Psychologie
Quand le jeu devient une maladie
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Si le jeu représente une activité de détente sans conséquence pour la plupart d'entre nous, pour d'autres - des hommes surtout -, le jeu devient une maladie.
Des signes évidents
Dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e édition (DSM-IV TR), l'American Psychiatric Association classe le jeu pathologique parmi les troubles du contrôle des impulsions et le décrit comme «une pratique inadaptée, persistante et répétée du jeu, non reliée à un épisode maniaque d'une autre pathologie mentale, et qui donne lieu à au moins cinq des manifestations suivantes:
- La préoccupation du jeu.
- Le besoin de jouer avec des sommes croissantes d'argent pour atteindre l'état d'excitation désiré.
- Des efforts répétés mais inutiles pour contrôler, réduire ou arrêter la pratique du jeu.
- De l'agitation ou de l'irritabilité lors des tentatives de réduction ou d'arrêt de la pratique du jeu.
- Le besoin de jouer pour échapper aux difficultés ou pour soulager des sentiments d'impuissance, d'anxiété, de culpabilité ou de dépression.
- Un retour au jeu pour recouvrer ses pertes.
- La négation de la problématique et la dissimulation de l'ampleur des habitudes de jeu à la famille ou à l'entourage, le mensonge.
- La perpétration d'actes illégaux pour financer la pratique du jeu.
- Le risque de perte ou la perte d'une relation affective importante, d'un emploi ou de possibilités d'études ou de carrière à cause du jeu.
- Le recours aux autres pour obtenir de l'argent et se sortir de situations financières désespérées dues au jeu.»
Fausse impression de contrôle
Les personnes qui souffrent de jeu pathologique présentent souvent des distorsions de la pensée. Elles surestiment leurs chances de gagner et entretiennent toutes sortes de superstitions. Et elles ont vraiment l'impression de pouvoir se contrôler, surtout quand elles participent activement au jeu, en lançant des dés, par exemple, ou en actionnant une machine à sous.
Cyberdépendance au jeu
Au cours de la dernière décennie, le développement d'Internet a offert aux joueurs chroniques une plateforme encore plus accessible et protégée des regards: les casinos virtuels, par exemple. Si certains jeux en ligne entraînent peu de pertes d'argent, ils peuvent toutefois occuper à outrance le temps du cyberdépendant.
Le jeu pathologique en trois phases
Les études sur le jeu pathologique démontrent que les adultes concernés ont généralement commencé à jouer entre l'âge de 10 et 19 ans. L'évolution vers le jeu excessif se fait habituellement en trois phases qui durent de quelques mois à plusieurs années.
Il y a d'abord le gain. Le joueur remporte des sommes d'argent parfois importantes, qui lui permettent d'être généreux avec son entourage et d'obtenir une certaine reconnaissance sociale. À force de gagner, il a l'impression de pouvoir contrôler ou influencer le jeu en sa faveur: il perd de vue la dimension de hasard et augmente la fréquence à laquelle il joue.
Puis vient inévitablement la période de perte. Mais comme le joueur est convaincu qu'il contrôle le jeu, il attribue son infortune à des causes extérieures. Pour se refaire, il retourne jouer. S'il continue de perdre, il ira jusqu'à emprunter, à vendre ses biens ou à commettre des actes illégaux pour se procurer de l'argent. Sûr que la chance reviendra et qu'il pourra rembourser ses dettes, il devient obsédé par le jeu.
De perte en perte, s'installe alors le désespoir. À ce stade, il n'est pas rare que le joueur ait envisagé à plusieurs reprises de se suicider.
Des effets négatifs sur l'entourage du joueur
Les effets néfastes du jeu pathologique se répercutent sur la famille et le travail de même que sur la santé psychologique et le réseau social. On estime que pour chaque joueur pathologique, au moins dix personnes sont affectées. La dépendance au jeu provoque tôt ou tard une série de problèmes: dettes chroniques, divorce, chômage, pauvreté, dépression et pensées suicidaires. Pire encore, les joueurs chroniques commettent souvent des actes illégaux, comme des falsifications, des fraudes, des vols ou des détournements d'argent, qui risquent de les conduire devant les tribunaux.
Un traitement global
Il existe plusieurs formes d'interventions thérapeutiques. Le traitement prend en compte tous les aspects de la problématique, tant le comportement lui-même que ses conséquences financières, sociales, psychologiques ou familiales. Au Québec, le Centre québécois d'excellence pour la prévention et le traitement du jeu (CQEPTJ) a formé des intervenants dans toutes les régions pour venir en aide aux joueurs excessifs.
Les hommes sont plus à risque
En 2002, on estimait que 81 % des adultes québécois participaient à un type de jeu de hasard ou d'argent quelconque. Les activités de jeu les plus courantes sont l'achat de billets de loterie (68 %), la participation à des tirages et levées de fonds (40 %) et le jeu au casino (18 %). Dans une proportion moindre, on retrouve les mises en argent aux cartes entre amis (10 %), le bingo (9 %) et la loterie vidéo (8 %). On compterait entre 35 000 et 55 800 joueurs pathologiques au Québec et près de 40 000 à 62 000 joueurs à risque. On note également que les hommes aux prises avec un problème de jeu sont deux fois plus nombreux que les femmes.
Sources
American Psychiatric Association, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4e édition (DSM-IV).
Ladouceur, R., Jacques, C., Chevalier, S, Sévigny, S., Hamel, D., et Allard, D., Prévalence des habitudes de jeu et jeu pathologique au Québec en 2002. Québec et Montréal, Université Laval et Institut national de santé publique du Québec, 2004.
Tremblay, M.-C., À quoi reconnait-on un joueur pathologique?, Servicevie.com, 2003.
Suggestion
www.psy.ulaval.ca/~jeux/