Psychologie
Être athée au Québec: encore un tabou
� Istockphoto.com Photographe : � Istockphoto.com
Dire qu'on est athée, au Québec, c'est un peu comme parler de son salaire. C'est tabou. » Dans la mêlée des accommodements raisonnables, on s'est beaucoup questionné sur la religion au Québec. Mais qu'en est-il de ceux qui ne croient pas en un dieu?
Tabou, l'athéisme?
C'est ce qu'affirme Claude M. J. Braun, professeur de neurosciences cognitives à l'Université du Québec à Montréal. « Il y a quelques années, lorsque le ministre de l'Éducation a lancé le nouveau programme d'Éthique et de culture religieuse pour les élèves du primaire et du secondaire, le mouvement laïque a demandé: « Est-ce que ce sera possible de parler d'athéisme dans ce cours, qui n'en faisait alors aucune mention? » Le sous-ministre nous a répondu : « On n'en parlera pas dans ce cours. C'est tabou. » »
« Évidemment, on ne risque pas l'écartèlement ou la prison si on se dit athée!, précise-t-il en riant. Sauf que ça demeure un petit peu tabou... » Pour le psychologue, il s'agirait là de l'héritage de notre passé (pas si lointain) religieux. « C'est culturel. Il n'y a pas si longtemps, tout le monde allait à l'église. La majorité des Québécois se disent encore catholiques. Ceux qui ne le sont pas s'imposent parfois une petite autocensure. Pour ne pas faire de peine à leurs parents croyants, par exemple... »
Claude Braun sait de quoi il parle. Élevé dans une famille catholique, il a été enfant de chœur dans sa jeunesse. Ses parents sont très croyants. « Je ne leur ai même pas parlé du livre que j'ai écrit (Québec athée, paru au printemps 2010), par peur de les blesser », confie-t-il. C'est à la puberté que le jeune homme a commencé à se questionner sur l'existence de Dieu. « Mes études en neuropsychologie n'ont fait qu'enfoncer le clou dans le cercueil. », raconte-t-il. Aucun événement particulier, donc, ne l'a fait changer de camp. « Je suis devenu athée par moi-même, à la suite de grandes réflexions personnelles et à de nombreuses lectures scientifiques. »
Science versus religion
On serait porté à croire que la religion recule au même rythme qu'avance la science. Faux, affirme Claude M. J. Braun, qui se dit lui-même déçu du peu d'intérêt des Québécois pour la science moderne. « Selon un sondage, 27 % des Québécois ne croient même pas à la théorie évolutionniste! », s'exclame-t-il. Selon le psychologue, les mécanismes psychiques de plusieurs d'entre nous se refuseraient à l'idée qu'il n'existe pas d'âme immortelle.
Daniel Baril, anthropologue et journaliste scientifique, abonde dans le même sens. « Les États-Unis sont un des pays où la science est la plus avancée, ce qui n'empêche pas qu'il y a là-bas un fort mouvement créationniste », observe-t-il. Paradoxal, oui, mais tout de même compréhensible. « La science ne répond pas au besoin auquel répond la religion, soit celui de trouver un sens à l'existence du monde », souligne-t-il.
Daniel Baril a déjà été croyant. « J'ai cessé d'être pratiquant le jour où je me suis confessé d'avoir fait du necking, raconte-t-il dans son livre, Heureux sans Dieu. J'avais 13 ans. Le prêtre m'avait donné deux dizaines de chapelets et deux chemins de croix à faire. Je me suis senti tellement ridicule d'avoir raconté ça à un prêtre, surtout que j'avais la ferme intention de recommencer. » L'adolescent qu'il était alors n'est pas devenu incroyant tout de suite. Curieux de nature, il a toujours cherché des réponses à ses questions existentielles. « Quand j'ai compris que la religion n'était basée sur rien de rationnel, je suis devenu athée. C'était vers la fin de ma vingtaine », se rappelle-t-il.
Y a-t-il un tempérament athée?
À l'instar de Claude M. J. Braun et Daniel Baril, nombreux sont les athées qui ont déjà été croyants, dans leur jeunesse et parfois même jusque tard dans leur vie. Mais qu'est-ce qui fait qu'une personne en vient, un jour, à ne plus croire en un dieu? Y a-t-il une personnalité, des traits communs à tous les athées?
« Il y a une incroyable diversité d'individus parmi les athées, mais tous ont une idée commune: Dieu n'existe pas », commente M. Braun. Celui-ci remarque que les personnes athées ont toutes des tendances sceptiques. « Leurs croyances doivent s'appuyer sur des faits », note-t-il. Le tempérament athée, selon lui, se caractérise par un esprit critique, terre-à-terre, scientifique, et l'acceptation de l'idée de la mort, celle de disparaître à tout jamais.
Agnosticisme, déisme, athéisme, etc.
Quelle est la différence entre un agnostique et un déiste? Entre un athée et un incroyant? Question de démêler tout ça, voici les définitions de ces termes, qui nous paraissent parfois flous, mais qui représentent néanmoins des réalités bien différentes.
Athéisme: les athées nient l'existence d'un dieu ou d'une quelconque divinité.
Agnosticisme: les agnostiques, quant à eux, soutiennent que nos connaissances ne nous permettent ni d'affirmer ni d'infirmer l'existence d'un dieu. Ils sont donc sceptiques face à tout ce qui concerne la théologie.
Déisme: les déistes croient en l'existence d'un Dieu créateur, mais rejettent pour la plupart les références à des révélations (prophéties, miracles, etc.) Les déistes prônent une expérience individuelle de la religion, qui ne repose pas sur une tradition particulière.
Incroyant: les incroyants n'ont pas de foi religieuse,
tout simplement. Cela ne signifie pas toutefois pas nécessairement qu'ils nient
l'existence d'un dieu, comme c'est le cas pour les athées.
Suggestions de lectures
Heureux sans Dieu, sous la direction de Daniel Baril et Normand Baillargeon (2009). vlb éditeur, 176 pages.
Québec athée, Claude M. J. Braun (2010). Éditions Michel Brûlé, 472 pages.
Saviez-vous que :
Selon plusieurs études, c'est en Suède que le taux d'athéisme serait le plus élevé?