Psychologie
Comment se débarrasser d'une mauvaise habitude
Marie-�ve Trembaly / Colagene.com Photographe : Marie-�ve Trembaly / Colagene.com
Arrêter de fumer, manger moins de sucre, boire moins d'alcool…la nouvelle année est un moment propice aux bonnes résolutions. Oui, mais comment les tenir? Notre journaliste raconte son expérience.
Une personne est au pied d'une montagne qu'elle veut gravir. Elle regarde le sommet, si élevé que l'ascension lui semble à la limite du possible. Alors elle reporte son projet au lendemain, puis au sur- lendemain... Elle craint de ne pas y arriver. Elle a peur que l'effort ne soit trop exigeant.
D'accord, c'est cliché. Mais c'est vrai. Troquer une mauvaise habitude contre une bonne, c'est comme gravir une montagne dont la hauteur est proportionnelle à l'envergure du défi.
J'ai cessé de fumer il y a un an et demi. Avant ça, j'ai mis au moins six ou sept mois à me coller, décoller puis recoller des patchs de nicotine sur les bras, en pestant contre l'industrie du tabac, contre le premier jour où j'ai glissé une cigarette entre mes lèvres, contre mon pathétique manque de volonté...
Cathie, elle, en a eu contre les médecins, son corps, sa paresse et l'insuline. À 30 ans, elle a appris qu'elle avait le diabète, mais n'a modifié aucune de ses habitudes - sédentarité et penchant pour la bonne chère - avant 38 ans. Moment charnière: un médecin lui a dit de but en blanc qu'à ce rythme-là, elle ne serait jamais grand- mère. «Et encore là, ça m'a tout pris pour changer! dit la femme de 42 ans. J'y suis allée graduelle- ment, et j'ai sollicité l'aide d'une nutritionniste et d'une entraîneuse, car je ne savais pas par où commencer!»
Le cerveau: notre meilleur ennemi
Fumer, manger mal, ne pas faire d'exercice, procrastiner, se ronger les ongles, boire trop... Ce n'est pas bon pour nous. Pourquoi le fait-on alors? Pourquoi a-t-on tant de difficulté à se débarrasser de ces mauvaises habitudes? «Souvent parce qu'on se concentre sur la culpabilité qu'on ressent à avoir autant de difficulté et sur la honte que notre mauvaise habitude entraîne. Or, cette façon de réagir est paralysante et complètement contre-productive!» dit le psychologue Jean-François Villeneuve, spécialiste en changement de comportement. Cathie se confie: «J'avais honte d'être grosse, de ne pas faire de sport et de souffrir de diabète. Résultat: j'avais juste envie de me rouler en boule et de manger trois boîtes d'Oreo!» Tellement! Moi, vers la fin, quand je fumais une cigarette (derrière une haie à trois coins de rue de chez moi pour que mon chum et mes enfants ne me voient pas), je me frappais mentalement sur la tête tout en emplissant avidement mes poumons de fumée toxique!
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Mais dans cette ère qui prône l'autoresponsabilisation de tout, je suis heureuse de dire que tout n'est pas de notre faute: si nos mauvaises habitudes s'accrochent tellement à nous, c'est à cause de notre... cerveau. Si l'on vulgarise, on peut dire que nos mauvaises habitudes - installées à la longue en nous - ont fait travailler une certaine partie de notre cerveau, qui est désormais très bien entraînée! Résultat: quand on veut s'en défaire, elles résistent, nous suppliant de leur laisser une autre chance. Comme un mauvais chum, finalement, avec qui on voudrait rompre. Doit-on pour ça se jeter dans les bras du premier venu? Non! Si je m'étais mise à l'alcool pour pallier mon manque de nicotine, je ne serais sans doute guère plus avancée. Cela dit, il faut un «prochain». Car une habitude qui disparaît laisse un vide incommensurable. Cathie s'est mise à l'aquagym et au régime je-mange-pour-être-en-santé. Moi, j'ai commencé à courir. Beaucoup. Ce qui m'a donné une arme puissante contre l'envie de cigarette qui ressurgit à l'occasion.
Mais avant d'en arriver là, c'est long. Souvent, il y a eu plusieurs tentatives. Et plus notre montagne est haute, plus c'est vrai. Si vous croyez que ce n'est qu'une question de volonté, vous avez tort. Une étude de l'Université Harvard le confirme: de 35% de personnes ayant la ferme intention de troquer une mauvaise habitude contre une bonne, seulement 11% d'entre elles y arrivent. Parce que l'intention est en quelque sorte la couche superficielle de l'habitude. La meilleure arme pour vaincre cette dernière? La répétition. Un autre truc très efficace: la visualisation. Se voir bien manger et pétant de santé, réagir calmement aux frasques de ses enfants, imaginer se détendre et se coucher tôt plutôt que de travailler jusqu'à minuit...
«Bien comprendre nos motivations à vouloir changer, en parler, être soutenu, y croire et aller chercher de l'aide, au besoin, sont d'autres éléments qui pourront nous donner un coup de main, dit Jean-François Villeneuve. On doit également combattre cette sorte de névrose présente dans notre société qui consiste à toujours vouloir être meilleur que les autres. À mon avis, on devrait faire preuve d'un peu plus d'empathie envers soi-même et s'accepter. Car, paradoxalement, l'acceptation mène aux changements.» «Moi, j'ai accepté que je n'aurais jamais le corps de Heidi Klum, lâche Cathie. J'ai accepté aussi que je ne courrais pas de marathons. Par contre, je n'ai jamais accepté de ne pas être grand-mère un jour...»
Isabelle Bergeron est journaliste, amoureuse et deux fois maman. Post-grossesse, elle a rallumé sa cigarette, pour l'éteindre de nouveau. Elle a fumé sa dernière (et pour toujours) en mai 2014. Elle a enfilé des chaussures de course à peu près à la même date et court depuis. Après la vie. Pour plus de vie.