Psychologie
Quand l'argent empoisonne nos relations
Une soeur pas très économe
Une de nos soeurs traverse une mauvaise passe sur le plan financier, et, pour l'aider à s'en sortir, on lui prête une somme plutôt coquette, à rembourser seulement quand elle le pourra. Or, apparement, il n'y a pas que la somme qui soit coquette: la semaine dernière, notre soeur est venue nous rendre visite entièrement vêtue de vêtements tout neufs.
Comment réagir?
«Ce n'est pas à nous de décider ce qu'elle va faire avec son argent, dit Clément Patenaude, psychologue. Quand on accepte de prêter, on n'a pas à savoir pourquoi. Mais, si notre soeur emprunte régulièrement pour s'offrir des gâteries et non pour subvenir à ses besoins, on peut lui demander de nous rembourser graduellement de petits montants (comme 50 $ par mois), histoire d'arrêter l'hémorragie!» De façon plus générale, quand on prête de l'argent sans avoir au préalable fixé les modalités de remboursement, il faut s'attendre à ne jamais en revoir la couleur... «Souvent, prêter, c'est donner, souligne Lison Chèvrefils, planificatrice financière et auteure de Mesdames prenez vos affaires en main. Voilà pourquoi il vaut mieux avancer l'argent de façon formelle avec un papier signé dans lequel on précise entre autres s'il y a un taux d'intérêt ou non, comment l'argent sera remis, etc. Ça officialise moralement le prêt.»
Sollicitée même au boulot
Toc-toc. Encore une fois, c'est un collègue qui vient nous réclamer des sous. Qu'est-ce que ça sera ce coup-ci? Acheter des tablettes de chocolat dont la vente servira à financer une sortie de classe? Devenir la fière commanditaire d'un tournoi de ping-pong? Faire un don pour Centraide? Quoi qu'il en soit, on en a ras le pompon de passer pour un guichet automatique.
Comment réagir?
«Personnellement, dans ce genre de situation, je réponds toujours la même chose: j'ai déjà adopté deux causes et je ne donne à personne d'autre, confie Geoffroi Tremblay, conseiller en placement pour Valeurs mobilières Desjardins. C'est d'ailleurs ce que je suggère pour éviter d'être harcelé: se choisir une cause, donner un montant fixe par mois selon notre budget et dire à tous nos collègues que c'est ce qu'on fait. En plus, on obtient un reçu pour les impôts, ce qui n'est généralement pas le cas quand on donne spontanément.» Cela dit,si on est trop serrée actuellement pour se permettre ce genre de parade, il ne faut pas avoir peur de refuser poliment. «Il faut simplement se montrer ferme au moment de dire qu'on va passer notre tour, dit M. Patenaude. Si on se montre hésitant, on risque de voir le collègue rappliquer sous peu.»
Marraine ou... marraine fée?
Des amis nous demandent de devenir la marraine de leur petite dernière. Ça nous ferait plaisir, mais on sait que ces amis aiment donner (et recevoir!) de gros cadeaux. Si on est à l'aise financièrement, passe. Mais si on est serrée dans notre budget, être marraine rime aussi avec cadeaux à Noël et aux anniversaires, sans oublier tous les petits extras le jour du baptême, de Pâques, etc.
Comment réagir?
Tout d'abord, on n'a pas à se sentir coupable de ne pas pouvoir offrir la lune à notre future filleule. «Si on est choisie, c'est que les parents considèrent qu'on va rester dans leur vie et qu'on sera là pour leur enfant quoi qu'il arrive, rappelle Mme Chèvrefils. Être marraine est une responsabilité morale bien plus qu'une question de sous. Et si les parents voient les choses autrement en s'attendant à ce qu'on couvre leur fille de cadeaux, c'est eux qui ont un problème.» M. Patenaude abonde dans le même sens. «On n'est pas là en tant que pourvoyeur. Si ça nous fait plaisir de devenir marraine, il faut simplement préciser qu'on ne sera pas nécessairement en mesure d'offrir de gros cadeaux. Notre budget nous limite à un cadeau de 10 $? Eh bien on offre un cadeau de 10 $. C'est pas plus compliqué que ça.» Après tout, c'est l'intention qui compte... Car ce qui va surtout enrichir cette relation particulière, ce sont toutes les petites attentions qu'on accordera à l'enfant au fil des ans.
Me rapporterais-tu du café?
Chaque fois qu'on va faire un tour chez Cosco ou dans une grande surface du genre, notre belle-mère nous demande de lui ramener tantôt un gros sac de café, tantôt des pantoufles, tantôt un gigot. Bien sûr, elle ne manque jamais de préciser qu'elle va nous rembourser, ce qu'elle ne fait pratiquement jamais...
Comment réagir?
Si elle persiste à faire de l'Alzheimer uniquement quand vient le temps de nous rembourser, M. Tremblay suggère «d'oublier» nous aussi de lui rapporter ce qu'elle nous a demandé. Mme Chèvrefils propose pour sa part de demander au caissier de séparer les factures afin que tout soit bien clair, l'idéal étant de filer faire nos courses en douce, sans le lui annoncer. «En dernier recours, il n'y a rien de tel qu'une bonne conversation pour remettre les pendules à l'heure, assure M. Patenaude. Mais c'est au conjoint de le faire, car la belle-mère va mieux le prendre si ça vient de son fils.»
Avec ton gros salaire...
On a reçu une augmentation de salaire assez substantielle. Merveilleux. Mais depuis qu'on «roule sur l'or», certaines de nos amies espèrent se faire inviter chaque fois qu'on va manger au resto avec elles.
Comment réagir?
En fait, on n'aurait peut-être pas dû parler ouvertement de cette augmentation, surtout à celles qui en arrachent, côté sous. Mais, comme on ne peut pas faire de Ctrl Z, il faut assumer! «Après tout, on mérite ce salaire, précise Mme Chèvrefils. Et s'il y en a qui disent: "envoye donc, tu pourrais payer avec ton gros salaire!", on peut le faire si elles sont en congé de maternité ou sans emploi, mais on n'a pas une poignée dans le dos et on n'est pas obligée de casquer. C'est à nous de voir.» Si on décide que non, c'est assez, M. Patenaude suggère d'être claire dès le départ. «En arrivant au restaurant, on demande aux autres comment on va régler la note. On divise en trois ou chacune paie sa facture? Il faut leur faire comprendre d'emblée qu'on ne les invite pas. Comme ça, il n'y a pas de malaise à la fin du repas et personne ne disparaîtra aux toilettes en voyant le serveur arriver avec la facture!»
Conseils d'amie...gratuits ?
Pour redonner un coup de jeune à notre salon, une amie designer nous offre gentiment de nous aider à choisir de nouvelles couleurs. Quelle chance! Mais deux semaines plus tard, elle nous envoie une facture par courriel...
Comment réagir?
«Vous appelez ça une amie, vous?, s'exclame spontanément Lison Chèvrefils, planificatrice financière et auteure du livre Mesdames prenez vos affaires en main (Transcontinental, 2000, 19,95 $). Que cette personne soit au début, au milieu ou à la fin de sa carrière, il n'y a pas de raison qu'elle nous charge quoi que ce soit.» Ceci étant dit, avant de s'énerver contre cette amie, on a tout intérêt à lui parler. «À la base, c'est un problème de communication, affirme M. Patenaude. Alors on s'explique en précisant que jamais on a pris cette aide pour une consultation. Si on ajoute quelque chose comme "écoute, je suis un peu mal à l'aise, comment peut-on régler ça?", la plupart des gens nous diront d'oublier ça.» Et la prochaine fois qu'une amie nous proposera son aide, on mettra les choses au clair dès le début en demandant si c'est à titre d'amie ou de professionnelle qu'elle nous offre ses services!
Pas de tout repos... même éternel
Notre grand-mère vient à peine de décéder que déjà, toute la famille se chamaille à mort: certains veulent offrir à la défunte ce qui se fait de mieux, tandis que d'autres trouvent que les funérailles coûtent bien assez cher comme ça.
Comment réagir?
Si aucun liquidateur n'a été désigné -- ce qui est quand même relativement rare --, il faut trouver coûte que coûte un terrain d'entente. «Ce que je propose, c'est de demander à ceux qui veulent du luxe supplémentaire de payer la différence, dit Geoffroi Tremblay. Par exemple, si on a un budget de 10 000 $ pour le cercueil et que le modèle retenu par les plus fortunés monte à 14 000 $, on leur suggère d'assumer la balance de 4000 $ à parts égales.» Si cette solution ne leur convient pas, Clément Patenaude conseille tout simplement d'essayer de les convaincre de baisser leurs exigences. «Les gens sont très tendus dans ce genre de situation et ça ne prend souvent pas grand-chose pour que tout dégénère. On doit leur faire comprendre qu'ils doivent respecter nos possibilités sur le plan financier avec des paiements plus équitables. On ne peut quand même pas exiger de ceux qui ont un salaire plus modeste de dépenser ce qu'ils n'ont pas!»
Moitié-moitié
Ça y est, on est amoureuse par-dessus la tête. Notre nouveau chum est mignon comme tout, il est intelligent, il ne traîne pas de passé trop lourd à gérer et il est drôle... sauf quand vient le temps de payer. Là, très sérieux, il propose toujours de séparer la note 50-50.
Comment réagir?
Ce genre de situation, on l'a toutes vécue un jour ou l'autre à moins d'être casée depuis belle lurette. Lorsque ça se passe au tout début de la relation, pas de problème: on n'a pas de compte à rendre et on ne se doit rien. Mais si ça fait un petit moment que ça dure, aïe. « Les questions d'argent, dans un couple, c'est aussi intime que la sexualité, sinon plus, estime Geoffroi Tremblay. On devrait se poser des questions, mais surtout, il faut lui en parler ouvertement. Il est possible que des années de discours féministes l'ait convaincu que le partage équitable des frais est le seul moyen d'avoir une relation saine par rapport à l'argent. Et si on constate qu'on n'a peut-être pas frappé le jack-pot, surtout si on commence à réaliser que notre nouveau chéri est gratteux... il faut accepter qu'il ne risquera pas de changer pour nos beaux yeux.
Guichet automatique
Notre fils, un adulte sur le marché du travail, nous demande fréquemment un petit coup de pouce pour arrondir ses fins de mois. Jusqu'à présent ça allait, mais là, avec la période des impôts qui s'annonce, on commence nous aussi à être dans le rouge et on doit couper quelque part.
Comment réagir?
Cette fois-ci, c'est nous qui sommes à la base du problème. Eh oui! Car en aidant ainsi notre fils, on ne lui rend pas service: non seulement ne se prend-il pas en charge, mais peut-être considère-t-il maintenant le petit 100 ou 200 $ qu'on lui file chaque mois comme un acquis. «La première chose à faire, c'est d'avertir son fils qu'on ne peut plus l'accommoder, conseille M. Tremblay. Ensuite, il faut lui faire comprendre qu'il doit revoir son budget avec le concours d'un planificateur financier d'expérience.» D'accord, mais comment y parvenir sans créer de froid? «Dans le fond, il n'a aucune raison de se vexer, assure M. Patenaude. » Après l'avoir épaulé, on lui explique qu'on n'est plus en mesure de le faire, et c'est ce qu'on doit lui faire passer comme message, même si ce n'est pas facile. Allez, un peu de courage!
Soirée payante
Une copine décide de souligner son 40e anniversaire en grande pompe dans une salle très chic. Au lieu de nous laisser libre de lui acheter un cadeau en fonction de notre budget, elle a décidé d'imposer un prix d'entrée astronomique. On aimerait bien y aller, mais notre tirelire n'est pas assez pleine pour ça.
Comment réagir?
On peut toujours se cacher derrière une fausse excuse et dire à notre copine que zut, c'est trop dommage, mais on a déjà quelque chose de prévu justement ce soir-là... même si sa soirée d'anniversaire n'a lieu que dans deux mois. «On peut aussi carrément lui avouer qu'on aurait voulu assister à son party, mais qu'on n'en a pas les moyens et qu'on regrette beaucoup de ne pas pouvoir assumer cette dépense, précise Clément Patenaude. Les gens ont peur de dire qu'ils n'ont pas les moyens. Pourtant, tout le monde traverse des périodes difficiles sur le plan financier dans sa vie et on n'a pas à se sentir gêné de ça. Si l'organisation n'est pas trop avancée, on peut également suggérer à notre amie de changer la formule, car si ça m'indispose moi, ça va en indisposer plusieurs autres. Le message passera toujours mieux si on lui demande de se mettre dans notre peau et si on ne la blâme pas.»
Bingo!
Oui, oui, on vient de gagner un super gros lot à la loterie. Incapable de contenir notre joie, on l'annonce à tous nos proches. La gaffe! Ça ne change peut-être pas le monde, sauf que... tout le monde s'attend maintenant à en profiter aussi.
Comment réagir?
«Je pense qu'il faut essayer de garder la tête froide, explique Lison Chèvrefils. Il est normal qu'on veuille partager avec les gens qu'on aime, mais avant, il serait préférable d'aller voir quelqu'un pour se faire conseiller et mettre l'argent en fiducie. S'il m'arrivait de gagner un gros montant à la loto, je dirais à tout le monde de ne s'attendre à rien dans l'immédiat pour me laisser le temps de réfléchir et de prendre les bonnes décisions. Après tout, comme j'ai gagné grâce au hasard, je n'y suis pour rien et je ne dois rien à personne: les gens ne devraient même pas s'attendre à ce qu'on leur donne automatiquement quelque chose car ce n'est pas un dû. Je sais que ça va peut-être être difficile, mais on doit se tenir debout dès le départ. Car si on commence à donner à l'un, il faut donner à l'autre... et on risque de se découvrir plein d'amis qu'on n'avait pas avant!»
Pour aller plus loin
Lison Chèvrefils, Mesdames prenez vos affaires en main Transcontinental, 2000, 19,95 $
Marie-Claude François-Laugier, Comment gérer ses comptes avec l'argent, 2004, 27,95$.