Psychologie

Phobies: mieux les comprendre

Phobies: mieux les comprendre

Auteur : Coup de Pouce

Comment savoir si on souffre d'une phobie ou si on a simplement peur?

Tout le monde a des peurs. La peur est une réaction naturelle devant un danger. Essentielle à la survie, elle nous permet de fuir lorsque survient une menace, comme un incendie. La phobie, quant à elle, est une peur intense, irraisonnée et incontrôlable. Elle entraîne de l'anxiété et de la souffrance et nuit à notre fonctionnement.

«Une personne qui craint les ascenseurs mais qui est capable d'en prendre ne souffre pas d'une phobie, explique Camillo Zacchia, chef professionnel en psychologie à l'Institut universitaire en santé mentale Douglas. En revanche, si elle prend toujours les escaliers ou quitte son emploi parce qu'elle travaille au 17e étage, elle est phobique.»

Comment la phobie se manifeste-t-elle?

Il en existe trois types: les phobies spécifiques (ou simples), la phobie sociale et l'agoraphobie. Les deux dernières, plus complexes, sont plus handicapantes et plus difficiles à traiter.

1. Les phobies spécifiques
On les classe en cinq catégories.

  • La peur d'un animal (souris, serpent, araignée, insecte, etc.).
  • La peur liée à l'environnement naturel (orage, eau, noirceur, etc.).
  • La peur du sang, des injections ou des accidents.
  • La peur d'une situation (claustrophobie, peur des hauteurs, etc.).
  • Toute autre peur, comme celle de vomir, d'avoir une maladie ou de s'étouffer.


Environ 12 % de la population souffrira d'une phobie spécifique au cours de sa vie, selon Stéphane Bouchard, psychologue et professeur à l'Université du Québec en Outaouais (UQO).

2. La phobie sociale (aussi appelée «anxiété sociale»)

Il s'agit d'une peur intense de s'exprimer en public, d'être jugée négativement par les autres, d'être humiliée, ridiculisée ou même agressée. Certains phobiques sociaux ne font plus la queue à l'épicerie, car ils craignent qu'on porte un jugement sur le contenu de leur panier. Selon diverses études, la phobie sociale touche entre 3 et 13 % de la population.

3. L'agoraphobie
On a peur d'être victime d'une attaque de panique (souffle coupé, sensation d'étouffement, palpitations, tremblements, transpiration excessive, nausées, etc.) dans un lieu ou un contexte où on ne pourra pas fuir ou être secourue. On en vient à rester à la maison, évitant les rues, les ponts, les foules et les espaces clos. L'agoraphobie survient chez des personnes atteintes du trouble panique (peur très intense et soudaine de faire une crise), qui touche entre 1,5 et 3,5 % de la population.

 

Qu'est-ce qu'on ressent quand on a une phobie?

Lorsque notre cerveau perçoit un danger, il envoie un message au système nerveux pour y faire face. Le rythme cardiaque augmente et la respiration s'intensifie, ce qui provoque une cascade de réactions et de signes physiologiques: rougeurs, mains moites, tremblements, etc.

Les phobiques ressentent ces symptômes lorsqu'ils sont confrontés à l'objet de leur peur. Ils sont conscients que leur crainte est irraisonnée, mais ils sont incapables de la contrôler. Pour échapper à l'angoisse, ils tentent d'éviter la situation redoutée. «Ils organisent leur vie pour cacher leur peur, explique Stéphane Bouchard. Des phobiques de l'avion, par exemple, refusent des promotions parce qu'ils devront voyager pour leur travail.»

Les phobiques du sang réagissent un peu différemment. L'anxiété les gagne à la vue d'une aiguille. Leur pression artérielle augmente, puis chute rapidement, ce qui peut entraîner une perte de conscience. «Il s'agit de la seule phobie spécifique qui provoque une telle réaction physiologique», souligne Stéphane Bouchard.

Qu'est-ce qui cause les phobies?

Certaines phobies spécifiques, comme celles des insectes, des orages et de la noirceur, apparaissent durant la petite enfance et disparaissent souvent d'elles-mêmes, explique Stéphane Bouchard. Elles font partie du processus normal de développement. Il ne faut donc pas s'en inquiéter. Les parents doivent néanmoins encourager leur enfant à confronter sa peur. D'autres phobies spécifiques, la phobie sociale et l'agoraphobie débutent à l'adolescence ou à l'âge adulte. Divers facteurs peuvent les expliquer.

  • Une prédisposition génétique. On a plus de chances de développer une phobie si l'un de nos parents souffre d'un trouble anxieux.
  • Notre tempérament. «Certaines personnes n'ont peur de rien, d'autres, de tout», note Camillo Zacchia. On remarque également que les phobiques sociaux sont de grands timides.
  • Un traumatisme, une expérience désagréable ou une information tragique diffusée dans les médias. Par exemple, si on a été mordue par un chien, ridiculisée lors d'un exposé oral en classe ou si on a vu un écrasement d'avion au téléjournal, cela a pu nous marquer.
  • L'environnement dans lequel on a grandi et notre éducation. On risque davantage d'avoir peur de l'eau si nos parents ne savent pas nager ou nous ont constamment mis en garde contre la noyade. Les parents soucieux de leur image ou très exigeants envers leur enfant, quant à eux, peuvent contribuer à l'apparition de la phobie sociale.

 

Les femmes souffrent-elles davantage de phobies que les hommes?

Selon Stéphane Bouchard, environ 15 % des femmes souffrent d'une phobie spécifique au cours de leur vie, contre près de 9 % des hommes. Le trouble panique avec agoraphobie semble diagnostiqué deux fois plus souvent chez les femmes que chez les hommes, indique-t-on sur le site Internet de l'Hôpital Louis-H. Lafontaine, spécialisé en soins psychiatriques. Enfin, la phobie sociale affecte autant les femmes que les hommes.

Pourquoi les femmes sont-elles généralement plus touchées? Les causes possibles ne font pas l'unanimité. Stéphane Bouchard évoque deux explications. Le système limbique, impliqué dans les émotions, est plus réactif chez les femmes que chez les hommes, et la société tolère mieux les comportements d'évitement chez les femmes, ce qui les prédisposerait davantage aux phobies.

Comment soigne-t-on les phobies?

La thérapie cognitivo-comportementale (TCC), individuelle ou en groupe, est le traitement le plus efficace, selon les experts. Le professionnel amène le phobique à faire face à ses peurs en l'y exposant graduellement, lors de situations réelles ou par des représentations mentales. Par exemple, si on craint les chiens, on regarde d'abord une photo de la bête, puis un film sur le sujet. On en caresse ensuite un en peluche, on en observe un vrai à travers la fenêtre de la maison, sur le trottoir, etc. Le but ultime: en toucher un. L'exposition ne règle pas tout. Le phobique doit aussi changer ses croyances. «S'il parvient à aller plusieurs fois dans le métro, mais que, chaque fois, il se dit: "J'ai été chanceux de ne pas mourir!" cela ne sert à rien», précise Camillo Zacchia.

La TCC dure entre six et huit semaines pour une phobie spécifique. «Le traitement est efficace chez 80 % des gens», dit Stéphane Bouchard. Chez les phobiques du sang, des injections et des accidents, on combine la TCC à des exercices de tension musculaire: avant d'être exposé à du sang, on contracte les principaux muscles (ceux des jambes, des bras, etc.), puis on les relâche. Ces exercices visent à maintenir la pression artérielle et à empêcher l'évanouissement.

Dans les cas de phobie sociale et d'agoraphobie, le traitement peut s'étaler sur une vingtaine ou une trentaine de rencontres. Des médicaments comme les antidépresseurs peuvent aussi être nécessaires.

Qu'est-ce qu'une thérapie virtuelle?

Ce traitement, surtout destiné aux phobies spécifiques, nous désensibilise en nous confrontant peu à peu à notre peur. On revêt un casque muni de caméras, d'écouteurs et d'un capteur de position reliés à un logiciel. On peut alors pénétrer dans un ascenseur vitré, visiter une maison peuplée d'araignées ou vivre un décollage d'avion, attachée à un véritable siège. «La thérapie virtuelle est aussi efficace que la TCC traditionnelle pour traiter les phobies spécifiques», dit Stéphane Bouchard, codirecteur du Laboratoire de cyberpsychologie clinique de l'UQO, qui compte parmi les rares cliniques et centres de recherche universitaires à offrir ce genre de traitement au Québec.

Peut-on se débarrasser toute seule d'une phobie?

Tout dépend de la phobie et de sa gravité, selon Nicolas Chevrier, psychologue à la clinique Services psychologiques Sequoia. On peut apprivoiser seule une phobie spécifique légère. Pour une phobie spécifique sévère, une phobie sociale ou l'agoraphobie, il faut généralement faire appel à un professionnel.

Pour combattre une peur, Nicolas Chevrier suggère d'y aller par étapes, comme lors d'une TCC. Si on a la phobie des chiens, on feuillette chaque jour un livre pour enfants sur les chiens jusqu'à ce qu'on ne ressente plus d'anxiété. On regarde ensuite un film où on voit de vrais chiens. Avec le temps, on peut toucher un chien en peluche, en observer un véritable dans une animalerie et parvenir un jour à en toucher un.

Deux phobiques témoignent

Lucie, 39 ans
Toux, maux de tête, fatigue importante, douleurs musculaires... À force d'entendre parler des symptômes de la grippe A(H1N1) dans les médias, Lucie avait l'impression, l'automne dernier, de tous les ressentir! Elle est hypocondriaque, mais elle arrive à se contrôler.
Lucie a développé la phobie des maladies vers 1985, à l'époque du scandale du sang contaminé. Elle craignait d'avoir contracté le VIH après avoir été tatouée. La peur de faire une crise cardiaque et d'avoir le cancer l'a ensuite gagnée. Angoissée et anxieuse, elle a quitté son emploi de préposée aux bénéficiaires en 1996. «Je dormais tout habillée au cas où je ne me sentirais pas bien et où je devrais partir rapidement de la maison», raconte-t-elle.

Lucie a subi nombre d'examens médicaux avant de comprendre qu'elle souffrait d'hypocondrie. En 1998, elle a suivi une thérapie cognitivo-comportementale et a recouru au groupe d'entraide Phobies-Zéro, où elle a été par la suite bénévole. «Ma vie est redevenue normale, dit Lucie, qui a vécu une petite rechute avec la grippe A(H1N1). J'essaie de rationaliser ma peur», poursuit la phobique, maintenant chauffeuse d'autobus.

Jean, 65 ans
Des phobies? «Je les avais toutes!» répond Jean. Pendant 12 ans, ce compositeur a souffert de la phobie des avions, d'agoraphobie, d'hypocondrie et de claustrophobie. Il avait aussi des phobies d'impulsion. «Je regardais un couteau dans la cuisine et j'avais peur de me poignarder, raconte-t-il. Je craignais aussi de frapper les personnes qui étaient assises devant moi. C'était apeurant.»

Calmants, cartomancienne, voyante, guérisseur, vitamines, charbon, jus de chou: Jean a tout essayé. «Je me sentais tellement mal que je cherchais la solution miracle», explique-t-il. Souffrant, en proie à des crises de panique, il a finalement consulté un psychiatre avec qui il a effectué une thérapie cognitivo-comportementale. «Je n'ai plus peur», dit Jean, qui a été soutenu par sa conjointe et qui a raconté son histoire dans Guérir à s'en rendre malade (par Jean Robitaille, Libre Expression, 2009, 312 p., 27,95 $).

Des ressources

  • Phobies-Zéro, un groupe d'entraide et de soutien aux gens atteints de troubles anxieux.
  • Revivre, une association de soutien aux personnes souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou bipolaires.

 

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