Psychologie

Cultiver la gratitude: pourquoi et comment?

Cultiver la gratitude: pourquoi et comment?

  Photographe : cristina_conti | Adobe Stock

La gratitude. Un concept à la mode, qu’il faut cultiver, exprimer. D’accord… mais pourquoi? Et comment?

En fait, la gratitude serait une façon d'être plus qu'une habitude, une pratique ou un rituel. Une manière d'aborder le monde.

«Ma mère était très croyante et elle rendait grâce à Dieu tous les jours. C'était une femme heureuse, évoque Joëlle. Elle me disait souvent qu'elle ne comprenait pas les gens qui ne priaient que pour demander des choses, alors qu'elle, elle priait pour dire merci et qu'elle recevait plus que quiconque.» La maman de Joëlle, elle-même maman de deux enfants de 14 et 9 ans, a été de l'époque où l'Action de grâce avait encore une valeur sacrée.

Bien que les origines de cette journée soient un peu nébuleuses, elles seraient liées aux récoltes et à Dieu. Deux éléments qui ne sont assurément plus au cœur de la plupart des gens. Résolument moins religieux, assurément plus urbains. Comme sa mère, Joëlle a appris à dire merci. Pas à Dieu, mais à «la vie». À ce quelque chose de plus grand qu'elle, qu'elle ne sait trop comment qualifier.

Mais si Joëlle nourrit une foi en ce «quelque chose» qui la dépasse, plusieurs n'entretiennent aucune croyance de cet ordre. «C'est peut-être l'une des principales raisons pour lesquelles les gens ne rendent plus grâce, dit le psychologue Marc Vachon. Parce qu'ils ne savent plus à qui le faire.» Voilà pourquoi le spécialiste préfère employer le mot «appréciation» plutôt que «gratitude».

Apprécier la fragile tranquillité de l'aurore, la santé qu'on a recouvrée, les amitiés si précieuses, l'amour préservé, nos instants de paix, nos jambes si agiles à courir, toutes ces bonnes choses à manger... Pour soi. Pour le bien que ça fait. Pour le sourire que ça accroche à nos lèvres. Et le sourire que ça provoque, lorsqu'on tourne cette appréciation, cette gratitude, vers les uns et les autres, pour tout ce qu'ils font et sont pour nous.

 

Une condition essentielle au bonheur

Le courant de la psychologie positive, né il y a une vingtaine d'années, a éveillé l'intérêt de nombreux spécialistes pour tout ce qui gravite autour du bonheur, dont la gratitude. Mais plus que de graviter autour, la gratitude s'est révélée être au centre même du bonheur. «De plus en plus de recherches démontrent les effets positifs réels de la gratitude sur notre niveau de bonheur, atteste le psychologue et auteur Yves-Alexandre Thalmann. Porter notre attention sur ce pour quoi on est reconnaissant plutôt que le contraire modifie littéralement notre état d'esprit.»

En 2005, le Review of General Psychology rapportait que des gens à qui on avait demandé d'inscrire dans un journal, une fois par semaine, des choses pour lesquelles ils étaient reconnaissants, avaient vu augmenter de façon significative leur taux de satisfaction par rapport à la vie en quelques semaines seulement. «Notre cerveau est facile à berner, dit le psychologue. Lorsque nos pensées sont concentrées sur des choses positives, tout se met en branle dans celui-ci pour nous faire du bien.»

Se concentrer sur ce qu'il y a de bon dans notre vie ne fera pas disparaître ce qui ne va pas. Certes. Et puis, râler de temps en temps, ça fait du bien, non? Bien sûr. Mais si, à petites ou à grandes doses, on manifestait un peu plus souvent sa gratitude, eh bien peut-être que le monde, et nous-même, s'en porterait mieux.

Qu'on énumère dans notre tête toutes ces choses qu'on apprécie (dans le trafic, à l'heure de pointe!), qu'on les écrive une fois ou deux chaque semaine ou qu'on les exprime à notre amoureux, nos enfants, nos amis et collègues, on pourra sans aucun doute ressentir cette vague de bien-être en nous. Même les plus pessimistes peuvent y parvenir. Quitte à se forcer un peu, au début.

Même nos enfants, tout-petits ou ados, dont le nombril est naturellement le centre de l'univers, peuvent en arriver à faire du «merci» plus qu'une mécanique forcée. «En tant que parent, on peut, on doit, leur apprendre à être reconnaissants et à se pencher davantage sur ce qu'ils ont que sur ce qu'ils n'ont pas, croit Joëlle. Et la meilleure façon de le faire est d'être soi-même un exemple.» De les aider aussi à diriger leur regard au bon endroit: «Et toi Julien, qu'as-tu vécu de cool à l'école aujourd'hui?» Sans, bien sûr, fermer les yeux sur les trucs pas cool, exprimer une ou deux bonnes choses qui ont marqué la journée, par exemple lors d'un tour de table au souper, serait vraiment efficace.

Plus d'amis, de meilleurs résultats à l'école, une meilleure santé mentale, moins de risques de développer une dépendance à la drogue, mieux dans leur peau... Une liste inestimable de bénéfices pour les enfants capables de reconnaissance, tirée d'une recherche parue dans le Science Daily en 2012, que tous les parents du monde aimeraient léguer aux leurs. Pour pouvoir ensuite, peut-être, se dire à quel point ils sont reconnaissants d'avoir de si beaux enfants.

 

 

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