Psychologie

Au secours, je panique!

Au secours, je panique!

Auteur : Coup de Pouce

La main tremblante, Catherine, 29 ans, prend appui sur le banc du parc en face de la station de métro. Doucement, son coeur reprend sa cadence normale. Peu à peu, elle a l'impression de réintégrer son corps. Il y a cinq minutes encore, elle était tranquillement assise dans le wagon. Soudain, un vertige, puis l'oppressante sensation d'étouffer, de mourir. Sans réfléchir, elle s'extirpe du train et fonce vers la sortie. De l'air, vite! La situation lui semble maintenant complètement irréelle. Que s'est-il passé? De cette angoisse déferlante et délirante, il ne lui reste maintenant qu'un sentiment flou, mais surtout l'inquiétude que ce mal étrange frappe de nouveau.

«Une attaque de panique est une peur intense et soudaine. Elle dure en moyenne de 20 à 30 minutes, atteint son paroxysme au bout de 10 à 15 minutes, puis diminue. Mais, durant ce temps, la personne a l'impression de faire une crise cardiaque, de perdre le contrôle ou d'être en train de mourir. Physiologiquement, elle ressent effectivement des sensations désagréables et inquiétantes», explique le Dr Brian Bexton, psychiatre, psychanalyste et vice-président de Revivre, une association québécoise qui vient en aide aux personnes atteintes de troubles anxieux.

On ne connaît pas encore précisément la cause des attaques de panique. On sait cependant qu'elles produisent une véritable décharge d'adrénaline. «C'est une réponse normale de l'organisme à un stress. Le problème, c'est lorsque cette réaction est exagérée par rapport au risque, réel ou irréel», souligne Jean- Rémy Provost, directeur général de Revivre.

«Je me revois, assise dans mon appart, le regard hagard, confie Diane, 42 ans. Mon couple venait d'éclater et mon ex était parti depuis quelques semaines. Et là, l'angoisse me prend à la gorge. Je suis en état d'urgence, j'ai l'impression de perdre la carte. Heureusement, j'ai pu joindre ma soeur au téléphone. Elle est accourue sur-le-champ. Son intervention rapide m'a beaucoup aidée. Elle savait que c'était le contrecoup des dernières semaines, que je n'étais pas en train de devenir folle.»

 

Attaque de panique: que se passe-t-il?

Les symptômes ressentis lors d'une attaque sont le résultat de l'hyperventilation, un mécanisme de survie que l'organisme actionne devant une menace. La respiration s'accélère et amène le coeur à battre plus vite, ce qui irrigue davantage les muscles: un réflexe très utile lorsqu'on doit fuir à toutes jambes! Le surplus d'oxygène dans le sang est alors brûlé par l'exercice. Dans le cas d'une attaque de panique, ce mécanisme se déclenche tout seul. On ne fuit rien, on ne combat rien. La réaction physiologique provoque alors un déséquilibre du système circulatoire.

«Quand on respire plus vite sans faire d'exercice, le taux de CO2 dans le sang diminue beaucoup, explique le Dr Bexter. Cela joue un tour au cerveau, car nos artères carotides sont équilibrées à partir du taux de CO2 dans le sang. S'il y en a trop, les carotides se dilatent pour amener plus d'oxygène au cerveau. S'il tombe sous un certain seuil, les artères se contractent. Étant plus petites, elles irriguent moins bien les organes, notamment le cerveau.» Il en résulte des étourdissements, des taches devant les yeux, une impression de serrement dans la poitrine, etc. Ces symptômes ne sont pas dangereux, mais ils peuvent inquiéter, surtout si on est facilement anxieuse. «Le pire qui puisse arriver pendant une attaque de panique, c'est qu'une personne s'évanouisse. Mais c'est extrêmement rare et, si c'était le cas, l'évanouissement ralentirait la respiration, le taux de CO2 remonterait et l'équilibre serait rétabli», explique le Dr Bexton.

Quant à la peur de perdre la carte, qu'on se rassure! On ne rapporte aucun cas de personnes devenues violentes durant une attaque de panique. Elle affecte peut-être un peu temporairement le jugement, mais on est encore tout à fait fonctionnelle. En fait, l'attaque de panique passe souvent totalement inaperçue aux yeux des autres.

Attaque de panique: les symptômes

Pour qu’un diagnostic d’attaque de panique  soit posé, on doit présenter au moins quatre  des symptômes suivants:  

  • palpitations ou rythme cardiaque rapide;  
  • étourdissements, vertiges ou impression d’être en train de s’évanouir;  
  • impression d’étouffer ou de manquer  d’air;  
  • nausées ou dérangements d’estomac;  
  • picotements ou engourdissements;  
  • frissons ou bouffées de chaleur;  
  • peur de mourir;  
  • peur de devenir folle ou de perdre le contrôle de soi;  
  • transpiration;  
  • tremblements ou spasmes musculaires;  
  • douleur ou gêne au thorax;  
  • sensation d’étranglement;  
  • sensation d’être détachée  de soi ou impression d’irréalité.

Attaque de panique: quand la peur devient constante

Faire une attaque de panique ne signifie pas qu'on va nécessairement développer un trouble panique. Plusieurs personnes ne vivent qu'une ou quelques attaques au cours de leur vie. Ces crises surviennent le plus souvent pendant une période intense émotionnellement ou lors d'un choc émotif: une rupture, un deuil, des soucis financiers, etc.

Si les attaques se répètent, le trouble panique peut s'installer et modifier notre comportement. On parle de trouble panique quand on a fait plus de deux attaques de panique, qu'on craint d'en faire d'autres depuis au moins un mois et qu'on vit une souffrance importante. Le nombre de crises est très variable d'une personne à l'autre: de plusieurs par jour à quelques fois par mois.

Le trouble panique peut nous amener à éviter des situations (comme prendre la parole en public) ou des lieux (l'ascenseur) parce qu'on les associe aux crises. «Chaque fois que je devais prendre le métro, j'avais peur d'avoir un malaise dans le tunnel, loin des secours, se rappelle Catherine. Sans trop m'en rendre compte, j'essayais de me déplacer autrement. Mais ça devenait compliqué. J'ai finalement dû faire face au métro et à ce qui générait tant de stress dans ma vie.» Certaines personnes en viennent même à éviter les sorties au cinéma, les invitations chez des amis, les rencontres de famille. Sortir de leur zone de confort, voire sortir de chez elles, semble de plus en plus périlleux. L'isolement s'installe. On parle alors d'un trouble panique accompagné d'agoraphobie.

Selon l'organisme Phobies-Zéro, un groupe de soutien pour les gens souffrant d'un trouble anxieux, le trouble panique est un handicap fonctionnel qui se compare à des conditions médicales chroniques comme le diabète, l'arthrite ou la sclérose en plaques. «On ne parle pas encore très ouvertement des troubles anxieux. On a tendance à dire: "Tout le monde vit de l'anxiété. Prends-toi en main!" Mais c'est plus compliqué que cela. Ce n'est pas une question de laisser-aller», dit Jean-Rémy Provost.

Comme les autres troubles anxieux, le trouble panique semble toucher davantage les femmes que les hommes: deux fois plus sans agoraphobie et trois fois plus quand il s'accompagne d'agoraphobie. Mais, les femmes étant davantage portées à consulter, il est possible que cet écart soit moins important qu'il n'y paraît. Le trouble peut survenir à tout âge, mais il commence souvent vers la fin de l'adolescence ou vers le milieu de la trentaine.

Ultimement, le fait qu'on développera ou non le trouble réside dans une combinaison de facteurs héréditaires, biologiques, psychologiques et environnementaux. «On est plus sujet aux attaques s'il y a des antécédents familiaux anxieux, si notre estime de soi est modérée ou faible et si on évolue dans un environnement anxiogène (rapidité, performance, compétition, etc.). La présence d'un autre trouble anxieux (phobies, trouble obsessif-compulsif) est aussi un terreau propice aux attaques de panique», explique Jean-Rémy Provost.

 

Attaque de panique: vite, à l'urgence!

L'anxiété générée par les crises peut rapidement engloutir toute l'existence. C'est ce que raconte l'auteur-compositeur Jean Robitaille dans Guérir à s'en rendre malade. Pendant 12 ans, l'anxiété a pris toute la place dans sa vie. Le point de départ: une attaque de panique. «J'étais dans mon studio, certain d'être en train faire une crise cardiaque, raconte-t-il. J'ai demandé qu'on m'emmène à l'urgence. Le médecin a diagnostiqué de l'angoisse, m'a prescrit des calmants et m'a donné mon congé. Mais les crises sont revenues et, chaque fois, je croyais faire une crise cardiaque. J'en avais deux ou trois par semaine, au point où je changeais d'hôpital. C'est vrai que mon coeur s'emballait, mais, dès que j'étais rassuré, tout se stabilisait. Jusqu'à la prochaine crise.»

La personne anxieuse court souvent à l'urgence pour se faire dire, après une batterie de tests, qu'elle n'a rien sinon un problème d'anxiété. Elle devient très attentive à ses moindres symptômes physiques. Les gens avec un trouble panique consultent sept fois plus leur médecin que la moyenne, selon Phobies-Zéro. «On se dit que le médecin n'a pas tout vu ou que les tests ont été mal faits, car les symptômes physiques sont réels, explique Jean- Rémy Provost. Mais ils sont dus à l'anxiété.»

«Cela devient accaparant et débilitant, confie Jean Robitaille. Il n'y a rien d'autre qui existe. Ça m'a empêché de vivre de beaux moments. Je pense à la fois où j'avais été invité avec mon père à assister à un match du Canadien à Boston, durant les séries. Au lieu d'en profiter, je cherchais désespérément une clinique pour voir un médecin.»

Panique ou stress?

Il ne faut pas confondre l'attaque de panique avec l'anxiété ou l'inquiétude qu'on éprouve à différents moments de notre vie, avec plus ou moins d'intensité. En règle générale, lorsqu'on dit: «Je panique», on fait plutôt référence à l'inquiétude que suscite un dossier à livrer, une présentation en public, un premier rendez-vous, etc.

Attaque de panique: pour s'en sortir

Apprendre à identifier le début d'une crise de panique constitue une partie importante du traitement. «La panique a tendance à créer la panique. Le mot d'ordre est: la panique est là, mais pas de panique! Ce n'est pas dangereux. Il faut briser le cercle vicieux », dit le Dr Bexton.

En psychothérapie, on apprend comment réagir en cas d'attaque. La thérapie aide également à clarifier et à diminuer les peurs  sous-jacentes qui peuvent contribuer à perpétuer le trouble panique. On peut avoir besoin d'antidépresseurs, du moins temporairement, pour stabiliser l'activité cérébrale. Certains médicaments ont un effet calmant temporaire sur l'activité cérébrale, d'autres agissent directement sur l'anxiété. «Tout dépend de la situation, explique le Dr Bexton. Dans certains cas, les médicaments permettent de commencer la psychothérapie. Autrement, ce serait comme demander à une personne qui tombe d'un 20e étage comment elle se sent. Parfois, les médicaments sont nécessaires à plus long terme.»

Le soutien est une partie importante du traitement, peu importe la gravité du trouble. L'entourage est précieux, mais il existe aussi des groupes où on peut obtenir rapidement de l'aide et de l'information, et échanger avec des gens qui vivent la même expérience. C'est le mandat de groupes comme Revivre et Phobies-Zéro, qui, comme le médecin de famille, sont une bonne porte d'entrée pour trouver de l'aide.

«Tranquillement, la confiance revient, observe Jean Robitaille. On y arrive à coups de petites victoires. On devient capable d'identifier ce qui se passe. Parallèlement à la psychothérapie, l'implication sociale m'a beaucoup aidé à effectuer un vrai changement.»

Attaque de panique: des trucs éprouvés

La contre-attaque «On apprend en psychothérapie à ne pas essayer d'éviter l'attaque à tout prix, mais plutôt à l'affronter. On sait que cela va passer», explique Jean-Rémy Provost.

En parler On en parle à notre entourage immédiat, aux collègues dont on est le plus proche. On se sentira plus légère et, en cas de crise, ils pourront nous aider. Si cela arrive, on peut dire tout simplement qu'on a une petite montée d'adrénaline et qu'on sort quelques minutes pour retrouver notre calme.

Le chronomètre La crise est délimitée dans le temps: on lui laisse donc le temps de s'en aller. «On regarde notre montre. On se dit: "Dans 20 minutes, je vais me sentir mieux." Ce rapport au temps me rassure. Souvent, la crise passe même plus vite», raconte Diane.

Le sac de papier On respire dedans quelques minutes. «Le peu de CO2 qu'on va expirer, on va l'inspirer de nouveau, ce qui va augmenter le taux dans le sang et rétablir l'équilibre», explique le Dr Bexton.

Des gorgées d'air On fait semblant de boire deux petites gorgées d'air. On compte mentalement: 1, 2. On retient notre souffle pendant deux autres secondes, puis on expire par la bouche pendant deux secondes, comme si on recrachait les gorgées d'air. Cela ralentit la respiration

Pour aller plus loin

  • Association Revivre
  • Guérir à s'en rendre malade, par Jean Robitaille, Libre Expression, 2009, 312 p., 27,95 $.
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