Psychologie
Édito novembre 2016: Dilemme techno
Photographe : istockphoto.com
Côté techno et réseaux sociaux, dans quel camp vous rangez-vous? Ceux qui jugent que Facebook annonce la fin de l’humanité et ne veulent rien savoir d’y participer? Ceux qui se sentent physiquement mal quand la charge de leur téléphone descend en bas de 20 %? Ceux qui oscillent entre «une chance que ça existe, ces trucs-là» et «je ne peux pas croire que je viens de perdre une heure à regarder des vidéos insignifiants»?
Pour ma part, la réponse serait... toutes ces réponses. Ça me donne le vertige de penser qu’une poignée d’entreprises détiennent un tel pouvoir sur nos vies. Mais c’est un fait que je me sens toute nue quand je n’ai pas mon cellulaire à portée de main (c’est lié à mon stress qu’il arrive quelque chose à mes enfants en mon absence: être joignable en tout temps calme mon angoisse). Je vois régulièrement des gens vivant un moment difficile se sentir mieux après avoir reçu via les réseaux sociaux une vague d’encouragements virtuels qu’il aurait été difficile de créer autrement. Mais je suis aussi souvent découragée de constater que ces mêmes réseaux encouragent la propagation d’idées fausses, de préjugés, de propos grossiers et d’une invraisemblable quantité de niaiseries.
Peut-être que, dans 30 ans, nos petits-enfants riront de notre maladresse actuelle à apprivoiser ces technologies qui modifient nos comportements à la vitesse grand V. Auront-ils peine à croire qu’il fut un temps où il fallait faire des campagnes publiques pour décourager les gens de texter au volant, comme il nous paraît aujourd’hui une hérésie d’avoir fait de la route pas attachés, avec des parents fumant sur le siège avant? Peut-être seront-ils amusés de songer qu’on a présentement besoin d’un appareil pour accéder à la grande toile qui relie la planète? Dans un troublant roman islandais publié récemment (LoveStar, par Andri Snær Magnason, Alto), où l’action se situe dans un futur proche, les humains sont branchés sur le réseau directement à partir de leur cerveau. Ils ont le choix de refuser le service, mais comme toute leur vie est gérée en ligne (de leur compte de banque au robinet de leur douche), bonne chance à ceux qui préfèrent rester déconnectés...
Entre les zombies scotchés à leur écran du matin au soir et les irréductibles qui ont juré de rester purs et sans techno jusqu’à la mort, on est plusieurs à chercher le juste milieu. Je ne veux pas renoncer à savoir en temps réel s’il y a un bouchon de circulation sur mon chemin; je veux pouvoir texter «Me semble que je mangerais des chips...» à mon chum parti à l’épicerie; je veux être là quand une fille que j’adore et que je n’ai pas vue depuis trois ans annonce qu’elle est atteinte d’un cancer. D’un autre côté, je ne veux pas que mes enfants aient l’impression de compétitionner avec mon téléphone pour avoir mon attention; je ne veux pas me faire bouffer mon temps libre par du fastfood pour le cerveau; je ne veux pas perdre ma capacité à simplement laisser mes pensées errer cinq minutes en attendant en ligne quelque part.
Comme la majorité d’entre nous, je tâtonne présentement pour trouver l’équilibre. La plupart du temps, je me trouve assez bonne. Mais si vous me voyez jouer à un jeu débile sur mon téléphone dans le métro vers 17 h, ne me jetez pas de pierres; c’est parce que la journée a été dure...
Claudine St-Germain
Rédactrice en chef
Novembre 2016