Psychologie
Détresse psychologique et suicide: portrait du travail d’intervenant
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Marie-Claude et Patricia sont intervenantes professionnelles chez Tel-jeunes. Elles ont une formation en psychologie et service social, et répondent régulièrement à des appels d'adolescents en détresse psychologique ou suicidaires. Dans le cadre de la 19e Semaine de sensibilisation au suicide, elles ont accepté de témoigner de leur travail, qui consiste principalement à faire «ventiler» ces jeunes aux prises avec une charge émotionnelle trop grande pour eux.
«Les jeunes qui nous téléphonent vivent soit une peine d'amour, des problèmes familiaux, des problèmes de santé mentale ou de l'intimidation et ils ne savent plus quoi faire pour ne plus souffrir de cette situation. Ces adolescents ne veulent pas mourir, mais lorsqu'ils ne trouvent plus d'issue, ils envisagent le suicide comme une solution finale à un problème.» Les deux intervenantes comparent ce sentiment à un tunnel.
Les étapes d'une intervention
Lorsque Marie-Claude est confrontée à un jeune en détresse psychologique, elle doit tenter d'évaluer l'urgence de la situation. La première étape consiste à l'écouter attentivement pour qu'il se décharge de ses émotions négatives, troubles et même contradictoires. Il lui faut ensuite approfondir le contexte et mettre des mots précis sur l'origine du problème qui a conduit à une telle détresse. La clé de l'intervention réside finalement dans l'apport de pistes de solution, de suggestions, d'outils et de possibilités. «Il faut donner un objectif au jeune, lui apporter un élément de solution auquel il peut se rattacher», insiste la psychologue. Pour un jeune en peine d'amour, cela peut être de couper les ponts avec une ex-petite amie. Ou de s'inscrire à une activité afin de mettre du positif dans sa vie.
Comme sa collègue, Patricia doit aider l'adolescent à reprendre du pouvoir sur sa vie. «Le processus suicidaire ne vient pas des idées noires entretenues, mais bien de la source de ces idées sombres. Sa souffrance est liée au milieu dans lequel il évolue», souligne la travailleuse sociale. Patricia propose alors des pistes de réflexion afin que le jeune envisage une solution, une seule, qui puisse lui redonner espoir dans son monde bouleversé par des émotions qui l'apeurent.
Les intervenants doivent avoir désamorcé la crise avant que le contact ne se coupe, puisque les appels sont anonymes et que ce n'est pas le rôle de l'organisme Tel-jeunes d'assurer un suivi. Tout peut donc se passer en 15 minutes ou une heure, selon le besoin de l'adolescent. L'intervenant raccroche alors le téléphone en espérant que ses conseils, basés sur son expérience professionnelle, auront concrètement aidé un jeune qui a parfois 12 ans et qui souhaitait mourir.
Maladie mentale et idées suicidaires
Agente d'intervention en service social au service de psychiatrie de l'Hôpital Notre-Dame, Valérie doit composer avec une clientèle plus instable. Les personnes auprès de qui elle intervient à domicile ont un lourd passé en santé mentale. La plupart vivent avec des troubles de personnalité ou obsessionnels.
Lors de ses visites de routine, Valérie découvre parfois un patient en pleine crise. Elle doit alors évaluer rapidement à quel degré la personne se trouve sur une échelle d'urgence préétablie de 1 à 9. La plupart du temps, les gens se trouvent à un stade jugé faible. «Dans ces cas-là, ils nous disent qu'ils ne "feelent" pas bien, qu'ils sont tannés ou qu'ils en ont assez de leur situation.» Lorsque la crise est plus grave, ses patients ont déjà élaboré un plan. «Ils peuvent avoir fait un grand ménage ou être allés visiter des proches qu'ils n'avaient pas vus depuis un moment.» Ces indices démontrent que le processus suicidaire est déjà mis en branle.
La différence entre hommes et femmes
Selon Valérie, les femmes expriment plus facilement leur envie de mettre fin à leurs jours. «C'est auprès des hommes qu'il faut davantage déceler les signes et anticiper l'acte.» Par exemple, ils ont tendance, dans des cas de crise suicidaire, à augmenter leur consommation de drogue et d'alcool, à se retirer ou à manifester une grande agressivité. À partir de ces comportements, Valérie propose un pacte de non-suicide.
Un pacte de non-suicide
Le pacte de non-suicide avec un patient troublé consiste à lui faire promettre qu'avant de passer à l'acte, il téléphonera à au moins deux personnes. «Ça peut être moi, un proche ou SOS Suicide. On lui fait aussi promettre de prendre rendez-vous avec un intervenant.» En prenant un engagement verbal, la personne en détresse psychologique se raccroche souvent à sa promesse, et avant de commettre son geste suicidaire, elle entre en contact avec des personnes-ressources.
S'accrocher à la vie
Pour Valérie, qui intervient auprès d'une clientèle qui joue souvent sur la menace du suicide, «il faut toujours prendre ces personnes au sérieux et les accrocher à la vie par un élément. Ça peut être de petits objectifs comme un déménagement, l'espoir de vivre une relation plus stable, de diminuer sa médication... Il faut leur redonner le droit au rêve.»
Pour savoir que faire avec un parent ou un ami qui a des idées suicidaires.
Sources
*Les noms des trois intervenantes interviewées ont été modifiés afin de préserver la confidentialité.
Les centres de prévention du suicide: 1-866-APPELLE
Tel-jeunes: 1 800 263-2266 / La ligne parents: 1 800 361-5085
Suicide Action Montréal: 514 723-4000 / 1 866 277-3553
Centre de prévention du suicide de Québec: 418 683-4588