Psychologie
Comment éviter les dérapages sur les réseaux sociaux
Photographe : Getty Images
Facebook, Twitter, Instagram... Autant de porte-voix qui nous permettent de communiquer, de partager, de commenter. Malheureusement, les dérapages causent parfois bien du tort. Peut-on les éviter?
Près de 90 % des Canadiens circulent sur internet, et 64 % ont un profil sur au moins un réseau social, le plus populaire étant Facebook (suivi de YouTube et d’Instagram). Cette puissante marée de communication publie des messages de toutes sortes, dont certains comprennent des écarts de langage, des commentaires virulents, des sautes d’humeur en direct, des insultes et même des menaces. Toutes des choses que l’on peut observer dans la «vraie vie», non? Oui, mais multipliées par 10!
«Il arrive que des gens y disent des choses qu’ils ne diraient pas nécessairement en personne, admet Marie-Anne Sergerie, une psychologue qui s’intéresse depuis longtemps aux médias sociaux et plus particulièrement à la cyberdépendance. Derrière leur écran, ces personnes deviennent désinhibées et peuvent écrire des choses qui dépassent leur pensée.» Pourquoi? La psychologue montre notamment du doigt la rapidité avec laquelle on peut s’exprimer sur les réseaux sociaux. Ainsi, si une personne est en colère à la suite d’un propos ou d’un commentaire qu’elle vient de lire, elle est plus susceptible de répondre sous le coup de l’émotion.
«Lorsqu’on communique avec des gens que l’on connaît, les mésententes qui surviennent relèvent le plus souvent de malentendus, de mauvaises interprétations ou d’un manque de tact passager», explique Madeleine Pastinelli, une professeure au Département de sociologie de l’Université Laval qui s’est spécialisée dans l’usage de l’internet et des médias sociaux. «Le fait de ne pas voir le visage de l’autre et de ne pas entendre le ton qu’il utilise favorise les méprises.»
DES MOTS QUI DÉPASSENT LA PENSÉE? PAS TOUJOURS...
Oui, on peut malencontreusement «s’échapper» sous le coup de la colère et dire des choses que l’on regrettera par la suite. Ça arrive à tout le monde. «Lorsqu’un message suscite chez nous beaucoup d’émotions, il est préférable de se calmer et de prendre du recul avant de répondre... si l’on doit le faire, suggère Marie-Anne Sergerie. Il vaut la peine de se demander si l’on assumerait vraiment les propos que l’on s’apprête à partager si on les tenait devant une foule, dans une salle. On peut ainsi prendre conscience de l’impact, de la portée de ses écrits.»
«Dans les médias sociaux, on entre parfois en contact avec des gens complètement différents de nous, avec qui l’on n’a aucune affinité. Des gens qu’on ne côtoierait jamais dans la vie réelle, dit Madeleine Pastinelli. Et si l’on est amené à le faire dans la vie, des contraintes sociales nous retiennent souvent de nous exprimer, de répondre ce qu’on pense vraiment...» Si on le fait quand même, on devra encaisser la réaction de l’autre. Sur les réseaux, quand on a des divergences d’opinions, les filtres disparaissent parfois. Des dérapages sont donc plus susceptibles de se produire.
Certaines personnes semblent toutefois abonnées aux commentaires déplacés et avoir l’air de prendre plaisir à brasser, disons, beaucoup d’air. On les appelle des trolls. «Certains estiment que le fait de ne pas voir l’autre réduit notre capacité d’empathie, ce qui expliquerait parfois notre manque de tact, voire notre agressivité, affirme Madeleine Pastinelli. Je n’en suis pas convaincue. On a juste à penser aux mouvements de soutien qu’on voit parfois sur les réseaux sociaux ou les messages empathiques adressés à des inconnus.» La sociologue en convient, les gens qui sont odieux sur les réseaux sociaux ne sont certainement pas bien différents dans la vie réelle. «On ne change pas de personnalité juste parce qu’on est sur les réseaux. À moins que ce soit un jeu, qu’on se crée un personnage, mais c’est extrêmement rare.»
Il faut aussi savoir que si 73 % des femmes ont déjà été victimes de violence sur les réseaux sociaux, ce n’est pas uniquement à cause des trolls. Le sexisme et la misogynie sont encore profondément ancrés dans nos sociétés. D’aucuns estiment que la meilleure réponse aux agressions des trolls est... la non-réponse. Pourquoi? Parce que ces gens s’alimentent de nos réactions, qui agissent comme de l’huile sur leur propre feu. Dans le documentaire d’Hugo Latulippe Troller les trolls, l’animatrice Pénélope McQuade va à la rencontre de certains d’entre eux. Pour découvrir que, dans certains cas, il s’agit de personnes qui réagissent sans réfléchir, qui se servent des médias sociaux comme d’un exutoire ou qui suivent tout simplement le groupe... Si l’on décide de répondre calmement et en faisant preuve d’une certaine ouverture, on pourrait sûrement en déstabiliser certains, qui réaliseraient alors l’impact de leurs propos sur les réseaux. D’autres, cependant, ne feraient qu’en rajouter et se montrer encore plus méprisants. Il faut s'y attendre.
TRAITER LE PROBLÈME EN AMONT
Les réseaux sociaux sont entrés dans les écoles, d’abord par la porte d’en arrière, puis par la grande porte depuis que certains professeurs s’en servent comme outils d’apprentissage. Ils sont de plus en plus souvent intégrés dans des programmes ou des ateliers d’habiletés sociales... Par exemple, au cours des trois dernières années, ce sont des milliers de jeunes du Centre-du-Québec qui ont participé au programme Penses-y avant de publier!, auquel les professeurs d’éthique et culture religieuse ont collaboré et qui avait surtout pour objectif d’améliorer l’emploi des médias sociaux. Le site du Centre canadien d’éducation aux médias et de littératie numérique – Habilo Médias – contient une foule d’informations pratiques, notamment sur la façon de bien communiquer en ligne.
«Il est important de réfléchir aux moyens de parvenir à une utilisation responsable, croit Marie-Anne Sergerie. Les enfants ont besoin d’être accompagnés dans leur usage des technologies pour qu’ils puissent adopter des façons de communiquer respectueuses, pour que les réseaux ne prennent pas toute la place dans leur vie. Il leur faut avoir d’autres loisirs, découvrir différentes façons de se divertir, afin que leur niveau d’estime de soi ne fluctue pas en fonction de l’opinion des autres sur les réseaux sociaux.»
ON SE SENT MENACÉ... ON FAIT QUOI?
Bien entendu, on peut avoir recours au système de blocage et de dénonciation propre à chaque réseau social, mais si cela ne fonctionne pas ou qu’on se sent réellement menacé, on entre en rapport avec la police. On garde les preuves de nos échanges et des messages que l’on reçoit. Les menaces, le harcèlement, l’intimidation, la diffamation...tout ces comportements sont susceptibles de faire l’objet d’une poursuite au civil ou au criminel.
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Le gouvernement du Canada a mis en ligne des informations sur différentes façons de sécuriser nos profils sur les réseaux sociaux. pensezcybersecurite.gc.ca