Psychologie

Maigrir sous le regard des autres

Maigrir sous le regard des autres

Auteur : Coup de Pouce

T'as encore maigri? T'es rendue à combien?» «Wow, quel changement! Ça te fait bien!» «Dis-moi pas que t'es encore au régime? T'as pas besoin de ça, voyons!» «Allez, juste un petit morceau, ne sois pas plate!»

Des commentaires du genre, les personnes qui perdent du poids en entendent souvent. Car, si notre perte de poids suscite autour de nous des applaudissements et des encouragements qui nous remontent le moral, elle peut aussi provoquer des réactions négatives chez certains. «Le fait d'entreprendre un régime nous place en quelque sorte sous les projecteurs», dit Catherine Bégin, professeure à l'École de psychologie de l'Université Laval, où elle dirige une clinique spécialisée dans l'évaluation et le traitement de la problématique du poids.«Ce n'est pas tout le monde qui est à l'aise avec cette attention. Notre surplus de poids nous a peut-être permis de passer inaperçue pendant des années, mais, en perdant du poids, on fait jaser. C'est incontournable. Il faut se préparer à entendre toutes sortes de commentaires. Et, en ce sens, perdre du poids, ce n'est pas seulement apprendre à bien manger, c'est aussi apprendre comment réagir devant un comportement négatif.»

Une source d'inquiétudes pour son entourage

Johanne Dupuis, directrice générale de Weight Watchers Québec, souligne qu'il n'est pas rare qu'une démarche de perte de poids suscite des réactions d'inquiétude dans la famille de celle qui l'entreprend. «Quand ça fait dix fois qu'on fait des régimes sans succès, il n'est pas rare d'entendre notre mère, notre conjoint ou nos enfants dire: "Ça y est, on va encore manger de la salade pendant un mois, et après, ce sera fini." Si c'est le cas, il est bon de leur expliquer clairement la démarche qu'on entreprend et de leur dire pourquoi elle est importante pour nous. On peut aussi rassurer notre famille en disant, par exemple, que oui, il y aura encore des biscuits dans le garde-manger, mais aussi plus de fruits et de légumes dans le frigo. Je me souviens d'une femme dont le mari se mettait à commander compulsivement tous les mets imaginables du resto dès qu'elle lui annonçait qu'elle allait entreprendre un régime, s'attendant à ne plus avoir rien de bon à manger pendant des semaines!»

Le mieux est d'amener les changements d'habitudes alimentaires en douceur. «La personne qui veut perdre du poids doit comprendre que ce n'est pas parce qu'elle est rendue là que toute sa famille l'est aussi, explique Catherine Bégin. Quand on y va de manière rigide, qu'on supprime tous les desserts du jour au lendemain et qu'on demande aux enfants de manger tous les brocolis et choux-fleurs de leur assiette alors qu'ils ont toujours mangé des frites, c'est un peu raide. La démarche de perte de poids part d'un besoin personnel. Il faut donner le temps à la famille de réagir à ce changement. Cela demande une certaine souplesse.»

Manon a perdu 52 livres dans les derniers mois. Elle se souvient de ne pas avoir reçu de soutien de sa mère au début de sa diète amaigrissante. «Il a fallu que je perde une bonne vingtaine de livres avant qu'elle croie finalement en ma démarche et m'encourage. Quand elle a vu que je mangeais à ma faim et que je perdais du poids, elle a pris mon projet au sérieux. Mais j'ai dû lui donner du temps.»

 

Le couple menacé

Certains hommes peuvent aussi manifester de l'insécurité devant la perte de poids de leur compagne et tenter de la décourager. «Un homme qui voit sa conjointe changer physiquement et développer une meilleure estime de soi peut craindre qu'elle ne se fasse davantage remarquer et ne le quitte», observe Catherine Bégin.

«C'est sûr qu'on voit des histoires de femmes qui quittent leur mari après avoir maigri, mais ce sont des cas extrêmes, ajoute Johanne Dupuis. Je pense que, dans ces cas-là, le malaise existait déjà et que la perte de poids a tout simplement agi comme catalyseur.»

De façon plus générale, Catherine Bégin confirme que les gens qui nous soutiennent et nous félicitent sont ceux qui ne sont pas dérangés par notre perte de poids. «En contrepartie, les réactions les plus intenses viennent des personnes qui se sentent menacées par notre démarche, précise la psychologue. Elles ont peur de nous perdre, elles craignent de perdre la qualité de notre relation ou elles se voient ramenées à leurs propres difficultés. Par exemple, si nos amies ont un surplus de poids, notre démarche risque de les confronter à leur propre problème, à leur inertie ou à leur difficulté à faire quelque chose pour elles, et ça peut créer une certaine jalousie.»

Manon a connu ce genre de situation au travail. «J'ai entrepris une démarche de perte de poids avec un groupe au bureau et ça a créé des frictions avec une de mes collègues. J'ai enregistré la plus grosse perte de poids et ça n'a pas fonctionné aussi bien pour elle. Je la sentais jalouse. On s'est éloignées.» Roxanne avoue pour sa part avoir fait un petit ménage parmi ses amies depuis qu'elle a entrepris une démarche de perte de poids il y a deux ans. «Comme j'allais beaucoup m'entraîner, j'étais moins disponible pour sortir avec mes amies. Certaines n'ont pas apprécié la chose. J'en ai perdu quelques- unes, mais je me suis aussi rapprochée d'autres personnes qui comprenaient bien mes objectifs.»

La clé: une saine communication

«Les gens qui nous nuisent sont ceux qui ne nous comprennent pas, indique Johanne Dupuis. La communication demeure le meilleur outil pour préserver l'harmonie dans nos relations, même si ce n'est pas toujours facile de partager nos projets personnels avec tout le monde. En plus d'expliquer notre démarche de perte de poids, il faut aussi dire à notre entourage comment on aimerait qu'il nous aide. Par exemple, si notre belle-mère nous fait toujours sa tarte au sucre parce qu'elle sait qu'on l'aime, on peut lui expliquer que, dans un sens, ça ne nous fait pas plaisir parce que ça nuit à notre gestion de poids. On peut aussi expliquer que notre "non, merci" à un dessert ne doit pas être pris comme une insulte.» Selon elle, si une collègue essaie toujours de nous encourager à manger un beigne sous prétexte que ce n'est pas une sucrerie qui nous fera engraisser, on peut lui dire, par exemple: «Chaque fois que tu me mets des beignes sous le nez, ça me tente pour rien. Peux-tu les garder de ton côté? En ce moment, j'ai plutôt besoin d'aide pour contrôler mes tentations.»

On peut aussi remettre à leur place les gens qui nous surveillent sans cesse avec des commentaires comme: «As-tu le droit de manger ça?» ou: «Es-tu sûre que ton régime le permet?» «On peut leur dire qu'on connaît très bien notre programme et qu'on sait quoi manger, souligne Johanne Dupuis. Souvent, les gens veulent nous encourager, mais ils ne savent pas comment.» Julie a mis les choses au clair avec son entourage: «Je leur ai demandé de me faire confiance et de me respecter. S'ils me voient manger du chocolat, c'est parce que j'ai décidé de me le permettre. Je ne veux pas qu'on m'achale avec ce que je mange parce que, au bout du compte, si j'engraisse, c'est mon affaire.»

Catherine Bégin estime aussi que la saine communication est la clé pour maintenir de bonnes relations. «Si on ne veut pas être trop affectée par le comportement négatif de notre entourage, il faut nommer les choses. Dire, par exemple: "Depuis que je cherche à perdre du poids, je sens que tu t'éloignes ou je te sens mal à l'aise. Pourquoi?"C'est important d'ouvrir la discussion.» Mais il faut aussi avoir le tact de ne pas toujours mettre notre démarche au centre des conversations pour ne pas ennuyer les gens. Et puis, il faut prendre du recul pour se regarder aller. Si on essaie d'imposer notre diète à tout le monde, qu'on ne mange pas les trois quarts de ce qu'on nous sert lorsqu'on est invitée quelque part, on porte une part de responsabilité dans nos mauvaises relations avec les autres parce qu'on n'est plus du tout agréable à côtoyer.

Un nouveau moi... ou presque

Si les attitudes de notre entourage changent, c'est peut-être en partie parce que nous-même agissons différemment. Par exemple, depuis que Manon récolte les compliments, elle a plus d'assurance. Elle qui était plutôt du genre à raser les murs dans les centres commerciaux, elle n'a plus peur d'aller vers les autres. «Aujourd'hui, si je rencontre une connaissance dans un magasin, je ne fais plus semblant de ne pas la voir, je suis fière d'aller lui parler. Je n'ai plus peur de m'affirmer. » Même sentiment chez Julie, qui a perdu 77 livres en un an et demi et qui maintient ce poids depuis le début de 2006. «J'ai beaucoup plus de facilité à exprimer mes émotions, dit-elle. Avant, je disais toujours oui pour ne blesser personne. Aujourd'hui, je dis ce que je pense.»

Catherine Bégin reconnaît que perdre du poids peut avoir un effet positif sur nos relations avec les autres dans la mesure où cela améliore notre estime personnelle, mais elle met un bémol. «Cela pose problème lorsque les femmes voient la perte de poids comme un moyen de tout changer dans leurs relations. Les femmes qui perdent du poids restent les mêmes, précise-t-elle, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts. Ce n'est pas parce qu'elles sont plus minces qu'elles deviennent plus habiles sur le plan relationnel. Par exemple, une femme hypercontrôlante qui perd du poids va peut-être devenir plus attirante et rencontrer davantage de partenaires, mais, si son côté contrôlant est vraiment difficile à tolérer, son problème ne sera pas réglé.»

Selon elle, il faut que l'objectif de rester mince demeure global. «Il faut que ce soit pour notre santé, parce qu'on aimerait avoir de nouvelles habitudes de vie et parce que ça correspond mieux à nos valeurs. Autrement dit, il faut vouloir maigrir parce que c'est vraiment ce qu'on souhaite pour soi, pas pour les autres.» Dans son bureau, elle rencontre des femmes qui disent qu'elles commenceront à vivre et à être heureuses le jour où elles pèseront 130 livres. «C'est un mythe qu'il faut défaire, ajoute-t-elle. Oui, la perte de poids augmente l'estime de soi et permet de faire des choses qu'on n'osait pas faire auparavant, mais elle ne change pas notre personnalité.»

10 règles d'or

1. Entreprendre la démarche de perte de poids pour soi, pas pour les autres.
2. Avoir un objectif global (améliorer notre santé) et non pas secondaire (se faire un chum ou obtenir une promotion).
3. Expliquer à notre entourage l'importance de cette démarche pour nous.
4. Dire aux autres comment on aimerait qu'ils nous soutiennent.
5.Donner à notre entourage le temps de s'adapter à notre nouveau mode de vie.
6. S'attendre à se retrouver sous le feu des projecteurs et à entendre toutes sortes de commentaires.
7. Exprimer nos insatisfactions aux gens qui réagissent mal.
8. S'entourer de personnes qui nous appuient et se tourner vers elles dans les moments difficiles.
9. Ne pas toujours mettre notre perte de poids au centre des conversations.
10. Faire preuve de souplesse (accepter de faire certains écarts, accepter que les autres n'aient pas les mêmes habitudes que nous, accepter l'échec pour mieux se reprendre).

En suivant ces conseils, on pourra mettre toutes nos énergies sur la démarche qu'on a entreprise, sans être découragée par l'atitude des autres. Parce que la perte de poids, c'est un défi qu'on relève pour soi!

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