Psychologie
Le journal intime, un pèlerinage à l'intérieur de soi
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L'écriture du journal intime permet de prendre le pouls de notre vie, selon la psychologue Marielle Bergeron. On suggère souvent cette activité à ceux qui aiment écrire, mais tout le monde peut apprivoiser une telle forme d'introspection.
Il ne s'agit pas bien sûr de faire la chronologie des événements. Rédiger, heure par heure, ce qui s'est passé dans la journée n'a guère d'intérêt. Ce qu'il faut, c'est laisser monter les émotions liées aux moments forts de la journée, puis traduire en mots ce que l'on ressent, sans essayer d'analyser. Il ne s'agit pas de «penser» notre vie, mais de la «ressentir».
« On n'accorde aucune importance au style ou à l'orthographe. On ne se censure pas non plus et l'on ne se juge pas. On n'essaie pas de faire joli, intelligent, sage ou poétique. C'est le processus qui compte, et non le résultat. Ce qui émerge naturellement s'écrit facilement, librement, même si l'agressivité, la hargne ou l'amertume se mettent parfois de la partie. »
Le rôle du journal intime
Marielle Bergeron explique: « Lorsque vous écrivez votre journal, vous mettez en mots vos émotions. Dans un premier temps, il peut vous arriver d'accuser l'autre. Puis, peu à peu, au fil des mots, vous prenez une distance par rapport à vos émotions, vous les transcendez en quelque sorte. Votre coeur s'apaise. L'écriture permet ainsi de relativiser les choses. Et d'en apprendre un peu plus sur vous-même. Chaque événement de notre vie, même blessant, a une importance et peut nous aider à grandir. »
Le journal intime ne sert pas qu'à exprimer les émotions négatives, bien sûr. Les moments de bonheur y ont aussi leur place. Un moine bouddhiste a déjà dit: «Tout souvenir, positif ou négatif, est comme une graine que l'on plante: chaque fois qu'on y repense, c'est comme si l'on arrosait la plante, qui grossit de plus en plus.» À moins d'être masochiste, personne n'aime laisser toute la place au négatif. Par contre, les souvenirs heureux, on peut se les remémorer ad vitam æternam. Cela fait du bien au coeur. Et cela peut aider à cicatriser les blessures.
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Après la mort de son petit garçon de sept ans, Sophie a commencé à écrire son journal. Chaque soir, avant de s'endormir, elle laissait sortir sa peine, qui était immense.
« J'écrivais à Vincent. Je ne censurais rien. Je reprenais les mêmes mots, ces petits mots doux que je lui avais déjà dits. Cela commençait toujours par: " Mon trésor, mon petit homme, mon bel amour... " Je lui racontais que je me souvenais de son sourire, de son regard bleu, de sa chevelure dorée, du son de sa voix, de la façon qu'il avait de plonger sa cuillère dans son bol de céréales, de son énergie, de son humour, de son oreille musicale, du joli mot qu'il m'avait écrit pour mon anniversaire, quelques jours avant son accident de vélo. Je lui disais que je ne l'oublierais jamais. Mes larmes se tarissaient, je refermais le journal et je m'endormais. J'ai écrit pendant des mois. Puis, au fil du temps, mon chagrin a été moins difficile à porter. »
Sophie a conservé ce journal taché de larmes. Parfois, elle l'ouvre et y retrouve toute l'émotion qui la submergeait alors. Elle réalise à quel point une mère aime son enfant. À quel point aussi les grandes peines se guérissent. À quel point la vie est forte et nous pousse en avant. Toujours.
Des clés pour maximiser les bienfaits du journal intime
Vous voilà maintenant prêt à entreprendre la rédaction de votre journal intime? Commencez par créer un climat favorable avant de vous lancer dans l'aventure, de faire ce beau voyage à l'intérieur de vous, suggère Marielle Bergeron. Détendez-vous, allez marcher un peu, prenez un bain chaud, faites quelques exercices de relaxation. Puis installez-vous à votre table et écrivez. Écrivez ce qui vous vient en tête. Vos propos vous semblent absurdes? Cela n'a aucune espèce d'importance. Continuez.
« La première fois, je me suis mise à écrire sur la pluie qui tombait ce soir-là, raconte Élyse. Puis, lentement, j'en suis venue à parler de mon amour de l'eau. Je regrettais de ne pas être allée à la mer depuis 10 ans. Les mots sortaient pêle-mêle. J'avais besoin de parler de l'eau, de la mer, que j'aime tellement! Je riais toute seule. J'ai écrit, écrit, dans une euphorie qui me faisait du bien. Quand j'ai refermé mon cahier, il était deux heures du matin. Je me sentais tellement bien! »
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Suggestion de lecture
Le nouveau journal créatif, Anne-Marie Jobin, Le jour, 2010, 320 pages.