Psychologie
Édito mars 2017: Plus de psycho, moins de curcuma
Photographe : istockphoto.com
Durant ma carrière de journaliste à Coup de pouce, j’ai écrit beaucoup de reportages sur la nutrition, ce qui m’a fait passer de pratiquement ignorante du sujet à quasi experte. Les types de gras, les sources d’antioxydants, les méfaits du sucre et les bienfaits des grains entiers, je maîtrise.
En principe, ces connaissances devraient faire de moi une personne à l’alimentation parfaite. Hélas, entre la théorie et l’assiette, il y a une réalité très embêtante: la vraie vie. Et dans cette vraie vie, je suis quelqu’un qui a toujours trouvé les lunchs déprimants (peut-être à cause des sandwichs pain blanc + poulet pressé, qui étaient la norme dans les années 1980). Alors, je vais trop souvent me chercher un dîner au resto. Au moins deux fois par année, je prends la résolution de changer cette mauvaise habitude. Ça fait 20 ans que ça dure... Et je n’ai pas encore réussi.
Je suis l’illustration parfaite que, pour bien manger, être informé ne suffit pas. Trop de facteurs entrent en jeu: notre état émotionnel, notre entourage, notre rythme de vie... Ce n’est pas parce que je pense que le chocolat est nécessaire à ma santé que j’en mange après une journée difficile; c’est parce que ma tête le réclame. Et ce n’est pas parce que je considère que la pizza est un excellent choix de souper qu’on en commande le vendredi soir; c’est parce que, rendus à la fin de la semaine, on manque d’énergie pour cuisiner un autre repas. Nous sommes des humains imparfaits qui font leur possible et, parfois, faire notre possible implique plus de matières grasses que recommandé.
Ce qui ne devrait pas pour autant nous empêcher de tenter d’améliorer les choses. Au contraire, peu importe notre âge, c'est toujours une bonne idée de manger plus de légumes et moins de sucreries. Mais s’il est une vérité que j’ai retenue de tous les reportages que j’ai écrits et lus, c’est celle-ci: quand on veut améliorer son alimentation, il est plus efficace de réfléchir aux raisons qui nous poussent à manger tel ou tel aliment que de calculer calories, glucides et lipides.
Ce n’est pas la première fois que vous lisez ce conseil? Évidemment: les diététistes le répètent sur tous les tons depuis au moins 15 ans. Pourtant, bien peu de gens l’appliquent. Pourquoi? Probablement parce que, même si c’est simple à dire, c’est très difficile à mettre en pratique.
En ce mois officiel de la nutrition, je fais le souhait qu’on s’éloigne un peu des molécules et qu’on s’intéresse davantage à l’humain dans son ensemble. Pourquoi sent-on le besoin de manger en regardant la télé? De quelles façons le marketing alimentaire influence-t-il nos choix à l’épicerie? Comment changer la relation amour-haine que plusieurs entretiennent avec la nourriture? Si on veut mieux manger, collectivement, il me semble qu’on devrait parler davantage de psycho, et moins de curcuma.
Sur ce, je m’en vais me chercher un lunch. Sera-t-il santé ou pas? Ça va dépendre des petites voix qui s’agitent en moi («La semaine a été dure, tu mérites une récompense!», «Arrête de manger tes émotions!)... Mais si j’emprunte le mauvais chemin, ce sera en toute connaissance de cause.
Claudine St-Germain
Rédactrice en chef
Mars 2017