Psychologie

Étudiants en médecine: la permission d'être au bout du rouleau...

Billet de blogue par
Étudiants en médecine: la permission d'être au bout du rouleau...

  Photographe : Shutterstock

La semaine dernière, dans La Presse: une lettre ouverte d’un étudiant en médecine qui lançait un S.O.S.. Une collègue résidente en médecine avait mis fin à ses jours, en dépression majeure, ensevelie par ses études. Aveuglée par la pression et le mal de vivre, elle n’a jamais pu apercevoir des solutions. À la fin de mon cégep en 2008, j’ai deux amis qui ont poursuivi leurs études en médecine. La première, Marie-Pier, a traversé cinq années d’étude, d’insomnie, d’examens de par cœur, d’examens pratiques, de livres très épais à connaître sur le bout des doigts, et ce, en faisant preuve de compassion, d’humanité et patati et patata. Quand tu es dans les souliers de Marie-Pier, chaque année, c’est certain que tu te remets en question. C’est sûr que tu te demandes si tu es capable d’affronter une autre année aussi difficile. Tu renouvelles chaque fois le choix de ne pas avoir le temps de faire du sport, de voir ta famille et de t’inscrire à des cours de peinture. Chaque fois, elle a mesuré les sacrifices, mais elle se disait qu’en donnant un peu plus d’énergie encore, tout le reste en vaudrait bien la peine. À l’automne 2013, au début de sa résidence, Marie-Pier pleurait toutes les larmes de son corps au bout du fil, tous les soirs. Je l’écoutais. Ses parents l'écoutaient. Le seul conseil que je pouvais lui donner, c’était de partir. Partir malgré l’opinion des autres, partir malgré le temps «perdu» en médecine (mais perd-on vraiment son temps dans la vie?), partir malgré la dette d’étude astronomique, partir parce que c’est trop lourd, qu’il n’y a plus de plaisir et que la pression finira par avoir raison de soi. Elle a quitté pour recommencer ailleurs. Dans deux ans et demi, elle sera pharmacienne. Elle a cessé de pleurer. L'histoire finit bien pour Marie-Pier, mais qu'en est-il de la majorité?

Les statistiques parlent d’eux-mêmes, un étudiant en médecine sur cinq a déjà songé au suicide. La Fédération des médecins résidents du Québec a soutenu la semaine dernière que plus d’efforts de sensibilisation pourraient être faits. Les futurs médecins sentent que leur carrière (dans laquelle ils ont investi leur corps, leur âme et leur tête depuis maintes années) est en péril s'ils osent démontrer un signe de faiblesse. C’est inconcevable de savoir que ceux qui sauvent nos vies tous les jours sont plus nombreux à songer à mourir. Ceux qui réaniment les cœurs qui cessent de battre sont plus enclins à mettre leur vie à off. Réagissant au dossier de La Presse sur la détresse psychologique chez les médecins, le ministre de la Santé, Gaétan Barrette a affirmé que les médecins résidents ne subissaient pas trop de pression et que la pression vécue aujourd'hui était vraiment moindre que ce qu'elle était il y a 15 ans. «C'est beaucoup, beaucoup plus accommodant aujourd'hui», à son avis. C’est certain qu’on doit évaluer les étudiants en médecine et tester leurs connaissances pour s’assurer que ceux qui nous soigneront seront aptes à le faire. Toutefois, ces évaluations ne doivent pas se faire au détriment de l’humain évalué. Ce n’est pas vrai qu’un être humain peut travailler 13 heures par jour, étudier durant 20 heures par semaine, manger et dormir de temps en temps et être sous évaluation perpétuelle pendant tout ce temps-là. Ce n’est pas parce que tu étais premier de classe toute ta vie que tu peux passer à travers ça. Quand le ministre Barrette dit que la pression sur les aspirants médecins est moins grande aujourd’hui qu’il y a quinze ans, ça équivaut à dire aux jeunes «c’est à votre tour de passer à travers le calvaire que j’ai vécu». Mais le calvaire est-il nécessaire ?

En affirmant qu’on en fait déjà assez pour aider les futurs médecins, c’est aussi l’équivalent de dire «vous voyez, il y a moins d’accidents de la route aujourd’hui qu’il y a 15 ans, alors on va arrêter de prévenir la vitesse, la fatigue et l’alcool au volant». Cette analyse de M. Barrette est le plus triste des sophismes. Et que dire de la suite? L’étudiant en médecine deviendra un médecin. Un médecin probablement déjà épuisé. Avec le projet de loi 20 visant à augmenter le nombre de patients par médecin de famille, combien seront-ils à endurer l'envie dévorante de quitter? Mon deuxième ami qui a entrepris des études en médecine, Antony, en est actuellement à sa deuxième année de résidence pour devenir médecin spécialiste. Il se porte bien, mais me parle constamment de la pression. Quand on se battait pour être premiers de classe au cégep, c’était une chose. Ici, Antony se bat contre une marée humaine de premiers de classe. Pas seulement pour réussir tous les examens, mais également pour se démarquer parmi tous les autres EXCELLENTS résidents qui veulent tous être celui ou celle qui aura les bons mots des patrons, et plus sérieusement, l’emploi désiré par la suite. Quand je lui dis «je n’arrive pas à croire que vous soyez sains d’esprits», il me répond «le sommes nous vraiment?». Je me demande parfois ce qui serait arrivé à mon amie Marie-Pier si elle n’avait pas trouvé le courage de changer de parcours. Serait-elle encore en larmes au bout du fil? Serait-elle encore là? On ne peut pas mettre une montagne sur les épaules des médecins et des futurs médecins sous prétexte qu’ils doivent donner un rendement à la hauteur de ce que l’État réclame. Peut-on s’entendre sur le fait qu’il y a d’abord un humain derrière chaque sarrau blanc? 

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