Psychologie
Ma deuxième mère
Une mère spirituelle
Katerine-Lune Rollet et Monique Iezzi
«Monique habitait l'appartement adjacent à celui où je vivais avec ma mère. Cette célibataire de 30 ans était une femme libre. J'étais une enfant de 11 ans vive et curieuse. Entre elle et moi, il y a eu un coup de coeur.»
«Mon grand plaisir était d'aller sauter sur les coussins chez elle, où tout semblait permis. Mais, rapidement, notre relation s'est approfondie. Même si j'étais proche de ma mère, Monique me procurait un rapport affectif différent et une approche d'éducation complémentaire. Sans jugement, elle posait sur mes dilemmes un regard plus objectif.
«Confidente éclairée, conseillère inspirante et réconfortante, Monique m'a plus enseigné sur la vie que n'importe qui d'autre. Elle m'a appris à écouter et à m'intéresser aux autres, et c'est grâce à elle si je suis aujourd'hui une bonne communicatrice. Elle m'a aussi transmis son goût pour la coquetterie, le luxe et les plaisirs, qui m'attiraient mais qui ne faisaient pas partie des valeurs de ma mère.»
Un lien à l'épreuve du temps
«À 21 ans, j'ai senti la nécessité de prendre mes distances. Monique occupait une telle place dans ma vie que j'avais besoin de savoir si je pouvais aller de l'avant sans elle. Une manière de couper le cordon, peut-être? Après deux ans, je suis revenue vers elle. Rien ne pourrait nous séparer de nouveau, même si je connais tous ses travers et qu'il lui arrive de me taper sur les nerfs... comme une mère!
«Quand j'ai une décision importante à prendre, c'est elle que j'appelle. Même dans ma vie amoureuse, l'opinion de Monique compte: lui présenter une nouvelle fréquentation constitue une étape cruciale! J'ai aussi la profonde conviction que, si j'étais confrontée à une dure épreuve, elle serait là pour moi.»
Des moments qui consolident l'attachement
«Je pense à une anecdote qui évoque le début de mon attachement pour Monique: pour Noël, je m'étais offerte à elle dans une boîte enrubannée. Il y a certainement là un symbole. D'ailleurs, parmi les moments marquants qui ont contribué à souder notre lien, j'ai souvenir des nombreuses veilles de Noël passées avec elle dans sa famille. Et aussi de sa fille Marion, que j'ai beaucoup gardée. Depuis le décès de mon père, je trouve réconfortant et précieux de pouvoir évoquer sa mémoire avec Monique, qui l'a très bien connu.
«Lors d'un voyage en solitaire en Italie, j'ai éprouvé le besoin de partager mes pensées et mes découvertes avec Monique et je lui ai envoyé mon journal intime par la poste. À son 50e anniversaire, j'ai eu beaucoup de mal à lire son bien-cuit, tellement j'étais envahie par l'émotion. Les amies de Monique ont été touchées de constater à quel point on était proches. «Monique enseigne aux adultes décrocheurs. Chaque année, elle m'invite à parler de mon métier devant sa classe. Dans son milieu de travail, elle est admirable. Elle célèbre la différence avec une ouverture remarquable, et pour cela elle a tout mon respect. C'est une richesse de l'avoir dans ma vie.»
La plus maternelle des tantes
Annie Belley et Benoite Laforest
«J'ai quitté mon Saguenay natal pour suivre mon amoureux en banlieue de Montréal. Désorientée, je m'ennuyais à mourir. Tante Ben est devenue mon point d'ancrage, si bien que, quelques années plus tard, c'est elle qui m'a soutenue au cours de l'épisode le plus difficile de ma vie: le cancer.»
«J'avais 28 ans. Je laissais derrière moi ma famille et mon grand réseau d'amis. Cette transition, je l'ai un peu vécue comme un deuil. La soeur de ma mère, connue chez nous sous le nom de Tante Ben, vivait dans la région de Montréal. Le genre de femme toujours assise sur le bout de sa chaise, prête à aider! Elle m'a invitée à aller la voir aussi souvent que j'en avais envie. Très vite, je me suis sentie à ma place auprès d'elle et de son mari et je me suis mise à débarquer chez eux toutes les fins de semaine.
«Après avoir élevé deux garçons, Tante Ben a pris plaisir à développer cette complicité féminine avec moi. Tout ce qui me manquait depuis mon départ du Saguenay - amitié, présence maternelle, réconfort -, c'est elle qui me l'a procuré. Notre lien est demeuré très solide, même une fois habituée à ma nouvelle vie.»
Se rapprocher dans l'adversité
«J'étais seule à l'hôpital quand le médecin m'a annoncé le terrible diagnostic: cancer du sein. Sous le choc et n'arrivant pas à joindre mon conjoint, c'est à Tante Ben que j'ai téléphoné, sans même réfléchir. Je savais qu'elle saurait dire ce qu'il fallait pour m'apaiser.
«Mes enfants avaient alors 3 et 5 ans. J'ai cessé de travailler, et mon conjoint a dû mettre les bouchées doubles pour qu'on puisse joindre les deux bouts. Ma mère et ma belle-mère ont fait ce qu'elles ont pu, mais, comme elles étaient loin, c'est Tante Ben qui m'a prise sous son aile pendant les pénibles mois de chimiothérapie. Elle qui avait déjà soutenu son mari dans la maladie, elle s'occupait de moi comme une mère. Elle m'accompagnait à l'hôpital, me tenait la main pendant les traitements, m'écoutait lui livrer les peurs qui me tenaillaient. Sa disponibilité m'était indispensable. «J'ai été particulièrement émue lorsqu'elle m'a remis, lors d'une marche pour le cancer du sein, un symbole familial très significatif: un bijou ayant appartenu à sa mère, ma grand-mère Laforest, décédée du cancer à l'âge de 39 ans. Elle me l'a légué en me disant que ça me protégerait. «Ce printemps marque le cinquième anniversaire de ma chirurgie, ce qui signifie que le risque de récidive diminue considérablement.
Rendre hommage à Tante Ben aujourd'hui est ma façon de lui témoigner ma gratitude tout en célébrant chaque année qui m'éloigne du cancer. Avec elle, j'ai notamment appris à être heureuse en toute circonstance. Malgré l'adversité, elle maîtrise l'art de propager le bonheur au quotidien. Sa bonté, sa générosité sans borne et sa grandeur d'âme sont pour moi une inspiration. C'est réellement un privilège de côtoyer une femme de cette trempe.»
Un bon ange
Véronique Papineau et Marie-Andrée Baribeau
«À 10 ans, ma vie a basculé: mon père est décédé dans des circonstances tragiques et ma mère a sombré dans une profonde dépression. Ma soeur et moi avons dû être placées en foyer d'accueil. Je connaissais déjà Marie-Andrée, qui habitait la même ville. Elle a senti que j'avais besoin d'amour et de stabilité et a proposé à la DPJ de me prendre chez elle.»
«Dès mon arrivée, Marie-Andrée a tout fait pour me réconforter. Du jour au lendemain, j'avais de nouveaux vêtements et j'apportais à l'école des lunchs à rendre jalouses toutes mes copines! Mais surtout, elle m'a offert les repères et l'encadrement dont j'avais besoin pour vivre mon deuil et guérir. Je me souviens précisément de la première fois où elle m'a appelée sa "puce". J'ai ressenti une joie indéfinissable. J'ai des frissons rien qu'à y penser!
«Me garder n'était pas de tout repos, car j'entrais dans l'adolescence. J'étais perturbée par tout ce que j'avais traversé et continuellement en conflit avec mon identité. Marie-Andrée et son conjoint m'ont soutenue avec un amour inconditionnel malgré mes frasques d'adolescente. Je ne peux m'empêcher de repenser à la fois où j'ai caché sa trousse de maquillage dans l'espoir qu'elle n'aille pas travailler, tellement je n'aimais pas me séparer d'elle...»
Une femme inspirante
«C'était convivial, chez Marie-Andrée! Épicurienne, elle me transmettait son goût pour la culture et la bonne bouffe. Elle m'a emmenée en voyage à ses frais. Ses bébés sont venus au monde pendant que je vivais sous son toit. Cela a été une expérience déterminante qui a fait de moi une mère dévouée à mon tour. Ses enfants me considèrent d'ailleurs comme leur grande soeur.
«Quand j'ai commencé le cégep, Marie-Andrée m'a sortie de l'appartement insalubre où je vivotais sans vraiment étudier et m'a proposé de revenir chez elle. Si j'éprouvais des difficultés dans certaines matières, elle n'hésitait pas à embaucher un professeur privé pour m'aider. Elle était mon pilier: auprès d'elle, tout devenait plus facile. «Aujourd'hui, notre complicité se poursuit. Comme une mère, elle est là pour m'épauler. Et, si je suis trop longtemps sans lui donner de nouvelles, je me sens vite coupable, même si elle ne me fait jamais de reproches. Cet hiver, nous avons célébré le Nouvel An à Punta Cana ensemble, avec nos familles respectives!
«Dévouée, Marie-Andrée s'occupe maintenant de son père vieillissant et de sa soeur devenue invalide. Je comprends qu'il était naturel pour elle de m'offrir une place au sein de sa famille. Elle est comme ça: généreuse, le coeur sur la main. Les valeurs qu'elle m'a transmises, associées à celles de ma mère biologique (que j'aime tout autant, d'une autre manière et pour d'autres raisons), m'ont permis de devenir une femme heureuse et épanouie. Ses passions sont les miennes. Il nous arrive même de nous faire dire que nous nous ressemblons physiquement. Et je sens toujours la fierté dans son regard quand elle me présente à quelqu'un. Pour moi, ça n'a pas de prix.»