Psychologie
Notre santé mentale, on y voit!
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En matière de santé, on associe souvent la prévention aux maladies du corps. Pourtant, elle joue un rôle fondamental pour limiter le développement des problèmes d'ordre psychologique. Parce que, même si on ne peut influencer l'hérédité, il est possible de réduire les risques de maladies mentales en prenant soin de notre bien-être psychologique.
La prévention des maladies mentales n'est pas un luxe. Selon Santé Canada, c'est près de 20 % de la population qui souffrira d'une maladie mentale au cours de sa vie, et le 80 % restant sera affecté par la maladie mentale d'un membre de sa famille, d'un ami ou d'un collègue. Chaque année, c'est près de 3 % des Canadiens qui connaîtront une grave maladie mentale, comme la schizophrénie, la dépression ou la psychose maniacodépressive, et 17 % seront atteints d'une maladie légère à modérée, révèle un autre rapport du Gouvernement du Canada. Et c'est sans compter tous nos petits bobos à l'âme, qui causent aussi une certaine détresse psychologique.
La santé mentale, c'est quoi?
Si on s'entend pour dire que la santé mentale n'est pas seulement l'absence de maladie ou de déficience, il n'est pas évident de définir ce qu'est une bonne santé mentale. «Freud disait qu'être normal, c'est aimer et travailler. On pourrait citer d'autres auteurs qui donnent des définitions différentes, en fonction de leurs perspectives théoriques et de leur bagage culturel, répond Paule Morin, psychologue à l'Hôpital Rivièredes- Prairies. Pour ma part, je retiens qu'être en bonne santé mentale, c'est avoir une relation positive avec soi-même et avec autrui. Être capable de profiter de la vie et avoir les outils nécessaires pour affronter les défis que la vie nous impose, que ce soit la perte d'un être cher, une maladie ou des problèmes d'ordre financiers, professionnels ou familiaux.»
Pour Mimi Israël, psychiatre à l'Institut Douglas, la santé mentale consiste à être capable de gérer notre quotidien, de fonctionner et de garder un équilibre dans les trois dimensions de notre vie, soit la vie professionnelle, la vie familiale et la vie sociale. «Sommes-nous capables de bien fonctionner au travail? Dans notre famille, sommes-nous en mesure de bien nous occuper de nos enfants, de notre maison, etc.? Pouvons-nous encore avoir du plaisir, seule, avec notre conjoint et nos amies? Il est normal d'être moins fonctionnelle à la suite d'un choc émotif lié à une maladie, à un accident ou à la perte d'un emploi ou d'un être cher, mais il faut être en mesure de rebondir dans un temps acceptable», indique la psychiatre.
Un problème à géométrie variable
Comment se fait-il qu'un même traumatisme (perte d'emploi, décès d'un être cher) cause chez une personne l'éclosion d'une maladie mentale, alors qu'une autre «rebondira » quelque temps après, sans séquelles majeures? «Les causes des maladies mentales sont complexes, avoue Paule Morin. Elles résultent de facteurs génétiques et biologiques, mais aussi de notre personnalité, de notre capacité à gérer les difficultés de la vie et de l'environnement dans lequel on a grandi et on évolue.»
Dans certains cas, comme la schizophrénie et les troubles affectifs (dépression, bipolarité, etc.), un facteur génétique est nécessaire à l'éclosion de la maladie. Cela dit, selon Mimi Israël, d'autres éléments doivent entrer en ligne de compte pour «déclencher» la maladie, comme les conditions sociales et la personnalité. «Si, par exemple, notre mère souffre de schizophrénie ou de dépression, on est davantage à risque de développer ces maladies. Mais si on est quelqu'un de positif, qu'on gère bien les crises et les défis de notre vie, qu'on a un bon réseau social et que notre vie familiale est équilibrée, il est possible que la maladie n'ait pas le terreau fertile qu'il lui faut pour se développer.»
Prendre soin de sa santé mentale
Bien qu'il n'existe pas de vaccin contre les maladies mentales, certains gestes, attitudes et habitudes de vie peuvent faire la différence.
- On s'informe sur notre historique familial
Dans la famille, tout le monde sait que tante Gilberte a commencé sa ménopause à 35 ans, que notre cousine est allergique aux noix, mais qui sait que grand-maman a vécu une dépression post-partum sévère à la naissance du petit dernier? Ou que l'autre neveu a fait une psychose au début de la vingtaine? La santé mentale est toujours un peu taboue, mais, pour la prévenir, il faut briser le silence. À nous de faire enquête pour savoir si un membre de notre famille en a souffert.
- On dort!
L'adoption de saines habitudes de vie est un facteur déterminant pour la santé mentale. Entre autres, il est important de s'offrir un nombre suffisant d'heures de sommeil. Le manque de sommeil chronique occasionne de la fatigue, de l'irritabilité, des difficultés de concentration, du stress et parfois même de la tristesse. Par ailleurs, une récente étude américaine a conclu que les adolescents qui dormaient moins étaient plus à risque de souffrir de dépression que ceux qui dormaient suffisamment. Selon la Fondation américaine du sommeil, les personnes souffrant d'insomnie ont dix fois plus de chances de souffrir de dépression causée par le manque de sommeil. Prendre soin de son sommeil aide à se garder en bonne santé mentale.
- On mange mieux
À en croire Louise Thibault, nutritionniste et auteure du livre Nourrir son cerveau, la recette du bonheur pourrait bien être dans notre assiette. «Bien manger, c'est la base d'une bonne santé mentale, dit-elle. Si on ne mange pas bien, ou pas suffisamment, on s'expose à des problèmes d'humeur, à de la fatigue, ainsi qu'à une moins grande productivité intellectuelle.» Pour être plus heureuse, elle nous suggère de manger du poisson. «Les gras sont essentiels au fonctionnement du cerveau. Les acides gras oméga-3, présents dans les poissons comme le saumon, la truite, le thon et la sardine, sont indispensables au travail des neurones. On doit aussi privilégier les aliments qui nous procurent des oméga-6, comme les noix, les amandes, les graines et les huiles de tournesol, de canola, de soja et de maïs», suggère-t-elle.
«Pour stimuler la mémoire et ralentir le vieillissement, on mise sur les antioxydants, présents dans les petits fruits et le chocolat noir», poursuit-elle. Pour améliorer notre humeur et prévenir la dépression, on se tourne vers l'acide folique, que l'on retrouve dans les céréales à grains entiers, les légumineuses et le jus d'orange. «Mais avant d'opter pour des suppléments d'acide folique, on corrige notre alimentation, met-elle en garde. Le plaisir de bien manger, c'est bon pour l'humeur, et les nutriments sont toujours mieux absorbés quand ils proviennent de notre alimentation», conclut-elle.
- On ne laisse pas le stress nous envahir
L'être humain a besoin de défis et d'un certain niveau de stress. Ne plus en ressentir, ce serait la mort! Le stress n'est pas mauvais en soi, il permet de faire face à nos situations d'urgence et de s'adapter. Lors d'une situation de stress, notre cerveau produit et libère de l'adrénaline, qui fournit une énergie d'urgence: notre coeur bat plus vite, nos muscles reçoivent du sang et se contractent, notre digestion ralentit, nos poils se hérissent et notre vigilance augmente. Si le stress se maintient, un autre type d'hormone est sécrété pour aider le corps à tenir le coup: le cortisol. Son rôle consiste à maintenir les taux de glucose dans le sang, afin de nourrir les muscles, le coeur et le cerveau. Mais dans les deux cas, il s'agit de solutions temporaires qui peuvent devenir problématiques si on les laisse nous envahir pendant trop longtemps. Notre corps et notre cerveau s'épuiseront et on deviendra à risque de développer des problèmes de santé mentale. «Le stress chronique peut endommager certaines cellules du cerveau de façon permanente, ce qui rend le cerveau plus vulnérable aux épisodes schizophréniques ou bipolaires», confirme Alain Dagher, neurologue à l'Institut et l'Hôpital neurologiques de Montréal, affiliés à l'université McGill.
De là, l'importance d'acquérir des habiletés afin de modifier notre attitude face au stress. «On peut apprendre à mieux planifier notre temps, à développer notre capacité à déléguer, demander de l'aide, pratiquer des techniques de relaxation, méditer, éviter ce qui provoque le stress, apprendre à dire non, arrêter de tout remettre à demain, faire face aux problèmes, ou encore développer son sens de l'humour», propose Paule Morin.
Tout ce qui permet à notre esprit d'arrêter de tourner en rond diminue notre stress, croit Mimi Israël. «Il faut s'investir complètement dans ce qu'on est en train de faire. Que ce soit un sport, un jeu, un loisir, du yoga ou de la méditation. Pourvu qu'on s'investisse dans une activité qu'on aime assez pour nous faire perdre la notion du temps de manière agréable!»
- On contrôle notre monologue intérieur
«Au plan psychologique, on sait que notre discours intérieur, c'est-à-dire le monologue qu'on entretient en permanence avec nous-même, influence nos humeurs. Comme on passe le plus clair de notre temps avec nous-même, autant faire le nécessaire pour être en bonne compagnie», plaisante Paule Morin, qui croit que notre discours intérieur est la cause de bien des stress inutiles, surtout lorsqu'il est négatif.
Serge Marquis, spécialiste en santé communautaire et consultant dans le domaine de la santé mentale au travail, va plus loin. Il compare les pensées de notre ego à un petit hamster qui court à l'intérieur de notre tête. Dans sa roulette, il court, nous fait la vie dure et ne va nulle part. Dès que notre hamster commence à courir, notre cerveau sécrète les hormones du stress, comme l'adrénaline et le cortisol. Notre coeur se met à battre plus vite et notre tension artérielle s'élève. «Tout ce blabla inutile met notre santé mentale en péril et n'a rien à voir avec les pensées utiles qui nous permettent de passer à l'action ou de trouver des solutions», poursuit-il. Pour obtenir la paix de l'esprit, Serge Marquis suggère de s'engager dans une démarche de décroissance personnelle, qui ferait place à une activité mentale exempte du petit hamster qui nous fait tant souffrir. «On peut se concentrer sur sa respiration, faire une promenade en étant attentif à la nature ou encore s'adonner à la méditation.»
- Si on a des antécédents familiaux de maladie mentale, on se tient loin de la drogue et de l'alcool
On boit de l'alcool avec modération et on s'abstient de consommer de la drogue. «La drogue et les maladies mentales ne font pas bon ménage, prévient Mimi Israël. Les drogues ne sont bonnes pour personne, mais elles fragilisent davantage les personnes à risque qui ont, par exemple, des antécédents familiaux de schizophrénie ou de bipolarité.»
Quoi faire quand ça dérape?
On reconnaît qu'on a un problème et on a besoin d'aide? On se tourne vers le Centre de santé et de services sociaux de notre territoire ou on consulte un psychologue inscrit dans le répertoire de l'Ordre des psychologues du Québec. Si notre détresse est plus intense, que ça ne va pas bien du tout, qu'on a envie d'en finir avec la vie ou qu'on se sent complètement désespérée, on se rend directement à l'urgence de l'hôpital de notre secteur. Dans le doute, on appelle Info Santé (811) pour déterminer l'urgence de la situation.
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