Psychologie

Confessions d'une ultraperformante

Confessions d'une ultraperformante

Certaines personnes ont besoin de performer dans toutes les sphères de leur vie. Mais trop remplir son quotidien n'est pas sans risque. Vouloir être numéro un tout le temps, est-ce grave docteur? On fait le point.

«Je m'en occupe aujourd'hui!» est la phrase qui sort instantanément de ma bouche chaque fois qu'une tâche ou un petit service m'est demandé. Ai-je évalué le temps requis, les exigences de la tâche en question ou tenu compte de mon agenda? Non. Et j'ai déjà dit oui! Après réflexion, le constat demeure toujours le même: la pause café, la pause Netflix et la pause «ne rien faire du tout» vont devoir sauter.

Le Larousse traduit le terme anglophone overachiever par «surdoué», mais ce n'est pas une traduction exacte. En anglais, l'overachiever est une personne pour qui «être adéquate» ne suffit pas. Elle ressent le besoin de livrer une performance allant au-delà des attentes, et ce, dans plusieurs domaines, afin d'obtenir un genre de succès généralisé. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été comme ça. À l'adolescence, c'était les entraînements de natation 20 heures par semaine, la troupe de théâtre, le boulot à temps partiel, les comités et les concours de sciences ou d'écriture. Je carburais aux trophées aux Galas Méritas, aux médailles à la piscine et aux ovations sur scène lors de la tombée du rideau.

Aujourd'hui, je suis à la tête d'un blogue, j'ai recommencé à faire des compétitions de natation, j'anime une émission de radio, je suis des cours du soir à l'université, je donne des cours de natation à des enfants et, accessoirement, je travaille à temps plein. Et même si ça fait de moi quelqu'un de très productif, le principal problème, c'est que l'entière satisfaction n'arrive jamais, les récompenses de la vie adulte étant beaucoup moins tangibles que celles d'avant, quand un trophée validait le travail bien fait. Maintenant, arriver au bout de la liste de choses à faire est synonyme de vertige. Et quand un moment libre s'annonce, une angoisse s'installe: comment vais-je rentabiliser ce temps?

Ne sachant pas trop comment me renouveler, l'an dernier, j'ai fait un Ironman 70,3 (1,9 km à la nage, 90 km à vélo et 21,2 km de course à pied). Le lendemain, alors que je descendais mon escalier extérieur sur les fesses devant mes voisins dubitatifs, histoire de réduire la douleur ressentie à chacun de mes pas, je me suis dit que j'en faisais peut-être trop. Il avait fallu que je perde momentanément l'usage de mes jambes pour percevoir le trop-plein. «On vit dans une société où l'on est valorisé par ce qu'on fait et non par qui on est, affirme la psychologue Isabelle Boivin. Les gens ont l'impression que plus ils accomplissent de choses, plus ils vont être aimés, bien vus et acceptés de leur entourage. Ça nourrit leur estime de soi, et c'est pour cette raison qu'ils continuent à multiplier les exploits.»

L'une des conséquences d'un perfectionnisme aussi omniprésent est, inévitablement, une fatigue intense. Tolérable au début, elle peut s'aggraver rapidement et devenir insupportable. L'une de mes connaissances, appelons-la Geneviève, avait démarré sa propre entreprise et ne comptait plus les heures qu'elle accordait à ce «bébé» professionnel, tout en menant de front d'autres activités. Elle a pris des vitamines afin de contourner les symptômes de fatigue, pour finalement faire face à un épuisement professionnel et à un congé de maladie de plusieurs mois. «La fatigue du corps et de l'esprit est un signe envoyé par notre organisme pour nous dire qu'on en fait trop. Il ne faut pas tenter de la masquer», conseille Isabelle Boivin.

Même si chaque trou dans mon horaire semble hurler pour que je lui trouve une fonction, il faut que j'apprivoise l'angoisse des temps libres. Un conseil simple de la psychologue est de faire une liste de ce qui est prioritaire pour soi afin de ne garder que les activités essentielles. «On peut aussi alterner, suggère-t-elle. Par exemple, cette année, je fais de la natation et l'an prochain, je ferai de la course à pied. Il faut malheureusement faire le deuil de la toute-puissance, car une trop grande charge de travail mène souvent à un ou plusieurs échecs professionnels ou personnels, ce qui est difficile pour l'estime de soi. Le fait de s'étourdir dans l'activité nous empêche de nous retrouver face à nous-même.» Conséquemment, on peut avoir du mal à entrer en relation avec les autres, trop concentrée sur les projets qui envahissent tout l'espace.

Je suis forcée d'admettre que je vis un petit triomphe intérieur lorsqu'on me dit: «Tu fais tout ça dans la même journée? Je ne sais pas comment tu fais!» C'est une satisfaction incontrôlable, mais je tente régulièrement de me contraindre à aimer un peu moins ça... Et chaque nouvelle saison, je réévalue l'importance de chacune des activités qui noircissent les pages de mon agenda.

Élise Jetté est adjointe aux contenus mode beauté déco pour Coup de pouce, mais elle est aussi blogueuse, nageuse, marathonienne, animatrice, bénévole, professeure de natation, étudiante et amie dévouée. Elle essaie chaque jour de réduire cette liste. 

À LIRE AUSSI: 7 façons de moins se comparer aux autres

 

Partage X
Psychologie

Confessions d'une ultraperformante

Se connecter

S'inscrire