Psychologie

Le jour où j’ai assumé mon leadership

Le jour où j’ai assumé mon leadership

Le jour où j’ai assumé mon leadership

Photographe : Marie-Eve Tremblay / Colagene.com Auteur : Danielle Verville Source : Coup de pouce, octobre 2016

Certaines femmes ont de la difficulté à assumer leur leadership, pourquoi? Notre journaliste raconte  comment elle a fini par s’affirmer comme leader.

Enfant, j’étais déléguée de ma classe, sizenière chez les scouts et présidente de mon école primaire. Je passais mes étés à mettre sur pied des spectacles, dont j’assurais la mise en scène et le financement. Les jours de pluie, je jouais à l’école et faisais la classe aux plus jeunes, quand je ne lançais pas un nouveau journal.

Pas une journée ne se passait sans que le quartier aboutisse devant la porte de ma maison pour savoir quelle allait être l’activité spéciale du jour.

J’étais une meneuse.

Mais je n’étais pas une «commandante», comme mon amie Isabelle. Cette fille avait un tempérament qu’on associe souvent à des traits masculins. Elle dirigeait les jeux avec autorité, savait dire un non catégorique, était compétitive et ne plaisait pas particulièrement aux garçons. Moi, je préférais être une meneuse sympathique, qui savait rallier les autres à son point de vue, sans jamais avoir à donner d’ordres.

En vieillissant, Isabelle est vite devenue cadre dans une grande entreprise pharmaceutique, tandis que moi, j’essayais tant bien que mal d’apprivoiser la notion d’autorité. Dès que j’agissais avec confiance, que j’usais de fermeté ou que j’imposais un refus lors d’une réunion, des femmes me trouvaient prétentieuse, tandis que certains patrons sapaient mon autorité professionnelle avec des remarques du style: «elle doit être dans son SPM» ou «elle est mignonne quand elle est fâchée».

«Les femmes sont effectivement plus à l’aise avec un leadership relationnel, admet Sylvie Boucher, psychologue et coach de vie. Elles tiennent à établir et à maintenir de bonnes relations et font attention à ne pas heurter les autres. Elles se disent, plus ou moins consciemment: “Pour ne pas les perdre, je vais les diriger avec gentillesse.”»

Si les femmes sont traditionnellement douées pour communiquer, faire adhérer les gens à une idée et les motiver, elles sont beaucoup plus inconfortables avec l’autorité, l’argent, l’ambition et les sanctions, des notions habituellement associées aux hommes. Pourquoi?

«C’est un mélange d’éducation, de stéréotypes sociaux et de génétique, croit la psychologue. Certaines femmes ont eu des mères très affirmées et s’en sont inspirées, tandis que d’autres ont voulu faire le contraire. Les causes demeurent encore difficiles à cerner. Mais si l’on veut renverser la vapeur, je crois qu’il faut, en tant que parent, porter attention à nos préjugés et enseigner à nos filles à s’aimer telles qu’elles sont.»

Accepter de ne pas être aimée de tous, alors que la société m’avait appris à plaire et à être conciliante et empathique, n’était pas évident. Pendant des années, mon leadership était tellement mal assumé que j’ai refusé un bon nombre de postes. Je m’autoéliminais. «Les femmes, plus que les hommes, ont tendance à souffrir du syndrome de l’imposteur, c’est-à-dire à juger leur performance ou leur candidature plus durement qu’elle ne devrait l’être», fait remarquer Sylvie Boucher.

Un mal que mon amie Nathalie Tremblay, directrice générale d’une institution financière, n’a jamais connu. Elle était dans la vingtaine lorsqu’elle a décroché son premier poste de cadre, sans avoir les diplômes nécessaires. «J’hésitais, mais mon conjoint m’a convaincue que j’avais les capacités requises. Il me disait que j’accomplissais déjà toutes les tâches liées au poste, sans avoir le salaire qui lui était associé. Je lui ai fait confiance. J’ai plongé.»

Mais combien de femmes reçoivent des encouragements de leurs parents, conjoints, amis ou patrons, sans jamais oser faire le grand saut? Faut-il avoir été la «petite boss» de son école pour croire en soi? «Pas du tout, intervient Nathalie. Je n’étais pas une meneuse-née. C’est quelque chose que j’ai développé une fois adulte, avec l’expérience et mon retour aux études. Par contre, j’ai toujours été ambitieuse, persévérante et très compétitive, des qualités qu’un bon dirigeant doit posséder.»

Si le leadership se développe, il est aussi possible de surmonter ce fameux syndrome de l’imposteur. Pour désamorcer notre conditionnement, Sylvie Boucher explique qu’il faut d’abord reconnaître que nous souffrons de ce syndrome. «Ensuite, dit-elle, on essaie de devenir un peu plus consciente de nos pensées dévalorisantes, en les observant sans porter de jugement. Lorsqu’elles se manifestent, on se rappelle qu’il s’agit de notre syndrome d’imposteur et non pas de la réalité. Pour se rassurer, on peut aussi valider notre perception de la situation auprès de nos collègues.»

Le jour où j’ai assumé mon leadership, de nouveaux horizons se sont ouverts pour moi. Certains postes de direction, qui n’avaient jamais attiré mon attention jusqu’alors, se sont mis à me faire de l’oeil. À tel point que j’ai lancé ma propre entreprise dans le monde de l’édition. Je suis aujourd'hui déterminée à réussir, plus que jamais.

Danielle Verville est mère de quatre filles, journaliste, auteure et entrepreneure. Elle rêve secrètement d’écrire un livre sur l’enseignement du leadership aux enfants.

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