Psychologie

La psychothérapie: est-ce que ça fonctionne vraiment?

La psychothérapie: est-ce que ça fonctionne vraiment?

  Photographe : iStock

Quand on se sent angoissé, déprimé, dépassé par les événements ou trop éparpillé, on tourne parfois en rond dans notre tête. 

Puis vient l’illumination: il faut prendre rendez-vous avec un psychologue et commencer une thérapie. Mais est-ce que ça fonctionnera vraiment?

 

En mars dernier, Camille, une Montréalaise de 32 ans qui travaille dans le milieu de la publicité, était au bout du rouleau. Pression au travail, horaire surchargé, vie sentimentale anéantie (son copain l’avait quittée sans avertissement).

«Tout a basculé pour moi, nous confie la jeune femme. Moi qui n’avais jamais consulté de psychologue, je me suis dit: “OK, là, ça ne va pas. J’ai besoin de parler, d’être écoutée et d’être aidée. Je ne vois plus clair!”»

Camille a attendu huit mois avant de recevoir un coup de fil de sa clinique médicale: une place s’était libérée dans l’horaire de l’une des deux psychologues rattachées au centre. Or Camille allait mieux.

«On dit que le temps arrange les choses, raconte-t-elle en riant. Dans mon cas, c’est vrai! Je me suis rapprochée de mes parents, j’ai commencé un journal personnel, je me suis remise au sport... et j’ai constaté que j’allais bien, je me sentais correcte. Je n’ai pas pris le rendez-vous.»

 

Problèmes d’accessibilité

Les histoires comme celle de Camille ne sont pas rares. Nombreuses sont les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale — qu’il s’agisse de troubles dépressifs ou anxieux, ce qui représente près de 65% des troubles mentaux au Québec* — et qui n’ont pas accès rapidement à des services pour commencer une psychothérapie. Dans le réseau public, on peut facilement attendre de six mois à deux ans pour obtenir un rendez-vous avec un psychologue.

Il y a présentement 9100 psychologues et 1600 psychothérapeutes dans la province. Depuis juin 2012, la psychothérapie est encadrée par la loi: les personnes qui sont autorisées à la pratiquer doivent détenir une licence. L’Ordre des psychologues du Québec est l’organisme responsable de faire appliquer la réglementation et de délivrer les permis.

«Quelqu’un qui se dit coach ne peut pas prétendre faire une psychothérapie et traiter un cas de détresse psychologique, souligne Christine Grou, psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. C’est illégal et il peut être poursuivi.»

 

La confiance mutuelle

Au-delà de la patience pour obtenir un rendez-vous, le succès d’une psychothérapie repose sur la relation entre le patient et son thérapeute. Dans le jargon du milieu, on parle d’une «alliance thérapeutique», soit un lien de confiance, une sorte de partenariat entre les deux personnes, qui permet d’atteindre les objectifs.

«C’est important de se sentir à l’aise avec son psychologue, dit Mme Grou. Il doit s’agir d’une personne crédible qui ne juge pas et à qui on peut poser des questions.»

Le choix de la personne, plutôt que l’approche choisie ou la technique utilisée, est un facteur déterminant pour la suite des choses. Autrement dit, peu importe le type de psychothérapie (psychodynamique, psychanalyse, humaniste, cognitivo-comportementale, etc.), le bon «fit» entre le patient et le thérapeute est crucial.

Martin Drapeau, psychologue, chercheur et professeur à l’Université McGill, rappelle qu’aucune approche n’est bonne pour tout... et qu’il n’y a pas une thérapie faite pour tout le monde. «Ça dépend de comment la personne fonctionne, dit-il. Un certain degré d’improvisation, de sensibilité et d’adaptation est nécessaire pour établir un bon équilibre et une bonne collaboration entre le patient et le clinicien.

 

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Stratégies et outils

Tout comme Christine Grou, M. Drapeau est convaincu que la psychothérapie fonctionne. «Depuis trois ou quatre décennies, on sait que la psychothérapie est efficace pour traiter des troubles courants, comme la dépression et les troubles de l’humeur, indique-t-il. Elle aide à développer des stratégies, à donner des outils aux personnes.»

Les recherches et analyses sont abondantes sur le sujet... tellement, en fait, qu’on s’y perd. Il en existe des milliers, qui disent tout et son contraire.

Selon un rapport de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux**, de nombreuses études montrent que les différentes formes de psychothérapie sont aussi efficaces que les médicaments pour traiter les troubles mentaux courants. «Elle constitue une meilleure protection contre les rechutes», commente la présidente de l’Ordre des psychologues du Québec.

Selon Serge Larivée, professeur à l’École de psycho-éducation de l’Université de Montréal, une vaste étude française indique que la thérapie cognitivo-comportementale est particulièrement efficace. Elle se placerait avantageusement devant les modèles de thérapie familiale ou systémique, et loin devant la psychanalyse ou l’approche psychodynamique.

 

Freud avait-il tort?

Par contre, Serge Larivée apporte beaucoup de nuances quant à l’efficacité des psychothérapies. «Il y a davantage d’études qui montrent que ça ne fonctionne pas que l’inverse», dit-il. Il cite en exemple le nombre de thérapies existantes, soit plus de 500 modèles différents, pour appuyer son propos: «Si c’est si efficace, pourquoi y en a-t-il autant?»

Sa parole est controversée. Il l’expose plus largement en critiquant la pratique de la psychothérapie contemporaine dans un texte publié dans la Revue québécoise de psychologie***. Il écorche notamment la psychanalyse. «C’est une immense erreur de croire que nos premières expériences façonnent notre personne. Ce n’est pas sérieux», affirme celui qui accorde davantage de crédit aux thérapies centrées sur le moment présent.

Une psychothérapeute d’expérience qui a requis l’anonymat par crainte de représailles de la part de son association professionnelle est du même avis: selon elle, l’effet placebo — ou l’attente, comme celle vécue par Camille — fait autant l’affaire qu’une psychothérapie.

«La psychothérapie, c’est une illusion, lance-t-elle. C’est la grande imposture du 20e siècle. Il n’y a aucune preuve que la psychothérapie a plus de bienfaits que la liste d’attente, le passage du temps ou encore le fait de se confier à un proche ou à la caissière au supermarché. C’est terrible, mais c’est comme ça.»

 

Limites et attentes

Pourquoi cette omerta? «Parce que la psychothérapie, c’est sacré, dit-elle. On vit à une époque où l’on ne peut pas mettre en doute la psychothérapie. Le lobby prothérapie est incroyable! Puis, je pense que les gens aiment être en thérapie. Ils y puisent une certaine gratification, ils y nourrissent leur côté narcissique...»

Les limites de la psychothérapie, du fait de parler à un professionnel, sont-elles atteintes? Démocratisée et libérée de ses préjugés et stéréotypes, la psychothérapie est populaire... et c’est tant mieux, remarque Christine Grou.

«Depuis 20 ans, je pense qu’on a fait œuvre utile en faisant de l’éducation populaire. On a beaucoup travaillé sur la stigmatisation. Ce n’est plus tabou de consulter un psychologue, explique-t-elle. Et l’autre chose qu’on remarque, c’est que les gens sont plus sensibles à leurs émotions. Ils ne consultent pas pour rien: ils souffrent réellement. Ils ont une détresse ou un trouble mental; ils veulent comprendre quelque chose et aller au bout de leur démarche.»

Pour Camille, qui est restée sans consultation malgré elle au début de son mal-être, puis par choix parce qu’elle allait mieux, les choses se sont beaucoup améliorées professionnellement et personnellement. «Il ne faut pas négliger le pouvoir du travail sur soi-même, conclut-elle, ni celui de réaliser, un matin, qu’on va mieux et que, finalement, on va bien!»

 

* Troubles mentaux fréquents: repérage et trajectoires de services, ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, 2021.
** Accès équitable aux services de psychothérapie au Québec, Institut national d’excellence en santé et en services sociaux, 2018.
*** «L’éternel constat des insuffisances scientifiques de la psychologie clinique», Revue québécoise de psychologie, 2021.

 

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