Psychologie
Les regrets: Obstacles ou moteurs pour mieux avancer?
Photographe : Marie-Ève Tremblay | colagene.com
Chaque année, quand mon anniversaire approche, c’est la même chose. Immanquablement, je vois quelques vieux regrets resurgir. Comme des invités plus ou moins bienvenus qui se joignent à la fête.
L'’ajout d’une année à mon compteur m’amène à réfléchir à celle qui vient de passer. C’est le temps d’un court bilan personnel. Tantôt, je suis plutôt fière. Tantôt, quelques choix m’écorchent un peu.
«Un regret est lié à quelque chose qui est derrière nous, explique Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. C’est comme si l’on regardait dans le rétroviseur. On voit la route qu’on a parcourue, les choix qu’on a faits, notre tracé. Ensuite, il faut utiliser le tout pour continuer d’avancer. C’est l’occasion de réfléchir à notre situation actuelle et de déterminer le chemin qu’on veut emprunter ensuite.»
Vivre sans regret est quasi impossible. Et ce n’est pas le but à poursuivre. Même s’il est parfois désagréable, le regret agit souvent comme catalyseur de changements. «D’abord, on en détermine la cause. Est-il lié, par exemple, à notre mode de vie, à notre façon d’être en couple, à notre carrière, à nos relations?
Ensuite, pour le transformer en quelque chose de positif, on choisit entre réparer en partie ce qui s’est passé ou en tirer des leçons pour l’avenir», estime la psychologue.
J’ai vu réapparaître mes regrets avec le confinement et le bouleversement de mes repères. Pas un tsunami, mais une vague assez forte pour que je songe à chambarder de tout bord tout côté les différents pans de ma vie. Je me suis morfondue, un peu en proie à de grands élans de «Est-ce que je veux continuer comme ça pendant des années?», «Et si j’avais choisi un autre métier?», «Et si l’on avait déménagé?», etc.
Valérie Gosselin, psychologue, constate: «La vie nous oblige à faire toutes sortes de choix. Nous avons tous une nature profonde, et l’on refoule cette part de nous. Mais il arrive que, dans certaines situations, tout ce qu’on a enfoui remonte à la surface. On constate alors qu’on n’a peut-être pas écouté la petite voix qui nous criait d’être nous-mêmes.»
© Unsplash | Lili Kovac
La ronde des «et si» est à éviter, car elle nous force à faire du surplace au lieu d’avancer. «Et puis, il faut se remettre dans le contexte de l’époque où l’on a dû faire ces choix! Finalement, il y a assurément des choses positives que l’on vit présentement qui ne se seraient pas produites si l’on avait fait les choix que l’on regrette aujourd’hui», nuance Valérie Gosselin.
Exactement ce que fait Véronique, 35 ans: «J’ai toujours voulu être médecin, mais j’ai opté pour une autre profession de la santé qui m’a permis d’être sur le marché du travail trois ans après la fin de mon secondaire.
Comme technologue en imagerie médicale, je gagne bien ma vie, je m’accomplis, mais être à l’hôpital tous les jours me rappelle que je ne suis pas médecin. Cela ne me pourrit pas la vie, mais, parfois, c’est plus intense, comme le jour où j’ai réalisé que le nouveau radiologiste en poste était plus jeune que moi. Ça m’a sauté au visage: ç’aurait pu être moi. Ces 12 ans de scolarité qui me faisaient si peur auraient été derrière moi, et mon plus grand rêve commencerait.
Cette prise de conscience m’a toutefois poussée à changer quelque chose. J’ai suivi des formations, afin de poser plus d’actes médicaux de façon autonome et j’ai intégré des équipes multidisciplinaires pour relever de nouveaux défis. Quand ce regret revient, je m’efforce aussi de voir les avantages de mon choix de carrière par rapport aux inconvénients de la médecine, car les médecins aussi ont des insatisfactions. Ça m’aide à atténuer le sentiment de ne pas être totalement sur mon X.»
Voir un regret comme un moteur qui propulse le changement nous permet justement de ne pas tout balayer de notre passé. Qu’est-ce que j’ai appris dans mon parcours qui peut être utile ou qui va me permettre de mieux apprécier ma prochaine trajectoire?
Un tel malaise signifie qu’un changement est nécessaire. On ouvre les yeux et, tout à coup, on remarque un petit sentier: on bifurque ou l’on poursuit comme avant? La décision est nôtre! Personnellement, j’avance en tremblant un peu, mais en disant: «Ciao, mes regrets! Voilà une nouvelle chance!»