Psychologie
À toi, qui passe un premier Noël sans un être cher
Photographe : istockphoto.com
Noël, c’est magique. On le sait. On nous le répète ad infinitam dans des chansons, dans des cartes de vœux, sur des affiches scintillantes dans les magasins... Noël, c’est des belles tablées, des enfants qui rient, des sapins illuminés, des familles et des amis trop heureux de se retrouver pour le réveillon.
Sauf que Noël, quand il manque quelqu’un autour de la table, ça a toute la grâce et la magie d’un enterrement. On ne remarque que la place laissée vide durant le réveillon, le cadeau qu’on n’a pas acheté cette année, celui qu’on ne recevra pas, toutes les traditions et les sorties qu’il faut rebrasser comme un paquet de cartes pour s’étourdir un peu et tenter de rendre l’absence moins vive, moins cruelle. Un peu. Espérons.
Les proches et les amis autour feront de leur mieux pour vous changer les idées. Vous dire que l’être cher est dans votre cœur. Qu’il veille sur vous. Qu’il vous aime toujours autant. Que malgré la façon que l’amour s’exprime désormais entre vous et l’être cher ait changée, rien n’a changé. Ils seront maladroits dans leur approche, mais leur sentiment sera sincère. Ils sont aussi désemparés que vous devant l’ampleur de l’injustice, de la tristesse de la situation. Et pire encore, malgré tout leur bon vouloir, ils n’ont pas, pour la plupart, la moindre idée de comment vous vous sentez. Même s’ils répètent: «Je comprends.»
Sûrement qu’on vous offrira toutes sortes de bons conseils pour passer à travers le temps des fêtes avec le moins d’écorchures possible:
«Viens au party de bureau, ça va te changer les idées!»
«Va voir un film drôle, ça va te faire rire!»
«Va voir le bébé tout neuf de ta cousine, c’est de la bébé thérapie!»
«Achète-toi un chien, ça va combler le vide dans la maison!»
Autant de belles idées qui peuvent distraire un instant, mais qui ne changeront absolument rien à la situation. Ou qui vont peut-être l’empirer, parce que la seule chose qui fait plus peur aux gens dans un party de Noël qu’une personne atteinte de grippe ou de gastro, c’est une personne triste. Une personne qui n’a pas le cœur à la fête et qui a beau se forcer pour sourire, c’est à peu près aussi attirant qu’un feu sauvage.
Alors, vous pensez que je vais en rajouter en vous donnant de bons conseils pour traverser cette période tellement exigeante? Non... et oui.
Non, car qui suis-je pour connaître l’ampleur du vide laissé par l’absence de cette personne tant aimée? Qui vous préparait le café à sa façon ou qui vous demandait tout le temps comment allaient vos études (même si vous les aviez terminées depuis des années) ou qui vous offrait une boule de Noël bien choisie pour votre collection ou qui vous cuisinait vos biscuits préférés. Ou qui vous tapait un peu sur les nerfs avec ses manières ou en mangeant la bouche ouverte, mais que vous aimiez profondément malgré tout. Ou pire encore, qui partageait votre vie de tous les jours, que vous voyiez tous les matins et tous les soirs, et qui n’a laissé dans son sillage que l’âcre parfum du vide et le silence fantasmagorique des «je t’aime» qu’elle ne vous dira plus.
Oui, parce que je commence à savoir qu’il ne sert à rien de s’étourdir avec des partys et des sorties et des films drôles. Quand le cœur n’est pas à la fête, ça ne sert à rien de faire semblant. C’est tout à fait correct de pleurer sa vie quand on tombe sur une photo de soi en compagnie de l’être cher ou sur une boule de Noël achetée ensemble en vacances ou sur la recette de sucre à la crème qu’il préparait chaque année. L’apprentissage du deuil, c’est comme l’apprentissage du surf en haute mer: chaque vague arrive inévitablement, parfois plus grosse que la dernière, et certaines nous passent par-dessus la tête. On se ramasse parfois sous l’eau, ne sachant pas de quel côté est le ciel tellement on est secoué par la vague, mais on finit éventuellement par reprendre son souffle, en toussant et en crachant l’eau. Et cette réalité-là est plus vraie que n’importe quel artifice qu’on puisse vous proposer comme de la poudre aux yeux. Car la vague vous suivra, peu importe où vous allez.
Je suis là pour vous dire que surfer n’est pas facile. C’est probablement la chose la plus difficile à faire en ce bas monde. Mais il est tout à fait permis de rebrasser toutes les cartes pour en faciliter l’apprentissage. Même si ça veut dire se coucher à 20 h le soir du réveillon. Ou aller à la messe de minuit même si on n’y est jamais allé. Ou boire cinq gin-tonics si c’est ce qu’il faut. Ou aller marcher dans la froide nuit hivernale. Ou recevoir 50 personnes. Ou ne recevoir personne. Seul vous savez ce que vous souhaitez vraiment. Il suffit de fermer les yeux et d’écouter votre cœur. Il saura vous dire.
À défaut de vous imposer un joyeux Noël, à vous qui apprenez à surfer, je vous en souhaite un aux vagues les plus calmes possibles. Je vous souhaite la paix dans votre cœur. Le plus souvent possible. Et la confiance de savoir que d’autres Noëls plus doux vous attendent. Un jour.
Je suis de tout cœur avec vous.
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