Psychologie

La famille des toxicomanes et alcooliques: ces grands oubliés de la maladie

La famille des toxicomanes et alcooliques: ces grands oubliés de la maladie

Nous sommes en plein cœur du Vieux-Montréal, presque au coin McGill et Notre-Dame, un «hot spot» de la ville où les bars, restos et clubs débordent de gens qui veulent faire la fête, boire un coup, célébrer et qui sait, peut-être même faire une ligne de coke dans les toilettes avec leurs amis. 

Ironiquement, à quelques mètres de là, des gens luttent contre l’alcoolisme et la toxicomanie. Situé sur une rue paisible dans l’ancien couvent des sœurs grises, ce lieu de bataille, c’est la Maison Jean Lapointe. 

Au sous-sol, d’autres types de guerriers mènent aussi leur propre combat contre la maladie. Ce sont la famille et les proches des résidents de la Maison Jean Lapointe, des humains qui subissent les dommages collatéraux de la toxicomanie et de l’alcoolisme.  

Bienvenue au PAF, le Programme d’Aide aux Familles. 

 

Les mamans ou vivre dans la peur du pire 

Manon est âgée dans la fin quarantaine et est maman de six beaux enfants âgés entre 8 et 21 ans. Manon est là pour sa fille, qui tente de se relever après avoir frayé avec les gangs de rue et la toxicomanie. Difficile de rester stoïque en écoutant Manon raconter son fond de baril à elle, impuissante devant le viol collectif que sa fille a subi. Difficile aussi de ne pas être ému par la résilience de cette mère, prête à tout pour protéger sa fille, malgré une relation houleuse. Pour Manon, le Programme d’Aide aux Familles est un mode de vie, une façon de ne pas craquer, une boussole dans le néant.  

Le PAF, comme ils l’appellent, c’est aussi un endroit où chercher le support et l’écoute que seuls ceux qui vivent avec une personne malade peuvent offrir.  

Il y a aussi Danielle, dans la soixantaine, qui raconte, épuisée, l’impact des frasques de son fils de 44 ans sur sa vie. Danielle est en colère, on le sent, mais aussi extrêmement triste de devoir encore se battre contre quelque chose de plus fort qu’elle. On sent qu’elle souhaite un répit, une prise de conscience de son fils qui ne viendra sans doute jamais.   

 

Les conjoints et conjointes, ces codépendants qui se sont oubliés 

La codépendance est un terme assez méconnu chez le commun des mortels, mais qui existe bel et bien dans ces relations qu’entretiennent ou ont entretenues trop longtemps, bien souvent au risque de leur propre perte, ces personnes qui vivent avec une personne alcoolique ou toxicomane. Ils sont loin de l’image stéréotypée qu’il vous vient en tête du chum ou de la blonde eux aussi «fuckés». Ils sont vous et moi, identiques, intelligents, autonomes et sensibles. Ils sont amour et en payent le prix. 

Pourquoi je reste ?  

C’est ma responsabilité, je vais le sauver !  

Qu’est-ce que j’ai fait de pas correct? 

La codépendance empoisonne la vie de ces +1 et fait en sorte que ces douces moitiés perdent justement leur propre moitié pour ne faire qu’un avec la maladie. 

Par exemple Audrey, début vingtaine, qui a vu son chum et le père de son enfant s’enfoncer sous ses yeux, avant de se reprendre en main. Même chose avec Simon et sa blonde alcoolique qui buvait dès 7h AM en cachette, pour calmer son anxiété.  

Il y a sinon Julie, une maman de trois enfants, qui était en couple avec un manipulateur narcissique cocaïnomane. C’est lors d’un de ses délires paranoïaques qu’elle s’est sauvée en pleine nuit avec ses enfants.  

 

Les papas, ces Titanics en plein naufrage 

Ils sont grands, fiers, ont du succès dans leurs affaires, une femme et des enfants. L’image de la réussite, sauf quand on creuse un peu. Michel et Gilles souffrent malheureusement d’un fils toxicomane et d’une relation père-fils brisée. 

Ces hommes que nous avons rencontrés sont nos pères, nos frères, des hommes qui ne pensaient jamais devoir venir passer des heures dans le sous-sol de la Maison Jean Lapointe à se vider le cœur. Pas facile pour certains hommes d’une autre génération, mais force est d’admettre que le processus est libérateur. Michel et Gilles ont tous les deux un fils toxicomane qui ont fait de la prison. Leurs parcours similaires les unis. 

Ces papas doivent aussi supporter le reste de la famille, être le pourvoyeur, mais aussi le socle, même au bout du rouleau et à court de ressources. Grâce au PAF, ils ont finalement compris qu’ils ne sont pas des docteurs, mais plutôt des malades, qu’ils ont besoin d’aide.  

Ils sont encore fragiles, on le sent.  

«Je n’ai pas coupé le cordon, c’est vrai, mais je ne pourrais pas l’avoir 24h sur 24 chez nous, je ne pourrais pas». 

Assis là, devant ces héros modernes, en croisade contre la maladie de leur proche, mais aussi en reconstruction de leur amour propre et de leur vie, tout est clair: on n’est pas à l’abri de devenir un participant du PAF. Personne. 

Pourquoi? Car on aime, car on a des enfants, des chums, des blondes, des frères et sœurs, des amis et qu’on ne peut pas avoir le contrôle sur leur vie et leur maladie, leurs blessures et leur passé. On ne peut pas se protéger contre leur Godzilla intérieur. On sait seulement qu’on aime ces personnes et qu’on veut leur bien, jusqu'à parfois oublier le sien. 

Pour en savoir plus sur le programme dû d’aide aux familles (PAF), c’est ICI

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