Psychologie
Abus et violence envers les aînés: un problème sous-estimé
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Au Québec, 15 % des personnes âgées se retrouvent dans une situation d'abus, de violence ou de négligence, selon le Réseau québécois pour contrer les abus envers les aînés (RQCAA). Avec le vieillissement de la population, cette situation préoccupante risque d'aller en augmentant.
Il existe au Québec un consensus selon lequel le phénomène des abus envers les aînés est largement sous-estimé. Dans l'ensemble de la province, ce sont 150 000 personnes âgées qui en seraient victimes. «Il s'agit d'un fait souvent caché et il est donc très difficile d'évaluer l'ampleur de la situation, mentionne Johanne Villeneuve, agente de recherche au Conseil des aînés. Les abus que l'on connaît sont ceux qui ont été dénoncés, et ce n'est peut-être que la pointe de l'iceberg.»
L'exploitation financière serait assurément le type le plus fréquent (28 %). L'abus psychologique (26 %), la négligence (19 %), l'abus physique (17 %) et les mauvais traitements (9 %) figurent parmi les autres cas répertoriés. Enfin, les agressions sexuelles (2 %) sont à l'origine d'un nouveau phénomène social, la gérontophilie, que l'on commence à mesurer. «Elle touche 3000 personnes par année, ce qui est très préoccupant!», mentionne Hélène Wavroch, directrice générale du RQCAA.
Qui sont les abuseurs?
L'implication de proches semble se confirmer. «Dans 54 % des cas, les abuseurs sont les enfants, en premier lieu lorsqu'il s'agit d'abus financier et ensuite lorsqu'il s'agit de négligence», souligne Hélène Wavroch. Dans 7 % des cas d'exploitation financière, les abuseurs sont les personnes embauchées pour s'occuper des gens âgés, et dans 4 %, ce sont les petits-enfants. «Quand on parle torts physiques et psychologiques, les abuseurs sont souvent les époux ou les partenaires de vie», ajoute madame Wavroch.
Le profil de la victime
«La victime est souvent une femme de 75 ans et plus qui vit seule et qui souffre d'une maladie mentale ou d'une incapacité physique, explique Johanne Villeneuve. Les personnes isolées et qui reçoivent peu de visites sont plus à risque.»
Actuellement, aucune barrière économique ne fait obstacle aux abus et à la maltraitance envers les aînés. «Ils peuvent atteindre autant les riches que les pauvres, tant les gens instruits que les moins instruits, note Hélène Wavroch. J'ai même remarqué que cela arrivait souvent dans des familles bien nanties.»
Malheureusement, les victimes sont encore peu nombreuses à demander de l'aide. «Il y a un sentiment de honte, de s'être fait avoir, mentionne Johanne Villeneuve. La situation se complique lorsque l'abuseur est un proche puisque la victime craint de briser le lien affectif ou de créer de la bisbille dans la famille.»
Où trouver de l'aide?
Plus d'une cinquantaine d'organismes communautaires sont dédiés aux personnes âgées; ils tentent de trouver des moyens de briser l'isolement. «Nous encourageons les aînés à faire partie de clubs, notamment par l'entremise de la Fédération de l'âge d'or du Québec, explique Hélène Wavroch. Certains organismes peuvent également les sortir s'ils sont en perte d'autonomie, ce qui leur permet de rencontrer des gens.»
Lorsqu'un abus survient, deux types d'actions sont possibles. D'une part, la police peut être appelée à intervenir si quelque chose de grave se produit et que la victime porte plainte. Par ailleurs, dans les CLSC et certains organismes régionaux comme DIRA (dénoncer, informer, référer, accompagner), à Laval, divers intervenants agissent régulièrement sur le plan social afin d'appuyer des personnes âgées en situation d'abus. Enfin, les victimes peuvent appeler la ligne Tel-Aînés (514 353-2463) sept jours sur sept de 10 h à 22 h ou Info-Abus (1 888 489-ABUS).
«Nous encourageons le signalement par une tierce personne, ajoute Hélène Wavroch. Si une voisine soupçonne un abus, il est important qu'elle le signale, au CLSC local par exemple, pour que la victime présumée ait des visites. Avec le vieillissement de la population, l'évolution du problème dépendra de la façon dont, collectivement, nous allons faire face à la situation. Nous devons mettre en place les ressources nécessaires pour démystifier le problème, faciliter les recours et pour que ces abus ne soient plus tabous.»
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