Psychologie
Changer de religion
� Istockphoto.com Photographe : � Istockphoto.com
Olivier-Hugues Terreault a baigné dans la religion catholique quand il était petit. Il servait même à la messe. Pourtant, à l'âge adulte, c'est vers le bouddhisme qu'il a choisi de se tourner. «Vers l'âge de 21 ans, un ami très proche était en phase terminale d'un cancer et j'avais un besoin urgent de trouver un sens à la vie», raconte l'homme de 38 ans qui enseigne aujourd'hui au Centre bouddhiste Shamata à Trois-Rivières. La religion catholique ne lui apportant pas de réponse acceptable, à ses yeux, il a commencé à s'intéresser au bouddhisme. «J'ai suivi des classes, appris la méditation. Ces enseignements apportaient un éclairage à mes questionnements», affirme-t-il.
Comme Olivier-Hugues Terreault, des milliers de Québécois ont décidé de changer de religion. D'après le recensement de 2001 de Statistique Canada, ils seraient environ 50 000 à s'être convertis à l'évangélisme, 3 000 à l'islam et 1500 au bouddhisme.
L'attrait de l'évangélisme
Selon Frédéric Castel, religiologue à l'UQAM, il y a bien un engouement pour les religions orientales, mais les conversions à l'évangélisme, avec ses diverses dénominations (baptistes, mennonites, méthodistes, adventistes, pentecôtistes...), sont un véritable phénomène dont on parle peu. «C'est peut-être parce que le passage du catholicisme à une religion orientale implique plus de changements, alors que les connaissances de base restent les même avec l'évangélisme», avance le chercheur.
La religion protestante, et notamment le mouvement pentecôtiste attire beaucoup de nouveaux fidèles, autant en Occident que dans les pays du Sud.
«Le mouvement pentecôtiste est moins déterministe que le catholicisme en proposant aux croyants de contrôler leur destinée à l'aide du Saint-Esprit», explique M. Castel. De plus, c'est une religion qui ne s'oppose pas à l'enrichissement, qui propose de prendre sa vie en main plutôt que de la subir, ce qui est très attrayant pour les populations les plus pauvres, souligne le religiologue.
Élevé dans une famille catholique, mais peu pratiquante Louis Bourque est aujourd'hui pasteur de l'Église baptiste évangélique de Terrebonne-Mascouche. Adolescent, il rêvait de changer le monde: «mon idole était Che Guevara, je faisais du porte-à-porte pour le Parti québécois», raconte l'homme de 54 ans. Mais c'est finalement avec la foi Baptiste qu'il donnera un sens à sa vie. «J'avais des amis évangélistes passionnés et ça m'interpellait. J'ai donc décidé de me tourner vers les écrits de la Bible plutôt que vers les traditions», raconte-t-il.
À lire aussi: Comment déjouer les paroles culpabilisantes
Magasiner sa religion
D'après Frédéric Castel, il n'y aurait pas plus de pratiquants aujourd'hui. La différence est que les gens ont désormais le choix. Ils se renseignent sur les possibilités qui s'offrent à eux. Les rencontres peuvent aussi jouer un rôle important dans la conversion. Le fait de côtoyer des immigrants donne la chance aux Québécois de découvrir d'autres relisions. «Mais attention, nuance le chercheur, les immigrants ne sont pas nécessairement très pratiquants.»
N'empêche que dans le cas de l'islam, une religion qui ne jouit pas d'une très bonne réputation dans les médias, surtout depuis le 11 septembre 2001, se lier d'amitié avec des musulmans est une bonne porte d'entrée. «En général, les gens sont d'abord étonnés lorsqu'ils découvrent que l'islam n'est pas si éloigné du christianisme. Puis ils sont séduits par son aspect communautaire qui rappelle les paroisses d'antan», analyse le religiologue.
Dans le cas de Jean-François Therrien, jeune homme de 33 ans converti à l'islam depuis presque 10 ans, ce n'est pas la fréquentation de musulmans qui a été déterminante. C'est en étudiant différentes religions, par le biais d'une mineure en théologie, qu'il a été touché par la foi musulmane. «J'ai d'abord été interpellé par les écrits, car c'est une religion qui reconnait tous les prophètes. C'est en pratiquant la prière, ensuite, qu'il s'est passé quelque chose en moi. Quelque chose de difficile à décrire», raconte celui qui prépare aujourd'hui une thèse sur l'identité musulmane en contexte d'immigration en Estrie.
Le processus de conversion au bouddhisme est un peu l'inverse de celui à l'islam, remarque Frédéric Castel. En effet, c'est une religion qui profite d'un rayonnement positif dans la société en général avec des figures comme le Dalaï-lama ou le Français Matthieu Ricard. Les convertis y adhèrent souvent sur le tard, alors qu'ils ont envie de se détacher des valeurs matérialistes. Le bouddhisme offre aussi une technique: la méditation, qui séduit de plus en plus de personnes cherchant des moyens de combattre le stress ambiant. «Le bouddhisme m'a donné des outils pratiques pour développer un esprit de compassion», affirme Olivier-Hugues Terreault.
À lire aussi: La confiance en soi: 3 règles incontournables
Le catholicisme en déclin?
En 2001, 83 % des Québécois se déclaraient de confession catholique d'après Statistique Canada. Est-ce que les conversions à d'autres religions vont avoir un impact sur le paysage religieux du Québec? Pas vraiment, répond Frédéric Castel. En effet, il ne faut pas oublier qu'il y a aussi des conversions vers le catholicisme, ainsi que de nouveaux arrivants catholiques. Le chercheur ne croit pas que le mouvement des conversions religieuses va prendre de l'ampleur. Il pense plutôt que celui-ci a atteint un plateau.
Toutefois, si des personnes nées dans la foi catholique se tournent vers d'autres religions, c'est peut-être aussi parce que le discours catholique est trop normatif, d'après le religiologue. Les positions de l'Église sur l'avortement, l'homosexualité ou encore l'accès des femmes à la prêtrise peuvent aussi pousser des catholiques de naissance vers des religions plus «ouvertes».
Ce n'est pas ce qui a motivé le pasteur Louis Bourque. Il affirme cependant que le fait qu'il soit le père de cinq enfants encourage sûrement les fidèles à l'écouter davantage. De son côté, Olivier-Hugues Terreault, marié et clown thérapeuthique dans des hôpitaux, apprécie le fait que le bouddhisme laisse le choix à celui qui veut l'enseigner de choisir la vie d'une personne ordonnée ou celle d'une personne laïque.
Lire les témoignages de:
Louis Bourque: de scout catholique à pasteur baptiste
Dominique Boudreau: du carême aux Pâques juives
Jean-François Therrien: de catholique à musulman pratiquant
Olivier-Hugues Terreault: de servant de messe à enseignant bouddhiste