Psychologie

Quand l'anxiété mène notre vie

Quand l'anxiété mène notre vie

Auteur : Coup de Pouce

Inquiétudes démesurées, phobies paralysantes, peur d'avoir peur... S'il est normal de ressentir de l'anxiété de temps à autre, ça ne l'est pas quand celle-ci domine notre vie. Heureusement, on peut apprendre à la gérer.

Enfants, couple, finances, on s'inquiète toutes à un moment ou l'autre et on connaît toutes cette sensation d'avoir l'estomac en boule, le coeur qui bat trop vite et l'impression que la panique va nous submerger d'un moment à l'autre. Il y a toutefois un problème quand l'inquiétude prend le pas sur tout, quand la peur nous habite sans cesse, de façon irrationnelle. Certains craignent des dangers improbables (le métro, la contamination), les lieux publics ou même simplement de rougir en public. D'autres craignent le pire à chaque instant: «Le patron me convoque dans son bureau: il veut me mettre à la porte!»). On parle de trouble anxieux lorsque l'anxiété nuit à la qualité de vie de la personne, à son travail ou à sa relation avec ses proches, et qu'elle se produit sans raison apparente, est exagérée par rapport au contexte ou est chronique (dure environ six mois).

Iliana Spector, psychologue clinique et professeure au département de psychiatrie de l'université McGill, ajoute que la réaction anxieuse est anormale lorsqu'elle n'amène pas une solution à notre problème et qu'elle s'accompagne de symptômes physiques. Les troubles anxieux peuvent se manifester par différents symptômes physiques et mentaux, comme des palpitations, de l'insomnie, la sensation d'être survolté, des tensions musculaires, des obsessions et des compulsions. «Tous ces troubles sont liés à la peur d'un danger, résume Camillo Zacchia, chef professionnel du Service de psychologie de l'hôpital Douglas. On a peur de perdre le contrôle de soi, de sa santé, de ses gestes ou de la situation.»

Qui souffre de trouble anxieux?
On estime qu'environ 15 % de la population québécoise souffre d'un trouble anxieux. Près du quart des gens seront touchés par un trouble anxieux au cours de leur vie. Plusieurs facteurs semblent favoriser une propension aux troubles anxieux. «Les individus qui souffrent d'un trouble anxieux ont une prédisposition génétique», dit le psychologue Stéphane Bouchard, professeur au département de psychoéducation et de psychologie de l'Université du Québec en Outaouais. On dénombre plus de cas de troubles anxieux dans leur famille que dans la population en général. Les femmes semblent aussi souffrir davantage de troubles anxieux que les hommes, selon lui. Ce phénomène reste toutefois inexpliqué. Selon certains, le système limbique (siège des émotions) des femmes serait plus réactif que celui des hommes. D'autres évoquent des raisons sociales et culturelles: il est moins mal vu qu'une femme demeure à la maison à cause de ses peurs. «C'est une interaction entre les deux», pense Stéphane Bouchard. L'environnement familial joue aussi un rôle. «Les enfants apprennent à agir en observant les comportements de leurs parents», explique Iliana Spector. Les parents peuvent ainsi transmettrent leur «culture d'inquiétude» et les patterns cognitifs qui vont avec. Ainsi, un enfant aura tendance à s'inquiéter de sa santé si ses parents l'ont toujours amené à la clinique dès qu'il présentait les symptômes d'un rhume. Les troubles anxieux peuvent apparaître à l'enfance, mais c'est souvent à l'adolescence ou au début de l'âge adulte qu'ils se développent. Un stress intense, comme un mariage, la naissance d'un enfant ou la perte d'un emploi, peut les précipiter. «Plus notre prédisposition biologique est forte, moins le stress ambiant a besoin d'être extraordinaire pour le déclencher», dit Jacques Bradwejn, directeur du département de psychiatrie de l'Université d'Ottawa.Est-ce que ça se soigne?
Chose certaine, la fuite n'est pas une solution. Ne plus prendre le métro, ne plus sortir de chez soi, etc., les comportements d'évitement contribuent à maintenir ou à aggraver la maladie. «Si on évite ce qui nous fait peur, on va continuer d'avoir peur», dit Stéphane Bouchard.

Le traitement psychologique le plus efficace pour ce type de problèmes, selon les experts, est la thérapie cognitivo-comportementale. En aidant le patient à établir des liens entre ses pensées et ses comportements, on l'amène à les corriger et à les modifier. Parallèlement, on tente de le «désensibiliser» en l'exposant à des situations anxiogènes. Ainsi, s'il a la phobie des chiens, on commence par lui montrer une photo de la bête et on essaie graduellement de l'amener à en caresser un. «La grande majorité des gens progressent seulement en faisant face à leur peur, observe Camillo Zacchia. Mais ils doivent aussi modifier leur raisonnement. Si on va mille fois dans le métro et que, chaque fois, on se dit: "Ouf! J'ai été chanceux de ne pas mourir!", l'exposition ne change rien.» Ce traitement, qui dure entre 10 et 30 semaines, s'avère efficace dans la majorité des cas, d'après Stéphane Bouchard. Selon Jacques Bradwejn, la thérapie cognitivo-comportementale permet aux gens atteints d'un trouble panique ou d'un trouble d'anxiété généralisé de vivre normalement et à ceux qui souffrent de phobie sociale de se sentir «mieux ou bien». Quant aux gens touchés par un trouble obsessif compulsif d'intensité modérée à sévère, ils peuvent, selon lui, voir leurs symptômes diminuer de 50 %. Dans les cas sévères, la thérapie cognitivo-comportementale peut s'accompagner de la prise d'un médicament. On peut aussi choisir de prendre uniquement des médicaments, comme des anxiolytiques ou des antidépresseurs. «Ils ont un bon effet calmant, reconnaît Ariel Stravynski, professeur de psychologie clinique à l'Université de Montréal et directeur du programme de phobie sociale au Centre de recherche Fernand-Séguin, mais, quand on les arrête, il y a une rechute.» C'est sans compter leurs effets secondaires. Camillo Zacchia estime que 10 % à 20 % des gens ne répondent à aucun des deux traitements. «Ces patients ne réagissent pas à la thérapie soit parce qu'ils sont incapables de changer leur pattern de pensée ou de s'imaginer dans des situations, soit parce qu'ils ne sont pas motivés et ne font pas leurs devoirs», explique-t-il.

L'importance du soutien
Monique, qui a vécu pendant plusieurs années sous l'emprise de la phobie sociale, a pris son destin en mains. Après avoir suivi une thérapie cognitivo-comportementale, elle s'est inscrite à un groupe de soutien. «Je sentais le besoin de m'exprimer devant un groupe de gens», dit-elle. Différents groupes offrent du soutien aux personnes atteintes de troubles anxieux ainsi qu'aux membres de leur famille. Après avoir souffert pendant 20 ans de trouble panique avec agoraphobie, Marie-Andrée Laplante a fondé Phobies-Zéro en 1991. Une vingtaine de groupes, basés dans différentes villes du Québec, se rencontrent chaque semaine pour discuter de leurs problèmes. «Les troubles anxieux sont encore très jugés, même si les gens y sont beaucoup plus sensibilisés», dit-elle. Les groupes de soutien permettent de ne plus se sentir seule avec ses peurs et ses angoisses. Dans tous les cas, rappelle Monique, «il faut se donner le temps d'apprivoiser notre peur.» Après 30 ans d'enfer, fière de sa nouvelle vie, elle sait qu'il vaut la peine d'y mettre les efforts et qu'il n'est jamais trop tard pour affronter ses peurs.

Les 6 types de troubles anxieux
 

1. Phobie spécifique

La phobie spécifique, comme la peur des araignées, des aiguilles ou des endroits clos, est courante. «Les gens qui en souffrent consultent rarement un spécialiste, dit Stéphane Bouchard. Ils composent avec cette peur.» À moins que celle-ci ne nuise à leur qualité de vie, comme dans le cas d'une personne qui refuse une promotion parce que le nouvel emploi nécessite de prendre l'avion, ou celui d'un individu qui craint tellement les insectes qu'il évite d'aller à la campagne.


2. Trouble d'anxiété généralisée (TAG)

Quand notre enfant a cinq minutes de retard, on se dit qu'il a été retenu quelque part, que le métro est encore en panne. Une personne atteinte de TAG, elle, imagine une série de scénarios catastrophiques. «Une personne normale doit vivre avec l'incertitude, dit Robert Ladouceur. Dans le cas de l'individu qui a un TAG, cette incertitude le rend anxieux.» Le TAG est encore mal diagnostiqué. Ceux qui en souffrent attribuent leur trop-plein d'inquiétudes à leur personnalité. «Ils disent avoir toujours été comme ça et pensent qu'ils ne peuvent pas se changer », dit Robert Ladouceur. Ils sont souvent persuadés, à tort, que leurs soucis excessifs leur permettent de prévenir les problèmes. Une croyance que la thérapie cognitivo-comportementale vise notamment à corriger.

3. Phobie sociale, ou anxiété sociale

Lorsque Monique devait poser une question pendant une réunion au bureau, elle demandait à une collègue de le faire à sa place. «J'avais peur de me tromper, de ne pas la poser de la bonne façon», dit l'ex-cadre, aujourd'hui âgée de 68 ans. Les gens atteints de phobie sociale craignent d'être humiliés ou jugés négativement. Ils évitent d'aller au restaurant de peur de trembler au moment de saisir un couteau ou une tasse, ne font pas la file à la caisse de l'épicerie de crainte qu'on ne juge le contenu de leur panier et s'assoient à l'arrière des autobus pour ne pas être vus. «Certaines de ces personnes fonctionnent relativement bien, même si elles ont du mal à parler en public, dit le Dr Ariel Stravynski. D'autres ont très peu d'amis et éprouvent des difficultés au travail.» Pour s'en sortir, Monique a suivi une thérapie et s'est inscrite à Phobies-Zéro. «Au début, j'étais incapable d'assister aux rencontres du groupe seule, dit-elle. Durant les six premiers mois, mon conjoint m'a accompagnée.» Depuis 1997, elle est animatrice pour Phobies-Zéro. Et elle a même prononcé une allocution devant 25 collégiens dans le cadre d'un travail scolaire de sa petite-fille. Une victoire!

4. Trouble panique avec ou sans agoraphobie

On boit tranquillement notre café en lisant le journal quand, tout à coup, on ressent des palpitations. On se demande pourquoi, on s'inquiète. Puis, notre coeur s'emballe. On étouffe, on a chaud, on se sent étourdie, on a le vertige. Ça y est, on est victime d'une crise cardiaque! Lorsqu'elle a vécu sa première véritable crise de panique, Laurence était persuadée qu'elle allait mourir. «Je faisais les cent pas dans le salon et je n'étais plus capable de me calmer», dit la jeune femme de 25 ans. Effrayée par son état, elle s'est précipitée à une clinique où on lui a fait passer un électrocardiogramme. Le test était normal. Diagnostic: crise de panique. Une nouvelle étonnante aux yeux de Laurence, qui ne se sentait pas particulièrement fébrile ce matin-là, même si elle avait eu une grosse semaine. La crise de panique survient la plupart du temps sans raison apparente. Plusieurs associent toutefois leur crise de panique au lieu où elle s'est produite et commencent à l'éviter; on parle alors de trouble panique avec agoraphobie. «Les agoraphobes n'ont pas peur des grands espaces, mais des endroits où ils pourraient paniquer et ne pas avoir d'aide», précise Stéphane Bouchard.

5. Trouble obsessif compulsif (TOC)

Déjà, à huit ans, Rémi était obsédé par l'ordre: il rangeait la chambre de ses amis avant d'y jouer! Mais c'est en 1995 qu'il a véritablement été affecté par son trouble obsessionnel compulsif. En plus d'être préoccupé par l'ordre, il a développé une obsession de la vérification. «Après la naissance de ma première fille, je me suis mis à douter de la sécurité de mon véhicule, explique l'homme de 35 ans. Quand je ne travaillais pas, je pouvais passer une journée à vérifier un boulon de mon 4 par 4.» À ces obsessions se sont ajoutées celle de la propreté et une peur spécifique du goudron (un symbole de la saleté pour lui), après la naissance de sa deuxième fille et sa séparation. Rémi savait bien que ces idées récurrentes étaient irréalistes, mais il ne parvenait pas à les chasser. «La compulsion est une façon de diminuer l'anxiété à court terme, explique Marie-Claude Pélissier, psychologue et coordonnatrice clinique du programme pour le TOC au Centre de recherche Fernand-Séguin de l'hôpital Louis-H. Lafontaine. Avec le temps, cette stratégie devient de moins en moins efficace: elle renforce notre idée de danger, notre doute.» Autrement dit, pour ressentir le même soulagement, il faut se laver les mains cinq fois plutôt que deux. Le TOC peut prendre différentes formes. Certains sont des maniaques de l'ordre ou de la vérification, d'autres sont qualifiés d'accumulateurs parce qu'ils conservent tout ce qui leur tombe sous la main, de crainte de se débarrasser d'un objet qui pourrait servir un jour. Enfin, les ruminateurs, eux, ont des pensées ou des images qui vont à l'encontre de leurs valeurs. Par exemple, une mère a peur d'agresser son enfant avec un couteau, un père craint d'être pédophile. Aucun désir n'alimente pourtant ces idées violentes, pornographiques ou obscènes. Pour s'en débarrasser, ces gens peuvent avoir recours à un rituel mental, comme de répéter des chiffres ou des phrases dans leur tête. Mais cette stratégie n'est évidemment pas bénéfique à long terme.

6. Syndrome de stress post-traumatique

Pour être atteint de ce trouble, il faut avoir vécu un traumatisme sévère: être victime de viol, être témoin d'un attentat, trouver un proche pendu, avoir un accident de voiture, etc. Malgré cela, au fil des semaines, la situation s'améliore généralement. Pas pour la minorité de personnes qui développent le syndrome: chez elles, les cauchemars, les flashs-back et l'impression de revivre l'événement perdurent. Elles entrent alors dans un pattern d'évitement (ne plus conduire, par exemple) dont elles sont incapables de se sortir. «Ces gens ont soit déjà un trouble de santé mentale, soit déjà subi un traumatisme en bas âge, ou alors ils viennent d'une famille où on trouve des problèmes de santé mentale ou d'alcoolisme», dit Jacques Bradwejn.

Des trucs pour réduire l'anxiété

  • Pratiquer des activités sportives ou de relaxation, comme le yoga.
  • Diminuer la consommation de stimulants, comme le café et l'alcool.
  • Tenter d'identifier les sources d'anxiété. Écrire ce qui nous rend anxieuse.
  • Établir un plan d'action: ainsi, si j'ai des soucis financiers, je prends rendez-vous chez un planificateur.
  • Essayer de relativiser ses inquiétudes. Considérer toutes les possibilités, pas seulement les pires.
  • Éviter... l'évitement!
  • Se rappeler que l'attaque de panique, même si elle est très désagréable, n'est pas dangereuse. On n'en meurt pas!
  • Consulter un psychologue si le problème devient trop difficile à gérer.

Merci à Nicolas Chevrier pour sa collaboration.

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