Psychologie

Des listes pour mieux vivre

Des listes pour mieux vivre

Auteur : Coup de Pouce

Il y a les incontournables: choses à faire, épicerie, cadeaux de Noël. Il y a celles qui ponctuent les grandes étapes de notre vie: choix de cours, maisons en vente dans le quartier qu'on convoite, prénoms pour le bébé à venir, invités au 40e anniversaire de mariage de nos parents, etc. Et puis il y a celles qu'on dresse rien que pour nous: résolutions du Nouvel An, endroits qu'on aimerait visiter une fois dans notre vie, nos vins préférés, nos raisons de dire merci à la vie...

«La vie elle-même est une liste de choses à faire, à dire, à voir, à apprendre, à écrire. La différence, c'est que certaines personnes prennent le temps de la mettre sur papier», dit sagement Josée-Martyne, 34 ans, grande amateure de listes. Pour Dominique Loreau, auteure de L'Art des listes, la liste reste la façon la plus rapide d'exprimer une idée, d'aller à l'essentiel sans se perdre dans les mots: «Par sa simplicité, sa concision et son caractère direct, elle donne un accès illimité à tous les pans de notre vie.»

Cela dit, «faire des listes peut aussi nous donner l'illusion qu'on contrôle les choses, prévient Céline Lafontaine, professeure au département de sociologie de l'Université de Montréal. Aujourd'hui, il y a l'idée que tout est possible et que, si on n'arrive pas à faire tout, c'est parce qu'on est mal organisé, qu'on gère mal notre vie. D'où les listes et tout un mode de gestion qui se met en place pour profiter le plus possible de la vie en multipliant les activités.»

Des listes pour s'organiser
Une des façons les plus courantes d'utiliser la liste, c'est pour détailler des tâches à accomplir, à la maison ou au boulot. Un outil sans pareil, à condition de l'utiliser judicieusement. «Certaines personnes se font des listes longues et irréalistes. Forcément, elles n'arriveront pas à tout faire dans la journée. Cela risque de créer de l'anxiété et d'engendrer un sentiment d'incompétence», explique Danny Gagnon, psychologue. Une mise en garde que fait aussi la coach d'affaires Lyne Talbot: «Plusieurs de mes clients ont tellement de listes un peu partout qu'ils ne savent plus où donner de la tête.»

Pour éviter ce piège, Lyne Talbot suggère une règle de trois: «On couche sur papier tout ce qu'on veut faire. Puis, on extrait de cette liste trois éléments, qui seront nos priorités réalistes de la journée. On cache le reste de notre liste. Elle ne s'envolera pas, alors, inutile de l'avoir toujours en plein visage pour se stresser. Le lendemain, on la ressort, on biffe ce qui a été fait, on y ajoute d'autres points, si nécessaire, et on sélectionne trois nouvelles priorités.» Selon la nature de la liste, on peut aussi quantifier le temps qu'on compte accorder à chaque activité, poursuit Lyne Talbot. «Cette façon de faire me permet de voir si j'évalue correctement mes activités ou, sinon, de mesurer l'écart entre la réalité et mes projections. Cette quantification aide à cerner les problèmes (par exemple: si on déborde, cela vient-il d'une mauvaise évaluation du temps requis ou du fait qu'on a procrastiné?) et à dresser des listes plus réalistes.» L'objectif, c'est que la rédaction de la liste demeure un outil et ne devienne pas une tâche en soi. «Pour certains, faire des listes dépasse le simple désir d'être bien organisé et efficace, dit Danny Gagnon. Ils passent tellement de temps à faire et à refaire de très longues listes - qu'ils revérifient souvent au cours de la journée - que cela entrave leur vie plutôt que de les aider. Ce n'est plus eux qui gèrent leurs listes, mais plutôt elles qui les contrôlent.»Des listes pour se motiver
On veut réaliser un projet qui nous tient à coeur ou apporter un changement dans notre vie? Faire une liste peut nous aider à établir un plan à court et long terme, à garder nos objectifs en tête et à rester motivée tout au long de notre démarche.

Pour que ça fonctionne, la coach Sylvie Drolet préconise la méthode des petits pas. «Inscrire sur notre liste des choses qui sont trop loin de notre réalité peut nous démotiver beaucoup plus que nous motiver», croit-elle. Par exemple, au lieu d'écrire qu'on souhaite perdre 50 livres, on débute avec un objectif moindre, 5 livres, que l'on rapproche dans le temps. La confiance et le sentiment d'accomplissement qu'on ressentira au moment de biffer cet objectif nous inciteront à amorcer la prochaine étape. Et pourquoi ne pas mettre l'accent sur les bénéfices que rapportera l'exécution de la tâche indiquée? suggère France Pageau, coach de vie et de carrière: «On peut inscrire à côté de chaque élément quelques mots qui nous en rappelleront les avantages. Par exemple: Aller au gym = vitalité et bien-être. Le but: remplacer l'idée: «Il faut que...» par: «Je choisis de faire cela parce que...» Beaucoup plus motivant!


Attention, toutefois, que nos bonnes intentions ne restent pas lettre morte. En effet, «la liste peut être trompeuse en ce sens qu'elle donne parfois l'impression qu'on agit, observe France Pageau. Il y a un peu de pensée magique là-dedans. On se dit: "Ça va se faire puisque je l'ai écrit." Lister, c'est un bon départ, car ça dénote un intérêt, mais il faut passer à l'action. C'est pourquoi qu'une liste efficace doit être assortie d'un agenda.» Si on se fixe une date précise pour ce fameux voyage en Europe auquel on rêve depuis qu'on est toute petite, on a de meilleures chances de le réaliser avant qu'il soit trop tard!

Des listes pour mieux se comprendre
Finalement, la liste peut aussi s'avérer d'une grande aide lorsqu'on souhaite prendre du recul pour faire le point sur une situation ou sur notre vie. «Quand on n'avance pas ou qu'on tourne en rond, peu importe la situation ou le domaine, c'est le temps de faire des listes», croit Sylvie Drolet.

Qu'il s'agisse d'établir des priorités, de mieux cerner une situation ou de prendre une décision, tout jeter sur papier en guise de remue-méninges aide à faire le tour du sujet de façon concise. Lorsqu'on a un choix important à faire, rien de tel que la classique liste des «pour» et des «contre»! «La liste permet d'accéder à des idées et des sentiments inconscients et d'ajouter ainsi de nouvelles perspectives dans notre réflexion», dit la psychologue Christine Mallette.

Lyne Talbot a récemment utilisé la méthode de la liste pour aider une cliente vivant à l'étranger aux prises avec un problème relationnel. «À Noël dernier, elle était découragée à l'idée de venir ici en vacances, car tout le monde voulait la voir, si bien que ça en devenait une corvée pour elle. Je lui ai proposé de faire la liste de toutes les personnes qui souhaitaient la voir et ensuite, une liste des personnes qu'elle aimerait vraiment voir et de leur attribuer une cote de A à D en fonction de l'importance qu'avaient ces gens à ses yeux. Elle s'est rendu compte qu'elle accordait beaucoup de temps à des C et à des D et que c'était pourquoi elle appréhendait ces vacances. La liste lui a permis de clarifier sa vision des choses.»Une liste peut aussi être utile à celles qui souhaitent réorienter leur carrière sans trop savoir vers quoi aller. Faire la liste de nos plus belles réussites et des accomplissements dont nous sommes le plus fière permet de dégager les points communs à ces expériences et de mettre ainsi le doigts sur nos talents, nos besoins, nos intérêts. Ce constat pourra dès lors devenir le moteur de recherche de nouvelles possibilités professionnelles.

Même chose si nous éprouvons un malaise dans nos relations interpersonnelles. Pourquoi ne pas dresser le portrait de ces gens qui nous entourent? Quelles étaient les qualités et les défauts de mes amies d'adolescence? Quelles expériences ai-je partagé avec elles? Qu'est-ce qui m'attirait chez les hommes qui ont traversé ma vie? Qu'est-ce que j'aime ou déteste chez mes collègues de travail? Les attributs retrouvés chez ces personnes peuvent indiquer que nous tendons inconsciemment à répéter les mêmes patterns, signe de carences, de peurs ou de blocages...


Dominique Loreau suggère également de dresser une liste de nos différents «moi» pour mieux saisir notre complexité avec toutes les contradictions qu'elle comporte. «Nous ne sommes probablement pas tout à fait la même avec nos amis intimes qu'en compagnie d'inconnus», explique l'auteure. Alors, pourquoi ne pas lister les différentes caractéristiques de nos multiples «moi» (spirituel, professionnel, femme, mère, amoureuse, etc.) et les consigner dans un seul carnet qui nous permettra d'entrevoir qui nous sommes globalement? Même les listes écrites dans un esprit ludique (vacances de rêve, films d'amour préférés, folies qu'on ferait si on gagnait à la loto, etc.) peuvent être révélatrices de notre personnalité et de notre évolution, surtout si on les relit des années plus tard! Ce que fera sûrement Dominique, 40 ans, avec son journal de gratitude. «À la fin de chaque journée, j'inscris dans un joli carnet cinq éléments pour lesquels je dis merci. Ça aide à s'en souvenir et, comme c'est une liste positive, ça rend la chose agréable!»

Selon Dominique Loreau, la liste reste une méthode de choix pour mieux se connaître et enrichir sa vie: «Ce serait un peu comme tenir un journal dans un style minimaliste. Faire des listes, c'est en quelque sorte écrémer le meilleur de la vie, ce qui permet de laisser le reste de côté, ne plus s'y attarder, et donc lui donner moins d'importance.»

Une liste qui évolue
«Plus jeune, j'avais de la difficulté à définir ce que j'aimais. J'avais l'impression de tout aimer. Pour arriver à déterminer les choses que j'aime vraiment dans la vie, je les consigne dans un cahier. J'inscris la date, puis, sur la page de gauche, les choses que j'aime et, sur celle de droite, celles que je n'aime pas. J'ai recommencé cette liste plusieurs fois, à des mois ou des années d'intervalle. La plus significative, c'est celle que j'ai fait à la fin de l'été 2003. Je traversais alors une période de grande turbulence, et cettel iste m'a aidée à faire le point sur mes besoins du moment. Même si elle ne contenait ni souhaits ni choses à accomplir, on sent bien que j'avais envie de rencontrer quelqu'un. Même si je suis toujours célibataire aujourd'hui, je me rends compte que cette liste m'a aidée à avoir un meilleur équilibre dans ma vie.» Caroline, 45 ansUne liste partagée
«Je suis une maniaque de listes, et assez techno, de surcroît! Ma dernière trouvaille? La liste des bouquins que j'ai lus, que j'ai mise sur ma page Facebook. Cela me permet de consigner tout ce que j'ai lu et aimé récemment et de le partager avec mes amis. Ça peut les inspirer et ils peuvent, à leur tour, me faire des suggestions. C'est vraiment ce que j'aime à propos des listes sur Internet: elles permettent de s'enrichir collectivement, ce que je ne retrouvais pas dans une liste conventionnelle, vue par moi seule.» Dominique, 40 ans

Une liste pour passer à l'action
«Je fais des listes parce que je remets toujours à demain ce que je devrais faire aujourd'hui. Pour arrêter d'y penser constamment, je le note dans ma liste de choses à faire. J'y consigne tout: choses à faire au boulot, trucs à accomplir à la maison, factures à payer, anniversaires à souligner, etc. C'est un peu pêle-mêle, mais ça m'aide à passer à l'action. Une fois terminée, elle ira au recyclage et j'en recommencerai une nouvelle la semaine suivante.» Dominique, 27 ans

Une liste en amoureux
«C'est une idée de mon romantique de chum. Un jour, il m'a dit: "Pourquoi on ne ferait pas une liste de choses à faire ensemble pour les 15 prochaines années?" On a donc pris chacun un bout de papier et on y a écrit des choses que l'autre pourrait faire pour nous surprendre et nous plaire. Il y en a certaines qu'on a écrites tous les deux, comme rénover notre chambre à coucher, ce qui prouve qu'on veut aller dans la même direction. Pour moi, cette liste représente le prolongement de l'engagement qu'on a pris en se mariant l'été dernier. Au fil de l'inspiration, on ajoute des choses. Maintenant, on y couche même nos projets de retraite!» Martyne, 34 ans

Une liste de rêves à concrétiser
«J'ai pris très jeune l'habitude de faire des listes pour m'organiser. Il y a quelques années, j'ai repris le concept, mais pour noter les choses importantes de ma vie. En lisant un livre sur la visualisation, j'ai compris que, si je mettais par écrit les choses que je souhaite le plus, elles avaient plus de chances de se réaliser. J'ajoute constamment des choses à ma liste, mais c'est toujours un rêve ou un idéal à atteindre. Certaines se sont réalisées, comme le voyage en Asie dont je rêvais depuis longtemps. Un mois après l'avoir inscrit sur ma liste, j'achetais mon billet pour Bangkok. Présentement, le point de cette fameuse liste qui retient notre attention, c'est d'avoir un bébé!» Yannick, 33 ans

Une liste pour penser à soi
Quand je travaille trop, que je n'y vois plus clair ou que je développe de mauvaises habitudes, ma liste d'engagements envers moi-même est l'outil le plus utile que j'ai trouvé pour me reprendre en main. Celle sur laquelle je travaille présentement a un but concret: me regénérer, me refaire une santé. Cette liste me rappelle à l'ordre: quand je la consulte, je comprends pourquoi j'ai choisi de poser tel ou tel geste. Je crois que c'est grâce à elle que j'ai finalement réussi à moins fumer. Je vais la conserver, car je sais que, dans quelques années, je pourrai y voir tout le chemin parcouru pour être mieux dans ma peau.» Isabelle, 32 ans

Pour aller plus loin
L'Art des listes, par Dominique Loreau, Robert Laffont, Paris, 2008, XXX p., 26,95 $.
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