Psychologie

Être heureux sans croire

Être heureux sans croire

� Istockphoto.com Photographe : � Istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

« L'écrivaineNancy Huston a écrit, dans son essai intitulé L'Espèce fabulatrice, que les gens ont besoin de croire pour êtreheureux. C'est pourtant faux. Le bonheur n'est pas lié au degré de croyanced'une personne, selon les études scientifiquesqui ont été faites sur cette question », affirme Claude M. J. Braun,professeur de neurosciences cognitives à l'Université du Québec à Montréal.

DanielBaril, anthropologue et journaliste scientifique, n'est pas surpris de laquestion. « J'ai souvent perçu que les gens doutent qu'on puisse être heureuxet athée. En fait, beaucoup croient qu'on ne peut pas être vraiment athée.Dans leur esprit, c'est impossible de ne pas croire en un dieu. » Cecidit, l'anthropologue admet avoir déjà envié les croyants. « La vie estpeut-être plus facile quand tu peux t'appuyer sur la foi... La religion peutservir de béquille face aux épreuves de la vie ».

Puis, ilajoute: « J'ai souvent entendu des gens dire : « Pourquoi lesathées ne se suicident-ils pas puisqu'ils n'ont pas l'espoir qu'il y a quelquechose après la mort? » Ce à quoi je réponds : Mais alors pourquoi lescroyants ne souhaitent-ils pas mourir tout de suite si ce qui les attend aprèsest si beau? ».

Croire donnerai un sens à la vie

Lepsychologue Michel R. Campbell s'est intéressé à la psychologie de la foi.Selon lui, il ne fait aucun doute que croire en un être suprême puisse avoirune influence positive sur le bien-être personnel. « Croire en un dieudonne de l'espoir dans les moments difficiles. Ça permet aussi d'atténuerl'anxiété existentielle. Ça donne un sens à la vie, ce qui est rassurant. Lescroyances, c'est quelque chose d'émotif et non de rationnel », observe-t-il.

Qu'enest-il des athées, alors? « Ils se retrouvent face à un vide quant au sensde la vie. Ceci dit, ce n'est pas tout le monde qui est mal à l'aise avecça », note-t-il. Michel R. Campbell souligne qu'il n'est pas nécessaired'avoir la foi pour avoir des valeurs, « mais que le fait de croire donneun sens à celles-ci ».

A-t-ill'impression que, à une époque où les églises se sont vidées, les psychologuesont en quelque sorte remplacé les curés? « D'une certaine manière,peut-être que oui. Le rôle des psychologues est d'amener les gens à sequestionner sur ce qu'ils vivent et à atteindre un plus grand bien-être. Mais,à la différence des curés, les psychologues ne sont pas là pour prôner lesvaleurs spirituelles », tient-il à préciser.

Un malaise bien présent

DanielBaril est conscient du malaise qu'il crée parfois lorsqu'il révèle qu'il estathée. « Pour ceux qui ont été élevés dans la religion - c'est le casde bien des Québécois -, dire qu'on est athée constitue en quelque sorteune rupture avec le clan. Ça vient briser quelque chose qui fait partie del'identité familiale. » L'auteur du livre Heureux sans Dieu a observé, au fil des années, que l'athéismepeut-être dérangeant, voire insécurisant. « Pour certains croyants, lefait de voir quelqu'un d'équilibré et heureux qui ne croit pas en un dieu,c'est déstabilisant parce que pour eux, la vie n'aurait pas de sens s'il n'yavait pas d'éternité. »

Voilàpourquoi affirmer êtreathée est délicat, voire tabou. Et qu'en est-il des jeunes, qui semblent sedétourner de plus en plus de la religion? Peut-on envisager une hausseimportante de la proportion d'athées dans un futur rapproché?« Personnellement, je crois que les jeunes sont plus indifférents à laquestion religieuse qu'ils ne sont réellement athées », estime Daniel Baril.

Lors durecensement canadien de 2001, 415 000 Québécois se sont déclarés athées.Un chiffre qui serait bien en-deçà de la réalité, selon plusieurs. « Ilfaut dire que sur le questionnaire du recensement, l'athéisme ne faisait mêmepas partie des choix. Il fallait l'écrire soi-même dans « autre », àla catégorie religion », fait remarquer Daniel Baril. Si l'athéisme estbien présent dans notre société, pourquoi en entend-on si rarement parler? « Étantdonné que l'athéisme n'est pas une croyance, il est souvent perçu comme uneabsence de point de vue. On ne juge donc pas important de le considérer... »

 

Suggestions de lectures

Heureux sans Dieu, sous la direction deDaniel Baril et Normand Baillargeon (2009). vlb éditeur, 176 pages.

Québec athée, Claude M. J. Braun (2010). ÉditionsMichel Brûlé, 472 pages.

Cours d'Éthique et de culture religieuse

S'il estun programme scolaire qui a fait couler beaucoup d'encre et soulevé son lot decritiques, c'est bien celui d'Éthique et de culture religieuse, implanté dansles écoles primaires et secondaires depuis septembre 2008. Le controverséprogramme, que plusieurs ont qualifié de « cours d'accommodementsraisonnables 101 », a remplacé les traditionnels programmes d'enseignementreligieux catholique et protestant et d'enseignement moral. L'objectif: ouvrirles jeunes à la diversitéreligieuse.

On y enseigne les grandes religions, en plus d'aborder degrandes questions étiques, telles que la liberté ou la justice. On s'en doute,l'athéisme n'est pas à l'horaire. Le ministère de l'Éducation avait d'ailleursaffirmé, au moment du lancement du programme, que ce mouvement ne serait pasune option retenue et étudiée.

 

Petit guide des croyances

Quelle estla différence entre un agnostique et un déiste? Entre un athée et un incroyant?Question de démêler tout ça, voici les définitions de ces termes, qui nousparaissent parfois flous mais qui représentent néanmoins des réalités biendifférentes.

Athéisme: les athées nient l'existence d'un dieu oud'une quelconque divinité.

Agnosticisme: les agnostiques, quant à eux,soutiennent que nos connaissances ne nous permettent ni d'affirmer nid'infirmer l'existence d'un dieu. Ils sont donc sceptiques face à tout ce quiconcerne la théologie.

Déisme: les déistes croient en l'existence d'un Dieucréateur, mais rejettent pour la plupart les références à des révélations(prophéties, miracles, etc.) Les déistes prônent une expérience individuelle dela religion, qui ne repose pas sur une tradition particulière.

Incroyant: les incroyants n'ont pas de foi religieuse,tout simplement. Cela ne signifie pas toutefois pas nécessairement qu'ils nientl'existence d'un dieu, comme c'est le cas pour les athées.

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