Psychologie
Déprimée par le bonheur des autres?
Sur Facebook, Instagram et ailleurs, tant d’images de bonheur parfait défilent sous nos yeux. Ça vous déprime? Vous n’êtes pas la seule!
Un voyage paradisiaque, une passion amoureuse enflammée, un emploi prestigieux, une tonne d'amis tous plus extraordinaires les uns que les autres... Certaines personnes semblent bénies des dieux et produisent des clichés de bonheur à la tonne, surtout dans les médias sociaux. Comment tenir la comparaison? «On se compare surtout à notre interprétation de ce que l'on voit, raconte Yves-Alexandre Thalmann, psychologue et auteur de Comparez-vous et vous serez heureux (Jouvence, 2012). On n'a pas toutes les informations: on ignore ce que ces personnes vivent vraiment. On ignore le chemin qu'elles ont parcouru, ce qu'elles ont vécu ou ressenti, ce qui les attend dans le futur...» Bref, nos objets de comparaison ne sont souvent que des polaroïds figés dans un instant, parfois même mis en scène. «Mais il est tout simplement impossible de ne pas se comparer: la comparaison fait partie du processus même de la pensée, ajoute Yves-Alexandre Thalmann. Quand on réfléchit, on doit faire des liens, et quand on fait des liens, on compare nécessairement...»
Mais si se comparer aux autres est inévitable, on ne doit pas en faire une obsession non plus. «Mes recherches et celles d'autres experts ont démontré que trop se comparer est lié à un état d'être moins heureux et à une estime de soi défaillante, mentionne Sonja Lyubomirsky, professeure au département de psychologie de l'Université de Californie et auteure, notamment, de Qu'est-ce qui nous rend vraiment heureux? (Les Arènes, 2014). En somme, trop se comparer rend malheureux. D'après mes recherches, au lieu de se comparer aux autres, on ferait mieux de se fier à nos standards personnels.»
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En effet, de plus en plus d'études avancent que l'exposition aux médias sociaux, de Facebook en particulier, rend malheureux. En 2013, des chercheurs de l'Université du Michigan mentionnaient que plus on utilisait Facebook, plus notre niveau de bien-être diminuait, sans toutefois donner de causes précises. D'autres études parlent d'un sentiment d'isolement, d'envie. Des experts de l'Université de Guelph ont conclu en 2009 que l'usage de Facebook augmentait effectivement le sentiment de jalousie des utilisateurs.
Se comparer pour se motiver?
Si se comparer est parfois déprimant, ça peut aussi avoir l'effet contraire. Yves-Alexandre Thalmann croit à l'effet positif de la comparaison: «Se comparer est même nécessaire, révèle-t-il. Sinon, comment se définir en tant qu'individu? Comment savoir si on est normal ou non?»
«Il y a deux ans, mon amie et moi nous sommes mises à la course à pied, raconte Joëlle, 32 ans. Mon amie fait maintenant des demi-marathons, alors que je peine à terminer un 10 km! Pourtant, on a le même âge et on s'entraîne autant l'une que l'autre. J'ai trouvé ça un peu décourageant au début et j'ai même été tentée de laisser tomber, confie la jeune femme. J'ai dû accepter que mon amie était une "naturelle", alors que, moi, je devais travailler plus fort.»
Se comparer permet aussi de jauger nos performances et nos résultats, confirme Sonja Lyubomirsky. C'est une façon de mieux se connaître, d'identifier nos forces et nos faiblesses. «Ça contribue à nous améliorer ou à nous fixer des buts plus élevés». Marie- Claude, 39 ans, en est un bel exemple. Elle s'est longtemps laissée démonter en se comparant avec ses amis diplômés. «Je n'avais jamais terminé mon cégep et j'en avais un peu honte, admet-elle. Ça me minait le moral quand je me comparais à mes amis universitaires, jusqu'à ce que je me dise que mon parcours atypique avait une valeur et que si un diplôme me manquait vraiment, je n'avais qu'à aller le chercher!» Ce que Marie-Claude a finalement fait, en décrochant un DEP à 35 ans.
Ainsi, ce n'est pas tant le fait de se comparer qui est néfaste, mais ce que l'on fait de nos comparaisons. L'idéal est donc d'en arriver à s'inspirer des réussites des autres, à s'en servir comme levier pour nos propres desseins. Même si ce n'est pas toujours évident. «Je pense qu'on peut arriver à se réjouir du succès des autres et non à se sentir menacée par eux, raconte Geneviève, 42 ans. J'ai un ami qui va sortir son quatrième roman et moi, j'occupe actuellement un emploi que je n'aime pas trop. J'ai eu un petit pincement au coeur; je me suis demandé ce que je faisais là. Mais ça n'a duré qu'un moment. Plusieurs raisons expliquent pourquoi je suis où je suis, et lui là où il est. Je suis heureuse pour lui. Et je sais que les choses évolueront, que je serai ailleurs éventuellement... Ainsi va la vie.»