Psychologie

La guerre parents-enseignants, ça suffit!

La guerre parents-enseignants, ça suffit!

istockphoto.com Photographe : istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

Il y a une époque pas si lointaine où l’on donnait à l’école le bon Dieu sans confession. Aujourd’hui, les choses ont changé et c’est tant mieux. Par contre, tous ne s’entendent pas sur la place que devraient occuper les parents à l’école. Et vous?

Qualifier la relation parents-profs de guerre, c'est un peu pousser la note, pensez-vous? Pourtant, le malaise est là, et il est bien palpable. Parlez-en à Danielle Verville. En février dernier, la journaliste, auteure et blogueuse (Madame Unetelle) s'est posée en parent-roi dans un article intitulé Le monarque, c'est moi, publié dans Le Devoir. Son souhait: faire prendre conscience aux parents de la «longueur» de leur bras en qui ce qui a trait à l'école et ouvrir une réelle discussion entre parents et enseignants.

«Je me tournais moi-même un peu en dérision, dit la maman de quatre filles, âgées de 2 à 13 ans. Même si je ne suis intervenue auprès de la direction que deux fois en 10 ans, je ne donne pas pleins pouvoirs à l'école. Je ne suis pas parent-roi au sens de la dictature, mais j'interviens quand je le juge nécessaire. Par exemple, une fois, j'ai questionné un enseignant au sujet d'une note qu'une de mes filles avait eue. Je voulais m'assurer qu'elle n'était pas trop élevée, qu'il avait été suffisamment exigeant. Évidemment, personne ne croit être un parent-roi, mais tous ceux qui font des suggestions, des demandes ou qui implorent la direction de faire des exceptions pour leur enfant croient avoir raison de le faire. Je dirais même que la plupart le font en toute bonne foi.»

Chose certaine, Danielle Verville a touché une corde sensible chez les parents et les enseignants. En effet, les dizaines de commentaires - certains incendiaires - qu'a suscités l'article marquent clairement la zone de tension qui existe entre eux. Un malaise souvent nourri d'incompréhension, de préjugés et même, dans certains cas, d'agressivité.

«Je vois parfois des parents qui sont très intrusifs, qui peuvent, par exemple, remettre en question une note qu'un professeur a attribuée à leur enfant», affirme Nadine, 39 ans, maman d'un garçon de 9 ans et présidente du conseil d'établissement de son école primaire. Des parents qui contrôlent, s'ingèrent, s'imposent et s'insurgent, on en connaît tous. Représentent-ils la majorité? «Dans l'ensemble, je dirais que les rapports entre parents et enseignants sont bons», avance Gaston Rioux, président de la Fédération des comités de parents du Québec. Il admet toutefois que, même s'ils sont loin de représenter la majorité, des parents qui prennent trop de place et veulent tout contrôler, ça existe. déplore-t-elle. Leur premier réflexe est souvent de se demander si on a fait notre job. Avant, ils nous faisaient davantage confiance.» Selon elle, si la plupart des rapports parents-enseignants sont plutôt cordiaux, l'attitude de certains parents reflète un manque flagrant de respect et de reconnaissance. «Je me suis déjà fait dire par des parents comment gérer ma classe, raconte l'enseignante. Et j'ai déjà eu affaire à des parents qui étaient frustrés de ne pas comprendre les questions d'un examen donné à leur enfant.»

Selon Josée Bouchard, certains parents ont l'approche du «client satisfait» envers l'école. «Comme si l'école était une entreprise et que les parents en étaient les clients, explique-t-elle. Mais l'école est un service, et les enseignants sont des professionnels qui ont étudié pour être là où ils sont. Une plus grande valorisation du système scolaire serait nécessaire.»

Mais est-ce une tare de questionner les façons de faire de certains enseignants? «La société a beaucoup changé au cours des dernières décennies, analyse Danielle Verville. La relation entre parents et enseignants n'est plus la même, tout comme celle entre le patient et son médecin ou celle entre le citoyen et les élus.» Les gens, souvent plus informés qu'avant, sont sans contredit plus critiques et exigeants.

«Mais est-ce un tort d'être plus exigeant? questionne Gaston Rioux. Non! Et je ne crois pas que le fait que les parents soient plus exigeants pose problème dans les écoles. Les problèmes, lorsqu'il y en a, surviennent surtout quand parents et enseignants empiètent sur le rôle de l'autre.» Il est néamoins difficile, voire inadmissible, de ne pas intervenir en certaines occasions. Car s'il existe des parents malhabiles dans leur manière d'agir avec les enseignants, il y a également des professeurs dont on est en droit, en tant que parent, de mettre en doute les procédés ou les décisions.

«Bien entendu, les parents doivent demeurer intègres, par exemple en questionnant une action qui va à l'encontre de leurs valeurs», conçoit Anne-Marie Quesnel. Ainsi, le comportement raciste d'un professeur, un manque flagrant de respect envers ses étudiants ou tout autre acte inapproprié exige du parent qu'il réagisse en en parlant avec l'enseignant en question et avec la direction, et en déposant une plainte si la situation le requiert. Toutefois, lorsqu'il est question de pédagogie, plusieurs enseignants se sentent heurtés quand des parents s'improvisent professeurs à leur tour. «Sur les questions de pédagogie, on peut ne pas toujours être d'accord avec les enseignants, mais on doit aussi accepter ça, soutient Marie-Claude Béliveau. Un parent ne devrait pas se mêler de pédagogie ni se substituer à l'enseignant.»

Un principe auquel Brigitte, 40 ans, adhère tout à fait. «Même quand on est plus ou moins d'accord avec un professeur, mon chum et moi, on est portés à appuyer son autorité, dit la maman de deux filles, de 13 et 18 ans. Je n'ai jamais appelé un enseignant pour le blâmer ou le critiquer, juste pour lui poser des questions.» Selon elle, il est important de relativiser: si un enfant éprouve des difficultés avec un enseignant ou si les parents jugent que tel prof est plus ou moins doué, la situation est rarement dramatique. Il y a peu de risques que cela handicape le reste de la vie de l'enfant. «Quand une de mes filles a une relation difficile avec un professeur, je lui dis que, dans la vie, elle rencontrera d'autres personnes avec qui elle éprouvera des problèmes. Cela fait partie de la vie et elle doit apprendre à gérer cela», avance-t-elle.

Le parent à l'école, quelle est sa place?

Bien qu'il n'existe pas de politique officielle quant à la place que devraient occuper les parents à l'école, Josée Bouchard soutient que l'implication des parents est toujours favorable. Est-elle toujours bienvenue? «La plupart du temps, oui, affirme-t-elle. Mais c'est vrai aussi que certains enseignants sont peu coopératifs.» Mélanie atteste: «Oui, il y a des profs qui évitent le plus possible les contacts avec les parents.» Entre autres, parce qu'ils craignent que ces derniers ne prennent trop de place et ne s'ingèrent dans leur travail. Ce qui, en retour, peut causer des frictions avec les parents qui souhaiteraient plus de transparence.

Cela dit, bon nombre d'enseignants ne sont pas réfractaires à l'implication des parents. Au contraire. Surtout si cette implication se traduit par une présence positive et un travail de collaboration. «Mon approche avec les enseignants a toujours été de dire: "Je veux aider mon enfant. Qu'est-ce que je peux faire?", explique Nadine. Les profs sont réceptifs quand on les approche avec respect, pas en leur disant quoi faire ou en les critiquant.»

Bien sûr, tous les parents veulent aider leurs enfants et contribuer à leur succès scolaire, mais les moyens d'y parvenir peuvent être bien différents. Certains ont tendance à surveiller leur progéniture de près (trop?). «Par exemple, il y a des parents qui remettent en question un devoir ou une conséquence qu'a reçue leur enfant, illustre Anne-Marie Quesnel. Or, en faisant cela, je trouve qu'on déresponsabilise l'enfant.»

Les bouleversements qu'a subis la famille ces dernières années (familles peu nombreuses, éclatées, reconstituées, monoparentales, etc.) expliquent sans doute, en partie du moins, cette volonté de défendre nos enfants, peut-être parfois plus qu'il ne serait nécessaire. Évidemment - et heureusement! -, la plupart des parents le font sans montrer les dents! «Mais à vouloir éviter à notre enfant d'affronter les petites injustices qu'il peut vivre à l'école, les conséquences de ses gestes et les difficultés qu'il peut rencontrer, on renforce son lien de dépendance envers nous et on ne favorise pas son autonomie», explique Marie-Claude Béliveau. Comme lorsqu'un parent se fait un point d'honneur de s'asseoir avec son enfant chaque soir pour faire ses devoirs avec lui. «Certains parents valorisent leurs compétences parentales en entrant dans une sorte de compétition avec les professeurs, remarque la pédopsychologue. Si notre enfant nous demande de l'aide, on peut bien sûr l'aider, mais on ne fait pas ses devoirs à sa place.» Éducateurs, accompagnateurs, les parents marchent bien souvent sur une frontière bien mince entre leur rôle et celui des professeurs. «Même si c'est plus facile à dire qu'à faire, l'idéal est de préserver une juste distance avec l'école, dit Marie-Claude Béliveau. Collaborer, oui, mais sans trop se mêler de l'aspect pédagogique.»

Pour une bonne relation parents-enseignants

Le mot magique? Collaboration. «La collaboration entre parents et enseignants est essentielle, insiste Gaston Rioux. Les parents peuvent amener leurs idées, participer lors des rencontres prévues à l'agenda scolaire en posant des questions, en s'informant du projet éducatif de l'école, etc.» Cependant, il reconnaît qu'il est parfois difficile de convaincre les parents de l'importance de s'impliquer à l'école, convenant d'un même élan que, dans notre société au rythme effréné où bien souvent les deux parents travaillent, il n'est pas toujours facile de se libérer comme on le voudrait.

Il faut aussi que la direction et les enseignants soient ouverts à cette participation des parents. «Les profs doivent avoir conscience de l'importance d'impliquer les parents, que ça fait partie de leur rôle», souligne Rollande Deslandes. Un rôle déjà bien chargé, surtout que, depuis quelques années, les enseignants doivent superviser des classes nombreuses où les enfants avec diverses problématiques sont désormais accueillis.

Reste que plusieurs parents interrogés conviennent des avantages qu'il y a à s'impliquer. «Même quand ça va bien, on assiste aux rencontres avec les professeurs, raconte Brigitte. Et je me suis aussi souvent impliquée dans les sorties parascolaires. Ça aide à développer de bonnes relations avec les enseignants et à faciliter les discussions.»

Ainsi, si un problème surgit, l'idéal est de ne pas attendre et de tenter de le régler sans tarder avec l'enseignant. Poser des questions, écouter les réponses, donner respectueusement notre point de vue et chercher une solution ensemble. Il peut arriver que la présence d'une tierce personne, souvent la direction, soit utile à titre de médiateur. Dans certains cas, on doit en référer auprès de la commission scolaire ou du protecteur de l'élève, une personne indépendante affiliée à chaque commission scolaire pour traiter les plaintes.

Autres mots d'ordre: communication et respect. «Parents et enseignants ont parfois tendance à se juger mutuellement», note Marie-Claude Béliveau. Un point avec lequel Danielle Verville est tout à fait d'accord. «Ce n'est pas parce qu'un enseignant a fait une faute de français dans une communication écrite qu'il est incompétent. L'erreur est humaine. Et ce n'est pas parce que mon enfant est anxieux que je suis une mère trop performante ou parce qu'il est turbulent que je suis trop laxiste à la maison!»

Idéalement, si les deux parties comprenaient mieux la réalité de l'autre, sans doute seraient-elles portées à freiner certains jugements. «Les profs éteignent constamment des feux, les parents sont super-occupés; on exige énormément des deux côtés, soutient Rollande Deslandes. Au fond, ce dont ont besoin les parents et les enseignants, c'est de reconnaissance et de confiance l'un envers l'autre.» Car entre les parents insupportables et les enseignants intraitables se trouve la majorité d'entre nous: des gens qui ont à coeur le bien-être, le succès et le bonheur de leurs enfants. Tous animés de bonnes intentions, on peut espérer que nos actions convergent vers cet objectif. «Lorsque la relation des parents avec leurs enfants est bonne, cela facilite la relation que ces derniers ont avec les professeurs. Et le rapport parent-enseignant en bénéficie en retour. Tout est relié», conclut Rollande Deslandes .

Pour aller plus loin

  • Au retour de l'école - La place des parents dans l'apprentissage scolaire, par Marie-Claude Béliveau, Éditions du CHU Sainte-Justine, 2012, 272 p., 14,95$.
  • Parents essoufflés, enseignants épuisés, par Anne-Marie Quesnel, C.A.R.D., 2013, 183 p., 19,95$.

 

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