Psychologie
Comment bien gérer nos relations virtuelles
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Chicanes, retrouvailles, soutien, liens qui se font et se défont: les relations nées ou entretenues via les réseaux sociaux peuvent connaître des hauts et des bas, tout comme celles qu'on vit «en vrai». La différence, c'est que, les relations virtuelles étant relativement récentes, on en est encore à apprendre à les gérer.
L'une des principales difficultés est l'absence de non-verbal. Sans ses multiples nuances, le risque que nos propos soient mal compris est amplifié, ce qui peut mener à des malentendus ou à des conflits. On passe alors beaucoup de temps à s'expliquer, se justifier, corriger le tir. Preuve que ce n'est pas parce qu'on peut communiquer plus rapidement que cela se fait plus facilement. De plus, dans le virtuel, on a davantage le choix de montrer ce qu'on veut et de cacher le reste. Résultat: on en connaît moins sur nos interlocuteurs que dans la vraie vie. «Sur le Web, on a tendance à attribuer à certaines personnes des qualités qu'elles n'ont pas nécessairement. Il ne faut jamais oublier que ça ne représente pas la personne entière», explique Chirine Dakkak, une psychologue qui s'intéresse aux relations virtuelles.
Le Web: pas un défouloir!
Paradoxalement, on est moins pudique qu'avec les gens qu'on côtoie tous les jours. Le fait de n'avoir personne devant nous crée une fausse impression d'intimité, ce qui nous pousse souvent à aller loin dans les confidences. «Un des dangers est que les réseaux sociaux sont parfois pris comme un journal intime où on dévoile sans pudeur toutes nos émotions, remarque Chirine Dakkak. C'est peut-être bon parce qu'on s'exprime, mais on ne doit pas dévoiler quelque chose qu'on pourrait regretter plus tard.» Ni se servir du Web comme d'un défouloir pour faire sortir le méchant sans régler nos problèmes à la base. Exprimer une émotion forte sur la toile nous soulage sur le coup, mais rares sont les conflits qui se sont réglés de cette façon. Ceux qui en ont résulté, par contre...
Il reste que pour prendre des nouvelles de nos proches, échanger avec des gens qui vivent la même chose que nous, garder le contact avec nos connaissances et élargir nos horizons, les réseaux sociaux n'ont pas leur pareil. «Ils répondent à un besoin viscéral pour les humains: celui d'être connecté aux autres», dit Jean-François Vézina, psychologue et auteur, notamment, de Se réaliser dans un monde d'images. En développant un peu de «tact virtuel», on s'assurera que les connexions positives surpasseront les mauvaises!
7 règles pour des relations virtuelles agréables
1. Réfléchir à l'impact de nos paroles et de nos gestes. «Avant de publier quelque chose sur Internet, il faut se demander si on serait prêt à l'afficher sur un écran géant au Colisée de Québec devant 15 000 personnes, dont notre mère, nos voisins, notre chum et notre patron. Si oui, parfait! Autrement, on s'abstient!» explique Jean-François Vézina.
2. Éviter les réactions à chaud. Un sujet nous enflamme? Le statut d'une amie nous fâche? On reçoit un message difficile à digérer? On attend un peu avant de réagir. Cela nous permettra de nous exprimer de façon plus adéquate et peut-être de voir qu'on avait mal compris au premier abord.
3. Choisir nos mots. On est souvent trop rapide sur le piton? On écrit d'abord notre message dans Word. On peut se relire, enlever des passages et préciser des points sans craindre d'envoyer le texte par erreur. On évite les majuscules (l'équivalent du cri, en langage virtuel) et on se rappelle que les émoticônes sont très utiles pour nuancer notre propos.
4. Être prudente avec l'humour. Quand l'expression faciale et le ton sont absents de la communication, les blagues ou l'ironie peuvent mal passer. Ainsi, un «T'es donc bien niaiseuse!» dit avec un grand sourire peut passer en personne, mais devenir choquant écrit tel quel.
5. Respecter les confidences. En mode virtuel, on a tendance à s'ouvrir plus facilement. C'est particulièrement vrai dans les moments difficiles, où le soutien des autres prend toute son importance. Si on se fréquente aussi en personne, on reste discrète à propos des confidences faites sur un forum ou un blogue, par exemple. Même si l'information publiée est accessible à tous, c'est une délicate attention que de ne pas en parler ouvertement, à moins que la personne ne choisisse de le faire.
6. Ne pas se servir du virtuel pour épier les autres. Twitter, Facebook ou un blogue ne devraient pas être utilisés pour surveiller nos amies et ensuite leur reprocher d'être sorties sans nous, par exemple. Ces crises assombrissent notre relation, et la personne est ensuite gênée de s'exprimer. Et puis, personne n'a de compte à rendre.
7. Prendre soin de nos amitiés, réelles comme virtuelles. Ce n'est pas parce qu'on a indiqué sur Facebook qu'on est contente pour notre amie qui se marie qu'il n'est pas nécessaire de lui écrire un courriel personnel pour la féliciter. Il est bien sûr impossible d'entretenir toutes nos relations virtuelles de cette façon, mais il est important de donner un peu plus à celles qui nous tiennent à coeur.
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Quelques histoires du meilleur... et du pire
Une belle complicité
«C'est par les blogues que j'ai trouvé ma jumelle cosmique. Julie et moi, nous sommes... pareilles! En naviguant sur différents blogues, nous avons trouvé plein de liens qui nous unissaient. Puis nous avons fait le saut: nous sommes allées prendre un café. Ça a été le coup de foudre. Entre nous, il n'y a pas de faux-fuyant, pas de gêne: on est juste bien, à l'aise. On n'a pas tenu pour acquis qu'on connaissait parfaitement l'autre parce qu'on la côtoie depuis quelques mois sur écran. Le seul problème à cette nouvelle amitié est la distance physique qui nous sépare. On ne peut pas se voir très souvent, mais on a un lien très fort. C'est vraiment un cadeau de la vie... trouvé sur le Web!» - Isabelle, 36 ans
Tendre la main
«En janvier dernier, j'ai reçu un courriel de mon cousin: une de ses anciennes consoeurs du secondaire faisait une collecte de fonds pour aider une amie commune. Celle-ci venait d'apprendre que sa fille de 2 ans avait la leucémie. Comme mon garçon a eu la même maladie au même âge et qu'il va maintenant très bien, mon cousin m'a demandé de lui écrire un courriel d'encouragement. Aussitôt dit, aussitôt fait! Nous nous sommes raconté nos histoires et nous correspondons depuis. Nous ne nous sommes pas encore rencontrées, mais cela ne saurait tarder. Internet permet de créer des liens et de faire de nouvelles connaissances à travers de dures épreuves qu'on a vécues.» - Sophie, 37 ans
Un malentendu qui dérape
«Un jour, j'ai fait un commentaire général sur les personnes hypocrites après avoir vécu une aventure assez pénible avec quelqu'un qui n'est pas sur Facebook. Mais un de mes contacts l'a pris personnellement. Je me suis déplacée pour régler le conflit face à face avec elle. Sans succès. Quelques mois après, elle s'est mise à envoyer des textos sur mon cellulaire et des commentaires assez blessants sur Facebook me visant directement pour une histoire qui ne la concernait pas. J'ai arrêté d'aller sur Facebook pendant un mois. Aujourd'hui, je suis de retour, mais j'ai réduit mes contacts de moitié. Je continue d'y écrire mes états d'âme, mais moins souvent. Je veux apprécier davantage la vraie vie et avoir de vraies relations avec mes amis et ma famille.» - Chantal, 41 ans
Passer du réel au virtuel
«De janvier à juin 2010, notre petite famille est partie vivre en Suède pour suivre mon chum, qui enseignait à l'université là-bas. Avant notre départ, nous avons acheté une caméra numérique afin de garder le contact avec notre famille, nos amis et les amis de la garderie. Nous avons mis des photos en ligne sur Flickr et plusieurs vidéos sur YouTube. Cela a permis à nos amis de vivre un peu de notre aventure tout en suivant l'évolution des enfants. L'utilisation de ces technologies aura certainement eu une influence positive dans notre cas.» - Patricia, 40 ans
Des «amis» frustrés
«Un jour, j'ai décidé de ne garder dans mon profil Facebook que mes amis très proches et des contacts professionnels, ce qui a ébranlé bien des susceptibilités dans mon réseau de connaissances. "Ai-je fait quelque chose pour te blesser?", "T'es bien bizarre!", "Je pensais que je valais plus pour toi", etc. Le festival des pleurnicheries! J'ai tout coupé pour un moment, puis je suis revenue en mettant des limites. J'ai choisi pourquoi et comment je voulais utiliser mon compte et j'ai mis l'accent là-dessus.» - Cynthia, 34 ans
Du soutien réel... mais envahissant
«En 2002, j'étais enceinte et je me sentais seule. J'ai découvert un forum de discussion de mamans. La joie! J'y trouvais tout ce que je désirais: des réponses, du réconfort et des centaines d'amies qui vivaient la même chose que moi. Je le fréquentais plusieurs fois par jour. On connaissait toutes nos histoires et parfois même des portions presque gênantes de notre intimité. On s'est rencontrées et c'était plaisant. J'ai développé des affinités avec certaines. Je suis retournée travailler, mais je sentais un manque, car je n'allais pas aussi souvent sur le forum. Je compensais souvent jusque tard le soir. Après avoir eu mon deuxième fils, j'ai commencé à décrocher. Ma gang du départ n'était plus là régulièrement, les chicanes se sont multipliées et je me suis rendu compte que je vivais trop dans le virtuel. Internet est parfois traître. On se dévoile beaucoup, on prend à coeur les histoires de toutes et ça finit par être lourd. J'ai coupé les ponts et je me suis concentrée sur mes amies réelles, certaines connues grâce à ce forum.» - Juliette, 43 ans
Une passion commune
«Je suis une adepte de musique country américaine depuis longtemps. Sur Facebook, je suis fan de la page d'une radio du Vermont. Un jour, une personne a posé une question sur le mur et j'y ai répondu. C'est ainsi que tout a débuté. On s'est mises à échanger des courriels, sur la musique country d'abord, puis sur nos vies, nos enfants, nos maris. Un mois plus tard, nous sommes allées au même spectacle de Brad Paisley à Montréal. Malheureusement, à cause de la sécurité, je n'ai pas pu me rendre jusqu'à elle, mais je l'ai vue de loin et je l'ai photographiée. On s'est enfin rencontrées à un festival au Vermont en mai et ça a cliqué. On s'écrit presque tous les jours maintenant, parfois seulement une ligne ou deux, et c'est comme si ça faisait des années qu'on se connaissait. Mais on ne devient pas folles non plus! Elle a des enfants et travaille, moi aussi. Je ne lui en veux pas si elle manque une journée, et vice-versa. C'est ainsi que notre relation est enrichissante.» - Annie, 32 ans
Retour en arrière
«Au secondaire, on était trois inséparables: on passait des heures au téléphone après les classes à tout se raconter dans les moindres détails. On partageait tous nos secrets et nos moments libres. Vint la fin du secondaire, les études, le travail, les amours, les enfants et l'éloignement. C'est grâce à Facebook qu'on s'est retrouvées 15 ans plus tard! L'espace d'une soirée à la maison, et on aurait dit que le temps perdu n'avait jamais existé. La même vivacité, les mêmes fous rires et beaucoup de souvenirs jamais oubliés! Depuis, il ne se passe pas une semaine sans qu'on s'écrive, s'appelle ou se rencontre. La même relation qu'auparavant, avec quelques rides en plus!» - Véronique, 35 ans
Une bouée quand ça va mal
«Je suis enseignante au secondaire dans un quartier très défavorisé et je suis "amie" avec certains de mes élèves les plus fragiles. Si le réseau social est utilisé intelligemment, ça peut devenir un moyen d'intervention. Mes élèves ont des restrictions et n'ont pas accès à mes infos personnelles. Je clavarde avec certains pour les aider à régler leurs querelles autrement que sur la place publique. Pourquoi? Parce que plusieurs conflits rebondissent à l'école. En sachant ce qui se passe, je peux intervenir plus efficacement. Si je vois que le jeune n'est pas réceptif, je n'insiste pas pour ne pas briser le lien. Parfois ça fonctionne, d'autres fois non. Je n'abuse pas de ce moyen de communication, je reste excessivement discrète, je ne pose aucun jugement, je ne m'implique pas émotivement et je m'en tiens aux faits. C'est la clé!» - Élaine, 36 ans
Infidèle?
«Un soir, je suis sortie avec des collègues, et mon chum est sorti de son côté. Durant la soirée, j'ai rencontré une amie et croisé mon ex. On a jasé et dansé tous ensemble. Le lendemain, sur Facebook, cette copine a écrit sur mon mur: "Wow, quelle belle soirée hier soir! Je ne connais pas son nom, mais ton chum est super sympathique!" Vous imaginez la suite? J'ai reçu un appel de mon chum, pas très ravi! Il ne croyait pas à mon histoire. Même si cette amie s'est confondue en excuses, le mal était fait. Mon chum a fini par me croire, mais je pense cela a été le début de la fin. Après notre rupture, je me suis dit que si mon amoureux ne me croyait pas et qu'il ne se fiait qu'aux commentaires d'autres personnes, il n'en valait pas la peine. Et cette amie est encore mon amie...» - Ève, 44 ans
Retrouvailles toxiques
«J'ai appris à mes dépens que le Web peut être pernicieux quand quelqu'un ayant de mauvaises intentions l'utilise. J'accepte une ancienne amie du secondaire qui m'a retrouvée sur le réseau. Cool! Puis, je me rends compte qu'elle utilise son mur pour raviver des souvenirs de notre secondaire. Elle règle ses comptes avec ceux qui lui ont fait du mal. Elle publie des messages du genre "Cette fille m'a volé mon chum de l'époque, c'est moi qui aurais dû avoir sa vie"» et elle met un lien vers la page Facebook de la fille. Malaise! Je ne voulais pas avoir l'air d'appuyer ce qu'elle disait. Puis, un jour, tout a arrêté. Son compte a disparu. Je l'ai dénoncée à Facebook. D'autres ont dû le faire aussi. Je me devais d'agir. Elle perdait sa réputation et salissait celle de l'autre fille.» - Lucie, 39 ans
Un vrai plaisir
«Étant active sur Twitter depuis trois ans et une participante assidue aux activités tweet-up à Québec (des rencontres d'utilisateurs de Twitter), j'ai eu la chance de rencontrer quatre bonnes amies avec qui la relation dure depuis plus d'un an. Un petit groupe amusant, bien soudé, mais qui se laisse aussi respirer. Je les apprécie beaucoup et j'ai été épatée qu'elles viennent m'aider le jour de mon déménagement. J'ai constaté qu'on repère les affinités plus facilement avec les amies virtuelles qu'avec les personnes rencontrées en milieu de travail, par exemple. Si on aime les mêmes sujets, fréquente les mêmes forums et partage les mêmes préoccupations, on évolue dans le même réseau et il y a de fortes chances que, dans la vraie vie, on puisse bien s'entendre. Si j'avais un conseil à donner aux gens qui veulent passer du virtuel au réel, ce serait celui-ci: dès le jour un de la présence virtuelle, être vraie. Ainsi, quand on se rencontre en personne, il n'y a pas de malaise. Mais attention: cela ne veut pas dire être 100% ouverte sur tous nos petits bobos et sur nos moindres pensées secrètes! Un filtre est toujours bon!» - Esther, 38 ans
Pour en savoir plus
- Comment devenir une star des médias sociaux, par Dominic Arpin et Patrick Dion, Quebecor, 2010, 160 p., 19,95$.
- Les Médias sociaux 101, par Michelle Blanc, Les Éditions Logiques, 2010, 184 p., 19,95 $.