adieu.» Johanne Mongeau,
«Le processus de deuil est unique à chaque individu, qu’il fasse suite à la perte d’un animal ou à celle d’un être humain, ajoute Annique Lavergne. Il faut se donner le temps nécessaire pour traverser les étapes du deuil. Pour un animal, cela peut signifier de laisser son bol et son coussin à leur place, jusqu’à ce qu’on se sente prête à les enlever. Ça peut aussi vouloir dire de faire une cérémonie spéciale où on se souvient des bons moments avec lui.»
Une fois le deuil passé, il arrive qu’on souhaite à nouveau accueillir un animal chez soi, comme Johanne l’a souvent fait. «Habituellement, après le décès d’un chien, j’en achetais un nouveau rapidement, histoire de m’occuper l’esprit. Mais après Mindy, ma chienne shetland qui est décédée à 16 ans, après une longue et belle vie, je n’avais plus envie d’avoir d’autres chiens. Cela a duré un an. Puis, l’envie est devenue trop forte: je suis retournée chez l’éleveur de Mindy pour adopter Mia, une petite femelle, vive et intelligente.»
Aimer à nouveau
Mais le deuil, ce n’est pas qu’une question de mort. «Une personne âgée qui doit entrer en CHSLD, un couple qui se sépare, des allergies qui se développent, tout ce qui nous mène à faire sortir un animal aimé de notre vie entraîne une certaine forme de deuil. Cela dit, parfois, on peut trouver une certaine consolation en pensant que notre animal sera heureux là où il est», précise Annique Lavergne.
C’est à cette roue qui tourne que je pense quand je regarde mon chien Zermatt. Quelqu’un qui ne pouvait pas le garder l’a déposé dans un refuge, et c’est là qu’il a trouvé son chemin vers nous. Je ne rencontrerai jamais cette personne, mais j’espère qu’elle sent que son chien est heureux parmi nous. Et qu’on l’aime, même quand il mange le pain aux bananes qui refroidit sur l’îlot de la cuisine, ou qu’il refuse obstinément d’aller courir dehors parce qu’il neige un peu. Et je sais qu’un jour – dans plusieurs années, j’espère! – il s’appuiera tout contre moi, comme Titan l’a fait avant lui, pour me dire qu’il est temps pour lui d’aller courir les chats là-haut. Mais pour l’instant, il me chauffe les pieds, et je lui gratte les oreilles, et c’est tout ce qui compte.
En plus de ses trois enfants, Julie Roy élève aussi Zermatt, un croisé de 120 livres et Réglisse, une chatte de 16 ans.